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On en sait plus sur les sabotages russes en Europe

«Ils peuvent recruter n’importe qui»: les saboteurs russes inquiètent

Sabotage, incendies criminels et propagande. Les menaces de guerre hybride deviennent de plus en plus réelles. Les pistes mènent aux plus hauts niveaux du Kremlin.
25.04.2025, 05:3925.04.2025, 05:39
Finn Michalski / t-online
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Plusieurs colis de fret aérien contenant des engins incendiaires ont explosé ou été interceptés en Europe en juillet 2024, notamment à Leipzig. Les autorités allemandes annoncent une avancée significative dans les enquêtes: elles estiment que le renseignement militaire russe, le GRU, est derrière ces attentats transnationaux. C’est ce que rapportent WDR, NDR et le Süddeutsche Zeitung, en évoquant des suspects identifiés ainsi qu’une perquisition effectuée en Allemagne. Peu de détails sur les investigations ont pour l’instant été rendus publics.

Le 20 juillet 2024, un colis a pris feu à l’aéroport de Leipzig, suivi, le lendemain, d’un autre incident près de Varsovie. Un paquet a également pris feu à Birmingham, après avoir été initialement ignoré et jeté. Quelques jours plus tard, les enquêteurs ont découvert des similitudes inquiétantes entre ces événements.

Les envois avaient été expédiés depuis l’aéroport de Vilnius, la capitale de la Lituanie, toujours en utilisant la même adresse e-mail russe à une station de colis DHL. Malgré les contrôles de routine, les minuteries et les dispositifs incendiaires sont passés inaperçus. Les colis contenaient des objets apparemment inoffensifs, tels que des coussins de massage, des sextoys et des articles cosmétiques.

Essai d'incendies criminels

Les colis étaient destinés notamment à la Pologne et au Royaume-Uni, tandis que deux autres envois semblaient être destinés aux Etats-Unis et au Canada. Cependant, ces derniers n’étaient pas encore équipés de dispositifs incendiaires. Les enquêteurs supposent qu’ils avaient pour but de tester les routes de transport.

D'après les recherches menées par WDR, NDR et le Süddeutsche Zeitung, environ dix personnes seraient impliquées dans l'opération. Un Ukrainien, qui aurait joué le rôle de contact, a été interrogé dans l'Est de l'Allemagne, mais il n'est pas considéré comme un suspect. Deux autres suspects — originaires d'Ukraine et de Lituanie — ont été arrêtés en Pologne. Ils sont accusés d'avoir expédié et réacheminé les colis depuis la Lituanie. L'adresse donnée à Londres semble avoir été fictive. DHL a confirmé l'envoi. Selon les informations actuelles, les suspects seraient des intermédiaires facilement remplaçables, mais non des figures clés de l'opération de sabotage.

D'après l'enquête, la Russie semble de plus en plus recourir aux «agents à usage unique», pour dissimuler ses activités de renseignement. Il ne s'agit pas de professionnels formés, mais plutôt de petits criminels rémunérés et de délinquants amateurs, principalement motivés par l'argent, sans lien direct avec l'idéologie de guerre russe. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les incidents de sabotage se multiplient sur le sol européen, et bien que souvent réalisés par des intermédiaires, les traces mènent régulièrement à Moscou.

Le patron du Service fédéral de renseignement allemands (BND), Bruno Kahl, avertit dans une interview accordée au Süddeutsche Zeitung que de tels «actes de sabotage concrets» pourraient devenir une réalité de plus en plus fréquente. En revanche, le député des Verts au Bundestag et président de l'organe de contrôle parlementaire, Konstantin von Notz, critique le fait qu'il n'y ait toujours pas de «consensus en Allemagne sur le fait que ces attaques font désormais partie de notre quotidien».

Les cryptomonnaies compliquent les enquêtes

Les «agents» recrutés sont rémunérés entre 100 et 10 000 euros par mission — selon s'ils se contentent de transporter un colis ou commettent de véritables incendies criminels. De plus en plus souvent, les paiements sont effectués en cryptomonnaies, ce qui complique le traçage des flux financiers par les enquêteurs.

Pour le Kremlin, cette méthode accroît la sécurité de telles opérations. Dans un entretien avec la Süddeutsche Zeitung, Daniela Richterova, spécialiste du renseignement au King’s College de Londres, explique: «Les miettes de pain ne mènent pas directement aux maîtres-espions russes.» Elle souligne également que cette approche permet à la Russie d’agir à une toute autre échelle:

«En réalité, ils peuvent recruter n’importe qui, n’importe où dans le monde»

Les milieux de la sécurité en sont désormais convaincus: derrière les divers actes de sabotage se cache un système coordonné par des professionnels — avec des ramifications jusqu’au Kremlin. «La plupart des missions sont confiées au GRU», affirme l’ancien chef des services de renseignement lituaniens, Darius Jauniskis. Il met en garde dans le Süddeutsche Zeitung:

«A l’avenir, il y a un risque que des personnes meurent lors d’attaques de sabotage orchestrées par la Russie»

Le service de renseignement militaire russe dispose de ses propres unités spécialisées dans ce type d’opérations, lesquelles ont déjà été impliquées par le passé dans des attaques à l’arme chimique.

A la tête de l’une de ces unités de sabotage se trouvait, depuis 2013, le général Andrei Averjanov. Selon des sources issues des services de sécurité occidentaux, cette unité aurait depuis été intégrée dans une nouvelle structure: le Service pour les activités spéciales (en russe: SSD). Ce nouveau service regrouperait également des forces spéciales. Les autorités allemandes imputent à cette entité plusieurs attaques récentes sur leur territoire. Si la taille exacte de cette unité reste inconnue, les experts estiment qu’Averjanov en conserve la direction.

L'ambassade russe rejette les accusations

Interrogée par le Süddeutsche Zeitung au sujet des accusations, l’ambassade de Russie à Berlin s’est contentée de répondre qu’elle pouvait «difficilement être utile», ses collaborateurs ne disposant «d’aucune compétence professionnelle approfondie en matière de paranoïa, de délire de persécution ou de théories du complot».

Selon le parquet polonais, l’opération de colis piégés aurait été dirigée par un Russe nommé Aleksandr B., arrêté fin 2024 en Bosnie puis extradé vers la Pologne. Le colonel du GRU Denis Smolyaninov est également soupçonné d’avoir participé à l’opération; l’Union européenne l’a sanctionné en décembre 2024. D’après les services de renseignement occidentaux, l’objectif de l’action aurait été de perturber le trafic aérien international. Dès 2014, le GRU aurait mené des réflexions internes sur les moyens de nuire aux itinéraires aériens civils, comme le révèlent des documents du Dossier Center, une organisation financée par le dissident russe Mikhaïl Khodorkovski.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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