Après avoir officié au Daily Mail, au Washington Examiner puis au Telegraph en tant que correspondant politique aux Etats-Unis, on peut dire de Rob Crilly que c'est un reporter chevronné. C'est toutefois la première fois que le journaliste était autorisé à monter à bord d'Air Force One, vendredi dernier, pour suivre un voyage de Donald Trump à l'étranger. L'Ecosse, en l'occurrence.
Une véritable «épreuve d'endurance», selon le journaliste de 52 ans, qu'il a raconté en détail dans un article. Mais surtout, l'occasion d'avoir un «aperçu extraordinaire de l'esprit de l'homme le plus puissant du monde».
Ce 25 juillet, ce ne sont donc pas moins de 13 journalistes qui ont suivi le président dans sa tournée écossaise. Pour rappel, à chaque fois qu'il vole à bord d'Air Force One, c'est tout un groupe de presse itinérant, mêlant équipe de télévision, journalistes de presse écrite, photographes et présentateur radio, qui le suit à tout moment.
Ce pool a une mission: transmettre les détails de la journée aux milliers de journalistes qui couvrent la Maison-Blanche à travers le monde. Et interroger le président lorsqu’il le veut bien ou lorsqu’il s’assoit avec un dirigeant étranger.
Le pool de presse accède à sa cabine réservée par un escalier à l'arrière de l'appareil, situé quasiment à l'opposé des quartiers présidentiels. Les photos étant strictement prohibées, à l'exception des conférences, il faut imaginer une «classe affaire de base», décrit Rob Crilly.
Des fauteuils de taille «convenable», qui ne s'inclinent que partiellement. Au mur, deux téléviseurs diffusent Fox News en direct. En revanche, pas d'accès au wifi. Le seul contact avec le monde est un téléphone connecté au standard de la Maison-Blanche, réservé aux urgences. Il permet aux journalistes d’alerter le monde entier en cas d'un détournement ou d'un problème de santé urgent, par exemple.
En attendant le décollage, les journalistes se voient offrir les célèbres paquets de M&M's, pêché-mignon de Trump, ornés du sceau présidentiel et de sa signature.
Et qu'est-ce qu'on trouve au menu pour le petit-déjeuner, à bord d'Air Force One?
C'est «bon», juge Rob Crilly, même si le repas s'accompagne de la crainte constante que le président peut se pointer dans la cabine pour discuter. Ce ne sera pas le cas cette fois, et les journalistes peuvent avaler leur pitance sans être interrompus.
Au terme d'un voyage de cinq jours rythmé par les discussions avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le premier ministre Keir Starmer et les parties de golf, Donald Trump, «heureux et reposé», est disposé à répondre aux questions sur tout.
C'est sur le vol de retour à Washington qu'il se montrera le plus loquace. A 18h20 locales, alors qu'Air Force One reprend la route des airs vers les Etats-Unis, les téléviseurs à l'avant de la cabine s'allument pour afficher le sceau présidentiel sur fond rouge, blanc et bleu. C'est le signal: le président arrive pour causer. Après une attente «angoissante», Donald Trump apparaît.
Fidèle à son style, il décrit à grand renfort d'euphémismes la journée de la veille et sa discussion avec le premier ministre britannique. La séance de questions-réponses dure très exactement 32 minutes, avec plus de 37 questions.
Ce qui frappe le journaliste? «En quatre ans de voyage avec Joe Biden, je n'ai jamais eu la chance de le croiser dans la cabine de presse», écrit-il. «Nous pouvions faire une sieste au-dessus de l'Atlantique, certains de ne rien manquer.»
Pas vraiment le style de son successeur: «En cinq jours, Donald Trump a transformé six événements en conférences de presse, répondant aux questions pendant 162 minutes, soit un peu moins de trois heures», constate Rob Crilly. Lequel reconnaît là «une stratégie médiatique extrêmement efficace».
Ce jour-là, par exemple, le Wall Street Journal venait d'être été exclu du voyage, après la guerre judiciaire entre Donald Trumpe et Rupert Murdoch, son propriétaire, pour la façon dont le journal avait couvert sa relation avec Jeffrey Epstein.
En conclusion? «Voyager avec Donald Trump est une épreuve d'endurance et d'ingéniosité. S'il était resté plus longtemps, j'aurais peut-être été à court de questions», constate le correspondant.
Donald Trump ne lui a pas laissé le temps. Heureusement. Puisque, à l'issue de l'entretien, c'est un dîner de côtelettes d'agneau et d'asperges, gardé au chaud par l'équipage patient de la cabine, qui a attendu les courageux journalistes du pool presse.