Nikolaï Peskov a ajouté une nouvelle dimension au concept de la voiture autonome: alors qu'il disait servir en tant que soldat russe en Ukraine, son véhicule a été flashé à Moscou pour excès de vitesse.
Une erreur de logiciel? Probablement pas. Quelqu'un d'autre au volant? Tout aussi incertain. Ses amis rapportent qu'il n'a jamais laissé sa Tesla bien-aimée entre d'autres mains que les siennes. De plus, Nikolaï est un chauffard notoire; en un an, il aurait apparemment fait l'objet d'une centaine de plaintes.
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Il s'avère que Nikolaï Peskov n'est pas n'importe qui. Ce n'est autre que le fils du désormais célèbre porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. En tant que tel, il s'est, jusqu'à présent, surtout adonné à la vie de luxe typique des «nouveaux riches» russes, à l'étranger et dans les cercles supérieurs de Moscou.
Il est d'autant plus embarrassant pour lui de voir comment son excès de vitesse se transforme désormais en farce politique - pire: en véritable désastre de relations publiques pour le Kremlin.
Tout a commencé en septembre dernier. Dmitri Nisovtsev, un journaliste de l'équipe d'opposition politique, a appelé les fils de hauts fonctionnaires de l'Etat, immédiatement après la mobilisation russe. Se faisant passer pour un officier du commandement militaire, il a demandé aux jeunes messieurs de se présenter le lendemain, à 10 heures, pour s'engager dans le service militaire en Ukraine.
La victime la plus célèbre de son canular téléphonique? Nikolaï Peskov. Comme on pouvait s'y attendre, le fils du porte-parole russe n'était pas très enthousiaste à l'idée de partir à la guerre. Il a alors répondu qu'il ferait «clarifier la question de sa convocation par une instance supérieure». L'appel a rapidement fait le tour des médias.
Apparently Peskov’s son got pranked. 😃😃
— olexander scherba🇺🇦 (@olex_scherba) September 21, 2022
- This is military commissariat. You’re to report tomorrow at 10am to be mobilized.
- My name is Peskov. If you don’t understand it, I’ll address this issue on a different level…
- So, can we put you down as volunteer?
- Surely not! pic.twitter.com/bsrzadzCfJ
C'était donc d'autant plus surprenant lorsque, six mois plus tard, on a appris que ce même Nikolai Peskow avait récemment servi sur le front. Et pas n'importe où, mais dans la fameuse troupe de mercenaires «Wagner». Le chef de cette dernière, Evgueni Prigojine, a lâché cette bombe médiatique avec une désinvolture frappante lors d'une «interview sur le terrain» avec un blogueur militaire russe.
Le père Peskov lui aurait demandé d'accepter son fils dans sa troupe: «Prends-le comme simple artilleur». Le garçon aurait ainsi servi sagement, avec de la boue jusqu'aux genoux, sur l'«Ouragan», un système de lance-roquettes multiples de conception soviétique.
Très vite, des doutes ont été émis sur cette histoire. A commencer par l'épisode de la Tesla. Deuxième détail suspect: les systèmes d'armes comme l'«Ouragan» ne sont pas «dans la boue» sur le front, mais opèrent généralement depuis un arrière-terrain protégé. Si Peskov a effectivement servi sur ce canon, il l'a fait à une distance sûre du front. Seulement voilà: il n'y a pas de témoins qui pourraient confirmer l'engagement de Peskov.
Finalement, une vidéo montrant le jeune Peskov est apparue en guise de «preuve». Quel dommage que les hommes dans le clip soient tous cagoulés, comme c'est l'habitude dans la troupe Wagner... Puis une deuxième «preuve» a été partagée: une photo d'un jeune homme, non-cagoulé et en uniforme de camouflage.
Mais celle-ci a également un défaut: sur la photo, on voit en arrière-plan l'ancien président ukrainien Petro Porochenko. La photo a été prise lors de la cérémonie d'engagement militaire du fils de Porochenko, rapporte la plateforme d'information Populjarnaja Politika.
Malgré l'accumulation de preuves, le père et le fils Peskov s'en tiennent à leur version. Le porte-parole du Kremlin explique volontiers aux médias à quel point il s'est fait du souci pour son fils, lui raconte au tabloïd Komsomolskaya Pravda comment il s'est senti au front. Mais les détails restent vagues.
Dmitri Nisovtsev, le journaliste de l'équipe de Navalny, ne pouvait pas non plus laisser l'affaire en suspens. En tant que prétendu «major du commandement militaire», il a récemment rappelé Peskov, mais est tombé sur sa boîte vocale. Il lui a néanmoins laissé un message: Peskov doit le contacter immédiatement: il exige une explication sur les raisons pour lesquelles il n'a pas répondu à la convocation de septembre et s'est engagé à la place auprès du groupe Wagner. Après tout, le mercenariat est toujours punissable en Russie.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci