Donald Trump n'aime pas Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien lui a valu – involontairement – sa première procédure de destitution. Trump est vindicatif et ne le lui pardonnera jamais. Un point de départ idéal pour Vladimir Poutine et il sait l’exploiter.
Les échecs sont le sport national russe. Pour gagner, il faut savoir penser de manière stratégique. Or, Poutine n'est ni un joueur d'échecs ni un stratège. Sa guerre contre l'Ukraine n'est pas seulement un génocide, c'est aussi un flop géopolitique de premier ordre et un embarras pour l'armée russe. Le président russe est toutefois un joueur de poker raffiné qui sait cacher la plus mauvaise main derrière un visage de pierre et ne pas montrer ses nerfs.
Ce sont précisément ces qualités dont Poutine a besoin dans les négociations de paix à venir. Il sait comment se présenter à l'extérieur comme l'homme qui a tout sous contrôle. Dans la limousine présidentielle, décontracté, il discute avec un journaliste du déroulement de la guerre et ne laisse planer aucun doute sur une issue victorieuse. «Dans la réalité, il n'a pas du tout les cartes en main comme il veut le faire croire à ses adversaires», constate The Economist.
Ce que Poutine tente de cacher avec son air de joueur de poker, c'est qu'il a bientôt perdu tous ses chars en Ukraine, qu'il a de plus en plus de mal à trouver des volontaires pour sa guerre, bien qu'il offre des incitations financières de plus en plus élevées, et qu'entre-temps, une majorité de Russes souhaitent la fin de cette guerre.
De plus, l'économie russe croule sous le poids de la guerre. L'inflation menace de devenir incontrôlable. Pour la maîtriser, la banque centrale a relevé le taux directeur à 21%. Le fonds d'Etat autrefois bien garni est presque épuisé, les exportations souffrent de la baisse des prix des matières premières et les sanctions occidentales commencent à porter leurs fruits.
Trump aurait ainsi la possibilité de faire pression sur Poutine et de lui présenter la facture de son invasion meurtrière. Au lieu de cela, il poignarde l'Ukraine dans le dos et répète la propagande de guerre russe. Il a récemment fait savoir que Zelensky était un dictateur, que le soutien à sa politique était tombé à 4% de la population et que l'Ukraine avait commencé la guerre.
Ces mensonges sont tellement absurdes qu'il est inutile de les rectifier. Voici néanmoins les faits: Zelensky agit conformément à la Constitution, Winston Churchill, par exemple, n'a pas non plus organisé d'élections pendant la Seconde Guerre mondiale. Le taux d'approbation de sa politique est nettement supérieur à 50%, et que dire de l'affirmation selon laquelle l'Ukraine a déclenché la guerre?
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Sans sourciller, Trump affirme également que les Etats-Unis ont jusqu'à présent versé plus de 500 milliards de dollars d'aide à l'Ukraine. Là encore, les faits le contredisent: l'aide militaire américaine s'élève jusqu'à présent à 60 milliards de dollars, dont environ 70% ont été utilisés pour des commandes à sa propre industrie de l'armement. A cela s'ajoutent environ 30 milliards de dollars d'aide financière.
Le joueur de poker Poutine a doublé sa mise malgré sa mauvaise cote. Il sait que Trump est également sous pression s'il veut tenir sa promesse de mettre rapidement fin à la guerre en Ukraine. Et il sait à quel point le président américain est sensible à la flatterie. C'est pourquoi il inonde la Maison Blanche de louanges.
Récemment, Poutine et Trump se sont parlés au téléphone. Ce qui en est ressorti rappelle un dialogue entre chefs de la mafia. Avec le président chinois Xi Jinping, le monde doit être divisé, comme les territoires dans le monde du crime organisé. Trump obtient le Canada, le Groenland et le Panama, et s'il le veut vraiment, également la bande de Gaza. Xi peut s'emparer de Taïwan et la Russie peut redevenir la première puissance européenne. Dommage que l'Ukraine doive être sacrifiée.
Malheureusement, il est fort possible que Trump se laisse prendre au bluff de Poutine:
L'hypothèse du président russe est fondée, car Trump n'a pas de plan. C'est pourquoi il annonce presque quotidiennement des intentions totalement contradictoires. Un jour, il veut geler l'aide militaire à l'Ukraine, le lendemain, il veut la doubler. Ses subordonnés doivent donc suivre les messages présidentiels sur X et Truth Social pour savoir ce qui est actuellement à l'ordre du jour.
La trahison de Trump pèse lourd, même s'il reste à voir s'il peut ainsi mettre l'Ukraine à genoux. Il peut en tout cas lui faire du mal: il peut geler le soutien militaire, il peut lever unilatéralement les sanctions contre la Russie et il peut bloquer l'accès de l'Ukraine au système satellite Starlink. L'armée ukrainienne dépend de Starlink pour le meilleur et pour le pire. Chacun peut spéculer comme il l'entend sur la capacité de l'Europe à combler cette lacune. Je ne parierais pas trop d'argent là-dessus.
En tout cas, l'Ukraine ne sera pas la seule à souffrir de la trahison de Trump. Phillips O'Brien, politologue à l'université de St. Andrews en Ecosse, constate dans le New York Times:
Traduit et adapté par Chiara Lecca