Igor Karagodine est clair: comme de nombreux Moscovites rencontrés dimanche, il veut la fin du conflit en Ukraine et arrêter l'effusion de sang. Mais à une condition: «la victoire» pour la Russie.
Le rapprochement spectaculaire entre les Etats-Unis de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine a fait rejaillir à la surface ces derniers jours la possibilité de discussions pour mettre fin au conflit, déclenché par la Russie il y a trois ans, lorsque le président russe a envoyé des dizaines de milliers de soldats à l'assaut de l'Ukraine.
Si Moscou croyait alors en une victoire rapide et pensait conquérir Kiev, la résistance des Ukrainiens a forcé l'armée russe à la retraite du nord du pays. Mais dans l'Est, des combats sanglants se poursuivent chaque jour, et l'armée russe y grignote du terrain depuis des mois.
Igor Karogodine, 62 ans, qui travaille dans le secteur pharmaceutique, estime qu'il résume le sentiment collectif dans la capitale russe: après plus de mille jours d'affrontements et des centaines de milliers de morts et de blessés, «nous en avons assez». Et d'appuyer:
Mais le sexagénaire n'imagine qu'une seule issue: «Que nous l'emportions!»
Evguénia, une jeune fonctionnaire de 27 ans partage cet avis: «J'aimerais la paix», commence-t-elle par dire. Avant de marteler:
Nombre de Russes espèrent ce jour proche, car en dix jours, la diplomatie autour de ce conflit, que Moscou interdit d'appeler «guerre» ou «invasion», sous peine de prison, a radicalement changé.
Le 12 février, le président américain Donald Trump a brisé l'isolement diplomatique par l'Occident de Vladimir Poutine en lui parlant au téléphone.
Depuis, le locataire de la Maison-Blanche attaque verbalement l'Ukraine et son président, Volodymyr Zelensky, le qualifiant notamment de «dictateur». Le président américain a également repris la rhétorique du Kremlin sur les causes du conflit, une victoire pour Moscou et un affront à Kiev, qui se voit en outre exclu des échanges russo-américains sur son avenir et risque de se retrouver sans l'aide américaine qui permet depuis trois ans à son armée de résister à la puissance de feu russe.
Moscou a une liste de revendications maximalistes: que l'Ukraine lui cède cinq régions entièrement ou partiellement occupées par l'armée russe, la démilitarisation du pays, son renoncement à rejoindre l'Otan et la mise en place de nouvelles autorités.
Irina Svetlitchnaïa, une retraitée de 77 ans, se réjouit de ce retournement de situation:
En attendant, Kiev et ses alliés européens se retrouvent marginalisés. «Ils le méritent», jure Irina, pour qui «ils ne sont pas importants dans ce monde».
Iouri, un spécialiste informatique de 30 ans et compagnon d'Evguénia, pousse la comparaison encore plus loin et assène sèchement:
Igor Karagodine applaudit lui aussi des deux mains, car, à ses yeux également, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand sortant Olaf Scholz «sont des clowns». Avec Kiev et les autres dirigeants européens, «ils ne sont rien», lance-t-il.
Au sujet d'éventuelles discussions avec l'Europe et le voisin ukrainien, Nadejda, une retraitée de 69 ans, se dit plus mesurée:
Le président Vladimir Poutine avait lui dimanche, Journée des défenseurs de la patrie, une lecture différente des événements, en assurant qu'il avait avec son armée «une mission» divine: «défendre la Russie». Quoiqu'il en coûte. (afp)