La guerre du pétrole rattrape Moscou
Le Kremlin fait ses comptes, et un chiffre s'avère particulièrement inquiétant: en novembre, le prix du pétrole russe de type Urals est tombé sous les 45 dollars le baril, selon un rapport du ministère russe de l’Economie.
Depuis octobre, le prix de l’Urals a chuté de 18%. En cause: les nouvelles sanctions décidées par le gouvernement de Donald Trump, qui ont visé les groupes Rosneft et Lukoil et les ont contraints à consentir des rabais nettement plus élevés.
Un coup dur pour les finances du Kremlin
Pour Moscou, le choc est considérable: en janvier 2025, un baril d’Urals dépassait encore les 67 dollars. Seule la période de la pandémie aura été pire, le prix étant alors tombé à environ 43 dollars.
L’économiste russe Dmitri Nekrassov nous explique que la Russie vend effectivement son pétrole à prix cassé. Mais il nuance:
Le prix final, plus élevé, n’est pas connu.
Cela ne signifie pas que les prix n’ont pas baissé, mais que les données officielles n’offrent qu’un aperçu partiel. L’expert du Centre pour l’analyse et la stratégie en Europe précise:
Actuellement, les attaques ukrainiennes contre des pétroliers russes en mer Noire, ainsi que les nouvelles sanctions américaines, renchérissent les coûts logistiques et les marges des intermédiaires, poursuit Dmitri Nekrassov.
70% de la production pétrolière sous sanctions
Fin octobre, les Etats-Unis ont ajouté Rosneft et Lukoil à leur liste actualisée de sanctions. Ensemble, ces deux groupes représentent environ la moitié de toute la production pétrolière russe. L’interdiction de commercer avec eux est entrée en vigueur le 21 novembre.
Le centre d’analyse Bofit constate qu’aujourd’hui plus de 70% de la production pétrolière russe provient d’entreprises directement sanctionnées.
L’ensemble du secteur pétrolier et gazier russe continue toutefois à engranger des revenus grâce à des livraisons discrètes. Des journalistes du média russe Important Stories ont notamment révélé qu’en 2024, la Russie a livré plus de 1,5 million de barils de produits pétroliers à la Corée du Nord. Au moins 50 pétroliers ont été repérés: ils arrivaient à vide dans le port de Nakhodka et repartaient chargés vers la Corée du Nord.
Outre le transport maritime, la Russie a envoyé au moins 322 000 barils de produits pétroliers par train vers la Corée du Nord. Parmi les principaux acheteurs figurent également l’Inde et la Chine. En visite récente à New Delhi, Vladimir Poutine a assuré que les livraisons de pétrole russe vers l’Inde se poursuivaient de manière «rythmée» et a qualifié les partenaires indiens de «très fiables».
Recul massif des recettes du pétrole et du gaz
Malgré ces «partenaires fiables», la baisse des prix du pétrole pèse lourdement sur les finances de l’Etat russe, souligne Dmitri Nekrassov. Un constat que confirment les derniers chiffres du ministère des Finances: sur les onze premiers mois de l’année, les revenus tirés du pétrole et du gaz ont diminué de 22,4%, principalement en raison du recul du prix moyen du pétrole.
Le ministère des Finances envisage même un risque de baisse supplémentaire des recettes, faute de reprise significative des prix. Le budget russe pour 2025 prévoit en outre des dépenses en hausse de 12,5% par rapport à l’année précédente.
Faut-il en conclure que Moscou devra réduire les fonds destinés à la guerre en Ukraine ou au développement de nouveaux armements? Dmitri Nekrassov en doute:
