L'Ukraine veut arrêter le transit de pétrole et de gaz russes vers l'UE à partir de 2025. C'est ce qu'a déclaré vendredi Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président Volodymyr Zelensky dans une interview accordée à la chaîne ukrainienne Novyny.Live. L'Ukraine a conclu des contrats en tant que pays de transit, qui sont valables jusqu'au 1er janvier 2025 et que le pays ne peut pas résilier unilatéralement. Mais, selon Podoliak:
Kiev est toutefois prêt à faire transiter le gaz des pays d'Asie centrale ou de l'Azerbaïdjan vers l'Europe. Pour l'Ukraine, il est décisif de priver la Russie des sources de revenus provenant de la vente de matières premières.
Le contrat de transit du gaz russe à travers l'Ukraine vers l'Europe entre les sociétés d'Etat Gazprom et Naftogaz se termine le 31 décembre 2024. Malgré la guerre lancée par Moscou il y a plus de deux ans, il a été honoré jusqu'à présent, notamment grâce à l'insistance des pays voisins de l'Ukraine, en particulier la Hongrie.
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L'Ukraine augmente désormais la pression sur les Etats européens qui n'ont jusqu'à présent guère fait d'efforts pour s'affranchir de leur dépendance à l'énergie russe. En première ligne se trouvent la Hongrie et la Slovaquie, dirigés par Viktor Orban et Robert Fico, deux hommes politiques ouvertement pro-Poutine et entretenant des liens ambigus avec le Kremlin depuis le début de la guerre.
Par ailleurs, l'Autriche continue d'acheter 83% de ses importations totales de gaz de pipeline à la Russie, selon le journal autrichien Kleine Zeitung. Les pays de l'UE se sont mis d'accord pour ne plus acheter de gaz russe d'ici 2027.
De plus, la République tchèque reçoit encore du pétrole russe via l'oléoduc Druzhba, mais dans une moindre mesure. Le pays travaille déjà sur des alternatives. Selon les déclarations du Premier ministre Petr Fiala, le pays prévoit de devenir indépendante du pétrole russe d'ici la mi-2025. L'année dernière, la République tchèque achetait encore un peu plus de 60% de son pétrole à la Russie.
L'achèvement du projet d'extension de l'oléoduc italien Transalpine (TAL) devrait toutefois mettre fin à cette dépendance. Celui-ci transporte le pétrole brut du Kazakhstan depuis le port italien de Trieste jusqu'au sud de l'Allemagne. A partir de 2025, le TAL devrait transporter quatre millions de tonnes de pétrole brut de plus qu'auparavant, la République tchèque recevant alors huit millions de tonnes par an, soit la demande totale du pays.
La Hongrie et la Slovaquie pourraient probablement procéder de la même manière: l'ancien chef de l'opérateur ukrainien du réseau de transit, Serhij Makohon, a expliqué au journal Kyiv Post que l'oléoduc Adriatique pourrait être prolongé à cet effet. Celui-ci transporte du pétrole du Kazakhstan, du Koweït et d'autres pays de l'OPEP via la Croatie. Il a ajouté:
Pour l'Ukraine, la fin du transit de gaz et de pétrole ne représente pas une grande perte. Selon des estimations, Kiev a récemment réalisé un bénéfice annuel d'environ 250 millions de dollars grâce au transit. Les recettes totales de l'Etat s'élèvent à 43,7 milliards de dollars, le transit ne représente donc qu'un peu plus de 0,6% des recettes. La Russie, en revanche, percevrait approximativement six milliards de dollars par an grâce aux exportations de pétrole.
En juin dernier, l'Ukraine avait déjà sanctionné le groupe énergétique russe Lukoil. A partir de fin juillet, le pays a complètement cessé de faire transiter le pétrole de Lukoil par l'oléoduc Druzhba. Les gouvernements hongrois et slovaque ont réagi vivement à ces mesures. A Budapest, on a même craint une crise énergétique, le chef d'état-major du Premier ministre Viktor Orbán parlant de «chantage». Selon le journal américain Politico, la Hongrie achète encore 70% de ses importations de pétrole à la Russie.
Suite aux sanctions de Lukoil, la Slovaquie a même menacé de suspendre ses exportations de diesel vers l'Ukraine. En Hongrie, certains ont également menacé de suspendre les exportations d'électricité vers l'Ukraine. Le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, a assuré fin juillet que son pays et la Slovaquie allaient engager des poursuites judiciaires contre l'Ukraine.
Le tronçon nord de l'oléoduc Druzhba, qui mène à l'Allemagne, a été en grande partie fermé en raison des sanctions occidentales contre le pétrole russe. Selon les médias russes, la filiale kazakhe du fournisseur d'énergie Eni a commencé en août à pomper du pétrole de la mer Caspienne à travers l'oléoduc. Ce compromis permet à la Russie de générer des revenus de transit, mais pas de vendre son propre pétrole au marché le plus lucratif pour le pays, l'Europe.