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Comment des navires-espions russes menacent l’Occident

Le navire de recherche océanographique Admiral Vladimirsky de la Marine russe quitte le poste d'amarrage d'Ust-Rogatka pour un voyage autour du monde, en mars 2019 à Saint-Pétersbourg.
Le navire de recherche océanographique Admiral Vladimirsky de la Marine russe quitte le poste d'amarrage d'Ust-Rogatka pour un voyage autour du monde, en mars 2019 à Saint-Pétersbourg.Image: Shutterstock

Comment des navires-espions russes menacent l’Occident

Un collectif alerte sur les agissements de la Russie, qui cartographie les failles des infrastructures maritimes en mer du Nord pour en identifier les points faibles. Si un acte de sabotage a lieu, les conséquences pourraient être graves.
07.05.2023, 11:5908.05.2023, 08:46
Christian Bueger / the conversation
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Un article de The Conversation
The Conversation

Un documentaire produit par un collectif de radiodiffuseurs publics de Suède, du Danemark, de Finlande et de Norvège a révélé ce qui apparaît comme une menace profonde pour les infrastructures énergétiques et de communication en mer du Nord et dans la région de la Baltique.

Le documentaire The Shadow War montre notamment un navire de recherche russe, l'Amiral Vladimirsky, qui recueillerait des données sur des parcs éoliens, des gazoducs, des câbles électriques et des câbles Internet.

Le film, qui a fait l'objet d'une large couverture médiatique, affirme que la Russie cartographie systématiquement les failles des infrastructures maritimes en mer du Nord afin d'en identifier les points faibles - par exemple, les endroits où se croisent les pipelines et les câbles Internet sous-marins, ce qui faciliterait une opération de sabotage si le Kremlin le jugeait nécessaire.

Des activités qui se sont intensifiées depuis 2014

Ces révélations n'apprennent rien de nouveau aux experts en sécurité maritime: nous savons depuis longtemps que les forces russes cartographient les infrastructures maritimes, notamment les parcs éoliens, les câbles de communication et les pipelines. Même dans les années 1990 et 2000, lorsque l'Otan et la Russie coopéreraient sur certaines questions de sécurité, les activités d'espionnage russes dans les eaux nordiques n'avaient pas cessé.

En 2013, j'ai embarqué sur un navire de la Royal Navy en mer du Nord, dont la mission consistait notamment à repérer les navires-espions russes.

Mais depuis l'occupation de la Crimée par la Russie en 2014, ces activités se sont intensifiées. Dans les eaux européennes, y compris dans les eaux irlandaises et portugaises et en Méditerranée, des navires russes ont été repérés en train de mener des opérations de renseignement.

Le sabotage du gazoduc Nord Stream

En septembre 2022, le sabotage du gazoduc Nord Stream, qui a gravement endommagé cet important gazoduc dans la mer Baltique, et dont les responsables n'ont toujours pas été identifiés, a suscité de vives inquiétudes à l'Ouest quant aux dommages qu'une puissance hostile pourrait causer en détruisant ou en perturbant des infrastructures énergétiques ou de communication disposées au fond des mers.

L'Otan et l'Union européenne ont mis en place des plans ambitieux pour améliorer la résilience des infrastructures maritimes. Les deux organisations ont créé de nouveaux groupes de travail et organes de coordination afin d'élaborer de meilleures stratégies de protection et de coordonner les agences civiles et militaires.

En mars, la Commission européenne a publié un plan d'action ambitieux dans le cadre de la stratégie de sécurité maritime de l'UE actualisée. Il prévoit des études pour identifier les vulnérabilités les plus graves et pour améliorer leur surveillance. Mais tous ces projets vont-ils assez loin?

Pourquoi la mer du Nord est-elle si importante?

Les réserves de gaz et de pétrole de la mer du Nord constituent une ressource importante pour l'ensemble du marché européen de l'énergie.

Les efforts croissants consacrés à la production d'énergie verte renforcent encore cette dimension stratégique. Plus de 40 parcs éoliens sont implantés dans la région, et les conditions étant idéales pour l'énergie éolienne, les installations se développent continuellement et rapidement. La mer du Nord joue donc un rôle essentiel pour réduire la dépendance des pays européens aux combustibles fossiles et diminuer les émissions de CO2.

Compte tenu des soupçons qui pèsent aujourd'hui sur les services de renseignement russes et les activités de sabotage possibles, la mer du Nord doit désormais être considérée comme un espace particulièrement vulnérable.

Un acte de sabotage concerté, endommageant les câbles électriques sous-marins, par exemple, peut considérablement nuire aux marchés de l'énergie. La coupure des câbles de données sous-marins peut limiter la connectivité Internet, y compris de part et d'autre de l'Atlantique, puisque d'importants câbles de données relient, par exemple, le Danemark et les Etats-Unis.

Les réparations en mer sont coûteuses, car elles nécessitent des navires spécialisés, qui ne peuvent opérer que si les conditions météorologiques le permettent. Or, la mer du Nord constitue un environnement difficile.

Améliorer la surveillance

Les initiatives récentes de l'Otan et de l'UE sont axées sur l'amélioration de la surveillance. Elles visent à améliorer la détection des activités suspectes, telles que celles rapportées par le film documentaire nordique. Les satellites, les radars et les patrouilles, y compris de drones, la vidéosurveillance de toutes les infrastructures, mais aussi les contributions des usagers de la mer, tels que les pêcheurs qui signalent des activités suspectes, peuvent grandement contribuer à améliorer la sensibilisation générale.

Cela peut contribuer à des réponses rapides et peut également avoir un effet dissuasif. L'échange d'informations entre Etats et entre les puissances publiques et les industriels est primordial. L'Otan, l'UE, le Royaume-Uni et la Norvège doivent travailler en étroite collaboration, car aucun d'entre eux ne peut se charger seul de la sécurité des mers nordiques. Il est nécessaire de rassembler différentes sources d'information afin d'identifier les déplacements de navires suspects.

Des capacités de réparation à hauteur du danger

La question des réparations des infrastructures endommagées est un aspect souvent négligé. Pourtant, en cas de dégradation de ces infrastructures, il est essentiel de pouvoir réparer les dégâts le plus rapidement possible afin de revenir à la normale. De plus, s'il existe une capacité de réparation avérée dans la région, cela réduit la valeur stratégique - et donc la probabilité - d'une attaque.

Mais à l'heure actuelle, ces capacités de réparation essentielles, telles que les navires de réparation spécialisés et les dépôts de câbles, sont très limitées en Europe.

De nouveaux modèles de collaboration entre les responsables des politiques sécuritaires et les industriels sont nécessaires pour développer des capacités de réparation à la hauteur du danger. Il pourrait s'agir de partenariats public-privé qui exploiteraient des navires de réparation et seraient susceptibles de réagir rapidement et de façon adéquate en cas de crise.

Cela présenterait le double avantage d'améliorer les capacités de réparation et, peut-être, en même temps, d'améliorer l'efficacité des infrastructures concernées, en réduisant les temps de réparation - en mer du Nord et ailleurs.

Cet article a été publié initialement sur The Conversation. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original.

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source: alexander chekmenev
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