Deux fois médaillée d'or olympique à Athènes en 2004 et à Pékin en 2008, médaillée de bronze à Londres en 2012, trois fois championne du monde, 28 records du monde battus: la carrière de Yelena Isinbayeva est un véritable exploit. Elle est considérée comme l'une des sauteuses à la perche les plus titrées de l'histoire de ce sport.
La Russe est également une confidente importante de Vladimir Poutine; elle l'a aidé à consolider son pouvoir. En effet, Yelena Isinbayeva est membre de son parti, «Russie unie», et major général de l'armée russe. En 2018, l'athlète a fait partie de l'équipe de campagne de Poutine et a même participé à la rédaction de la nouvelle constitution du pays, permettant au locataire du Kremlin de rester président jusqu'en 2036.
Pourtant, il semblerait qu'elle ait désormais tourné le dos à son pays. Selon de nouvelles recherches menées par la fondation d'Alexeï Navalny, Yelena Isinbayeva mène une vie luxueuse à Ténérife, l'île espagnole très prisée pour les vacances au large de l'Afrique.
L'athlète de 41 ans y posséderait trois propriétés au total. Les villas et les appartements valant ensemble trois millions d'euros, rapporte la fondation anti-corruption dans une nouvelle vidéo. En juillet déjà, des photos de la Russe sur l'île espagnole avaient circulé.
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Son séjour en Espagne aurait commencé bien plus tôt, selon la Fondation Navalny. Début mars 2022, soit deux semaines et demie après le début de la guerre, l'ex-sportive posait pour une photo à Ténérife avec un avocat espagnol spécialisé dans les naturalisations. Yelena Isinbayeva a dédicacé la photo, a remercié pour le «travail professionnel, le soutien et les instructions».
Dans un post Facebook supprimé depuis, l'avocat a qualifié la sportive de «femme d'affaires russe éminente dans le secteur immobilier des îles Canaries». Apparemment, l'avocat l'a aidée à obtenir un titre de séjour dans le pays de l'UE.
En effet, Yelena Isinbayeva investirait généreusement aux Canaries. En 2018 déjà, elle a acheté un appartement dans le sud de l'île avec piscine avec vue sur l'Atlantique. L'année dernière, deux maisons sont venues s'y ajouter, rapporte la fondation Navalny. Les deux maisons se trouvent dans un complexe et font près de 250 et 300 mètres carrés. Elles sont toutes deux équipées de deux terrasses, une piscine et un ascenseur.
Alors que la Russie envahit l'Ukraine, y commet des crimes de guerre et s'isole sur la scène internationale, l'un des plus grands soutiens de Poutine se prélasse sous le soleil espagnol. Et ce, contrairement à beaucoup d'autres, comme les nombreux oligarques du pays, qui sont frappés de sanctions, ne peuvent pas entrer dans l'UE ou y toucher leur argent.
«Le fait qu'elle ait obtenu si facilement un permis de séjour en Espagne suscite l'indignation», commente Sergey Shilov, ancien employé du ministère russe des Sports, qui a depuis quitté la Russie. Il ajoute:
La fondation anti-corruption a demandé à l'Union européenne et au gouvernement espagnol d'ajouter l'athlète à la liste des sanctions. «Elle a vendu son nom et sa réputation au Kremlin, a contribué à la mise en place du régime cannibale de Poutine, puis fait tranquillement ses valises et s'enfuit en Europe», déplore l'organisation.
Le cas de Yelena Isinbayeva n'est toutefois pas isolé. Ce sont surtout les familles de nombreux soutiens de Poutine qui prennent leurs aises en Europe. La fille de Boris Obsnosov, chef d'une holding russe qui produit entre autres des armes de missiles, vit avec sa famille à Prague. Maria Kitayeva, ancienne conseillère du ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou et présentatrice, s'est rendue plusieurs fois en Hongrie et en Italie l'année dernière pour des virées shopping, rapporte la fondation Navalny.
Mikhaïl Borissovitch Khodorkovski, ancien homme d'affaires russe et critique de Poutine, condamne la politique de sanctions dans le Washington Post, la qualifiant de «non systématique» et «de moindre qualité».
Yelena Isinbayeva s'est exprimée sur VKontakte, le Facebook russe. Elle qualifie les accusations de «fausses informations». «Je vis là où je travaille, je mange ce que j'aime, je suis avec des gens que j'apprécie et que je respecte».
Jusqu'à présent, les recherches menées par la fondation d'opposition anti-corruption se sont souvent avérées exactes. Les réalisateurs de la vidéo concluent: «Personne ne devrait pouvoir échapper à ses responsabilités. Celles et ceux qui ont aidé Poutine à accroître son pouvoir ne devraient pas être autorisés à vivre en paix en Europe».
(Traduit et adapté par Nicolas Varin)