Evgueni Prigojine n'est plus. Le patron de Wagner a péri dans le crash de son jet privé, en Russie, en compagnie de la crème des dirigeants du groupe de mercenaires, dont Dimitri Outkine, l'autre fondateur de l'entreprise et directeur opérationnel.
Les circonstances autour du crash restent très floues. Pour ne pas dire, carrément suspectes. Comment expliquer que l'avion ait piqué du nez, apparemment dans un nuage de fumée?
Sur les réseaux sociaux, les hypothèses d'une interception par un missile russe vont bon train. Plusieurs photos et vidéos, non authentifiées, laissent entendre que la trace du missile est visible dans le ciel et qu'une double détonation aurait précédé la chute de l'engin. D'autres estiment que cela est peu probable, l'avion n'ayant pas explosé en vol mais chutant dangereusement en flammes, une de ses ailes visiblement arrachée.
Prigozhin's jet wasn't destroyed by the missile strike, and I wonder if that was intentional?
— Les Floyd (@Lesism) August 23, 2023
Rather than being instantly vaporised, the occupants will have had a minute or two of sheer horror, facing their imminent, certain death, as they plunged to earth. pic.twitter.com/wRZVXDjhHl
Plusieurs blogueurs militaires russes estiment également que l'état des débris au sol exclut l'impact d'un missile. Certains internautes avancent que c'est une bombe qui aurait sauté à bord de l'appareil, entraînant sa chute. Pour l'heure, aucune de ces hypothèses n'est solidement étayée.
Tous les regards sont tournés autour de Vladimir Poutine. Pour l'instant, pourtant, aucune piste directe ne mène au président russe, qui est resté de marbre depuis l'annonce de la mort de son rival, sinon ennemi. Pas même un petit message par communiqué.
Les coïncidences sont nombreuses et Poutine est connu pour apprécier les symboles. Ainsi, l'avion a été abattu pile deux mois, jour pour jour, après la rébellion avortée de Prigojine. De plus, les circonstances rappellent celles de l'avion de ligne MH17, descendu par un missile portatif sol-air tiré depuis le Donbass par des séparatistes pro-russes, en juillet 2014. L'ombre de Poutine plane sur ce drame qui a fait près de 300 morts civils.
Le message a en tout cas atteint la cible des opposants à Poutine: si même l'homme à la tête de l'armée privée la plus puissante du pays n'arrive pas à le faire plier, personne n'y arrivera.
Dans un documentaire de 2018 réalisé par le journaliste Andreï Kondrachov, on pouvait déjà entendre de la bouche même de Poutine sa ligne rouge qui ne devait jamais être franchie:
🇷🇺 One thing #Putin can't forgive.
— Jønathan Wøød (@JonathanWood) June 24, 2023
Following his Saturday address in connection to the attempted armed #mutiny in Russia, a clip from the 2018 film 'Putin' by Andrey Kondrashov is circulating on social media. pic.twitter.com/wBkxX5IZsv
Et la trahison, c'est justement le mot utilisé par le Maître du Kremlin pour évoquer le coup de force de Prigojine, en juin dernier — sans pour autant évoquer le nom de ce dernier. Fait rarissime: Poutine s'était trouvé dans une position de faiblesse. Un affront inexcusable pour celui qui ne courbe, d'habitude, jamais l'échine.
Et comment ne pas voir autre chose qu'une punition dans le crash hautement suspect de l'avion de Prigojine, deux mois après que Poutine a prononcé ces mots?
Les réactions ont fusé dans le reste du monde après l'annonce de la mort d'Evgueni Prigojine. En Occident, le moins qu'on puisse dire, c'est que l'annonce a plutôt soulevé quelques sourcils et que de nombreux chefs d'Etat ne croient pas en un accident.
Joe Biden, tout d'abord, s'est dit «pas surpris» par la mort du patron de Wagner, sous-entendant qu'une épée de Damoclès flottait au-dessus de sa tête. Il a directement évoqué l'ombre de Poutine:
Rien de nouveau pour le dirigeant américain, qui avait traité le Maître du Kremlin de «tueur», en mars 2021, avant de le rencontrer à Genève le mois suivant, où il avait notamment évoqué la question de l'Ukraine.
En France, pas de déclaration d'Emmanuel Macron, mais le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, s'est exprimé jeudi sur France 2 dans l'émission Télématin, abondant notamment dans le sens de Joe Biden. Selon lui, la thèse de l'accident n'est pas vraiment crédible:
🔴🗣️ "À la tête du groupe Wagner, c'était l'homme des basses oeuvres de Poutine"
— Telematin (@telematin) August 24, 2023
Olivier Véran établit "par principe" le même constat que Joe Biden qui n'est "pas surpris" de la mort d'Evgueni #Prigojine. #Les4V @olivierveran pic.twitter.com/VcgBrIjc8V
Du côté ukrainien, le message est carrément direct. Mikhaïlo Podolyak, conseiller au cabinet de Volodymyr Zelensky, a écrit sur le réseau social X:
Selon lui, «Progojine avait signé son arrêt de mort au moment où il a cru aux "garanties" de Loukachenko et aux "paroles honnêtes" de Poutine.