Enrôlés en juillet, ils viennent de prêter serment début août pour défendre leur patrie. Et maintenant? Maintenant, les voici déjà en route vers la zone de combat. Vers Koursk. «Sauvez nos jeunes!», supplient avec désespoir les mères des conscrits de la région de Mourmansk, tout au nord de la Russie.
Depuis l'avancée aussi surprenante que réussie de l'armée ukrainienne en territoire russe près de Koursk, les dirigeants ne s'en cachent plus: ils envoient au combat des recrues fraîchement émoulues. Celles-ci ont «juré de défendre la patrie», justifie-t-on au ministère de la défense.
Sauf que l'envoi sous la mitraille de ces recrues irrite autant qu'elle traumatise beaucoup de Russes. Depuis les guerres d'Afghanistan et de Tchétchénie, menées au prix d'une perte importante de conscrits à peine formés, la mobilisation de jeunes hommes pour faire la guerre ne va pas soi en Russie.
Jusqu'à présent, Vladimir Poutine s'était montré plutôt habile, n'engageant en Ukraine que des volontaires, des soldats ou des prisonniers qui ont signé un contrat spécial et que l'on rémunère correctement. Mais le pays a beaucoup changé depuis l'entrée de l'armée russe en Ukraine, en février 2021.
Si les mères, au début des années 2000, pouvaient se rendre en Tchétchénie et sortir littéralement leurs fils du champ de bataille, il n'y a aujourd'hui, à l'heure de la censure militaire et de l'interdiction des rassemblements, plus guère de possibilités d'influer légalement sur la direction de l'Etat. D'autant plus que très peu remettent en question le sens de «l'opération militaire spéciale» menée par le Kremlin. Voilà plutôt ce qu'on lit et entend:
Mais ces «enfants» envoyés face aux soldats ukrainiens meurent. Ou alors ils sont faits prisonniers. Plusieurs centaines de recrues sont actuellement portées disparues. L'armée ukrainienne publie régulièrement des photos de prisonniers russes. Les familles y reconnaissent des fils, des frères et des petits-enfants tout juste enrôlés. Les organisations humanitaires signalent une forte hausse des demandes de la population pour savoir comment éviter d'en arriver là.
Les parents rapportent que, à peine arrivés dans leur unité, leurs fils subissent des pressions pour signer des contrats avec le ministère de la Défense. Ils deviennent alors rapidement des soldats réguliers. Peu importe leur temps de service et s'ils ont acquis une spécialisation militaire.
«Des combats ont lieu dans la région de Koursk. Il y a un danger de mort pour nos fils», peut-on lire dans l'appel des mères de la région de Mourmansk. Dans une autre pétition, les mères de recrues d'un régiment de tir motorisé de la région de Briansk, voisine de Koursk, demandent directement au président russe d'épargner leur progéniture.
Des mères écrivent au président russe:
«Des soldats d'élite lourdement armés se dressent face à nos enfants qui, pendant les quelques mois de leur formation, n'ont acquis qu'une seule chose: manier la pelle», se désolent-elles. Ces mères se plaignent de ne pas savoir où sont leurs fils – et semblent découvrir dans le même temps ce qui se passe depuis deux ans et demi dans leur pays.
Le Kremlin les a préservées pendant des mois d'un anéantissement de l'Ukraine, par tous les moyens de propagande, dépeignant la guerre sous des aspects romantiques et héroïques. Beaucoup de Russes continuent de croire que cette guerre ne les concerne pas. Même si elle les prive de leurs biens et des êtres qui leur sont chers, ils n'en veulent guère à leur président.
Dans un message vidéo, un commandant, Apti Alaudinov, de l'unité spéciale tchétchène Akhmat, se moque des complaintes maternelles:
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)