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Les sanctions économiques sont un lent poison pour Poutine

Vladimir Poutine.
Vladimir Poutine.Image: shutterstock/keystone

Un lent poison pour Poutine

A première vue, l'économie russe semble stable. Mais en s'y penchant de plus près, tout porte à croire que Poutine falsifie les statistiques et que les sanctions sont plus efficaces qu'il ne veut l'admettre.
23.03.2023, 18:5924.03.2023, 08:31
Patrick Diekmann / t-online
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L'inquiétude est grande en Occident. Les sanctions économiques contre la Russie étaient censées pousser Vladimir Poutine, chef du Kremlin, à mettre fin à la guerre contre l'Ukraine. Mais cela n'a pas fonctionné. A contrario, l'économie russe s'est avérée étonnamment résistante, et la guerre se poursuit.

C'est pourquoi certains estiment que «les sanctions ne font mal qu'à nous, et pas à la Russie.» Et le Kremlin fait tout pour soutenir ce récit. Mais la réalité est peut-être tout autre.

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En effet, tout porte à croire que Poutine enjolive délibérément les données économiques russes afin de dissimuler les conséquences de l'invasion de l'Ukraine. En 2022, il a été aidé par la forte hausse des prix de l'énergie et par le fait que son pays a gagné plus d'argent en vendant du pétrole et du gaz naturel. Mais désormais, les prévisions pour l'économie russe se révèlent plus sombres. La Russie est telle un boxeur chancelant. Mais quand sera-t-elle vraiment KO?

Le Kremlin embellit les données économiques

Retour en 2022: sur le papier, la première année de guerre pour l'économie russe était loin d'être la catastrophe que les experts économiques internationaux avaient prédite.

Après les premiers mois de la guerre, le Fonds monétaire international (FMI) avait d'abord estimé que l'économie russe se contracterait de 8,5%. En réalité, elle l'a fait de 2,2%. Pour les critiques des mesures punitives, ce chiffre constituait, déjà à l'époque, la preuve que les sanctions contre la Russie ne seraient pas efficaces.

epa09930155 A homeless man sleeps in the center of Moscow, Russia, 06 May 2022. EPA/YURI KOCHETKOV
Un sans-abri, à Moscou.image: keystone

Mais ces soupçons ne sont pas logiques. Car la Russie n'a aucun intérêt à présenter de mauvais chiffres économiques. Le but de Poutine est de montrer qu'il ne se laisse pas impressionner par les sanctions, et ainsi démoraliser l'Occident et ses alliés.

Au Kremlin, on sait toutefois que les sanctions sont comme un poison qui agit lentement, une blessure qui s'agrandit et devient de plus en plus douloureuse avec le temps. Et les experts sont unanimes: les mesures punitives sont efficaces et touchent la Russie plus fortement que l'Occident.

Pour Poutine, les données économiques sont donc aussi une arme de guerre. Il serait naïf de supposer qu'il ne les falsifie pas. C'est aussi pour cette raison que le Kremlin a introduit une censure statistique en 2022. Peu de données économiques sont publiées, aucune sur les réserves internationales, et pas de chiffres non plus sur le commerce et la production. Résultat: il n'y a pas de transparence.

Des prévisions sans fondement

«Ne faites pas confiance aux chiffres de la Russie», écrit Agathe Demarais, directrice des prévisions mondiales chez Economist Intelligence Unit, dans un article pour le magazine américain Foreign Policy, elle explique que:

«La Russie a fait des statistiques un élément central de sa guerre de l'information»
Agathe Demarais, directrice des prévisions mondiales chez Economist Intelligence Unit.Foreign Policy

Mais le Kremlin n'est pas le seul à publier des chiffres contestables. Le FMI aussi. L'estimation de -2,2% avec laquelle celui-ci a évalué la récession russe, en plus d'être très surprenante, est nettement supérieure aux calculs de nombreux autres experts.

Le FMI s'est-il laissé aveugler par le Kremlin? En tout cas, les experts financiers ont donné une estimation sans disposer des données nécessaires: ils n'avaient pas de chiffres sur le commerce extérieur, pas de données sur la production de pétrole et de gaz. Ils ne connaissaient pas le montant des investissements directs de l'étranger en Russie ni celui des entrées et sorties de capitaux. Moscou refuse en effet de dévoiler ces données.

Une guerre coûteuse

Les dirigeants russes ont profité des prévisions du FMI, qui servaient leur stratégie, et n'ont pas réagi pendant deux semaines. Si bien que de nombreux observateurs internationaux ont pensé qu'il devait s'agir du bon chiffre. Puis le Kremlin a annoncé une baisse du produit intérieur brut (PIB) de 2,1%, sans que l'on sache comment les statisticiens russes sont arrivés à ce chiffre.

Pour l'ensemble de l'année 2022, le FMI a même prévu une légère croissance de l'économie russe de 0,3%, ce qui est plus optimiste que le Kremlin, qui s'attendait à une légère récession d'un peu plus de 1%.

Pourtant, dès le premier trimestre 2023, il est apparaît clair que la guerre pèse de plus en plus sur Vladimir Poutine. Les chiffres actuels sont dévastateurs pour l'économie russe, qui dépend en grande partie de l'exportation de matières premières.

Mais elles sont aussi dramatiques pour le budget de l'Etat. En 2022, la Russie a eu des recettes supplémentaires de 10% grâce à l'augmentation des revenus du commerce du pétrole et du gaz. Cependant, les dépenses de l'Etat ont augmenté de 20% à cause de la guerre. Alors que 2022 était encore une année de transition pour le Kremlin, la situation des finances publiques pourrait devenir critique cette année, estiment les experts économiques.

Les prix des matières premières s'effondrent

Le gros problème pour Poutine: non seulement la baisse des prix du pétrole et du gaz, mais aussi la clientèle réduite pour les matières premières. Jusqu'au début de l'année 2022, les principaux clients de la Russie se trouvaient en Europe et aux Etats-Unis. Ce temps est révolu. Le Kremlin vend désormais ses matières premières à la Chine ou à l'Inde, qui profitent de la situation critique de la Russie.

Cela signifie qu'elle doit vendre à bas prix. Les prix du marché mondial baissent ainsi, au détriment de Moscou. Selon l'institut de recherche finlandais Centre for Research on Energy and Clean Air, le Kremlin pourrait perdre 160 millions d'euros par jour à cause du bannissement du pétrole et du plafonnement des prix.

Les choses ne s'arrangent pas pour Poutine. Les prix du pétrole et du gaz sont tombés en dessous de leur niveau d'avant la guerre, notamment parce que l'Union européenne (UE) a installé des freins aux prix, qui font actuellement beaucoup plus mal à la Russie que le reste des sanctions. L'Occident a réussi à inverser l'explosion des prix des matières premières. Un coup dur pour le président belliqueux.

En février 2023, les recettes fiscales provenant du pétrole et du gaz ont chuté de 46% par rapport à l'année précédente, pour atteindre 521 milliards de roubles (6,91 milliards de dollars). Selon les calculs de la chaîne américaine Bloomberg, les revenus du pétrole brut et des produits pétroliers – qui représentaient le mois d'avant plus des deux tiers des recettes fiscales sur l'énergie – ont diminué de 48% pour atteindre 361 milliards de roubles (4,8 milliards de dollars). Cela met la Russie sous pression.

Les sanctions occidentales font effet

Un autre problème est la monnaie nationale, le rouble. Jusqu'à présent, elle semblait stable et l'hyperinflation n'a pas eu lieu. Mais sur les marchés internationaux des capitaux, la monnaie russe n'est presque plus négociée et, quand elle l'est, elle ne peut être échangée que contre des yuans chinois. Le cours du rouble est donc faussé par rapport à l'euro et au dollar.

epa10522608 Russian President Vladimir Putin chairs a videoconference meeting on the implementation of the development programme for cities in the Russian Far East, in Ulan-Ude, the Republic of Buryat ...
image: keystone

Cela signifie que la monnaie de la Russie n'est forte que sur le papier; il est en effet difficile de faire du commerce international avec le rouble. D'autres signes que l'économie russe se porte moins bien que ce que Poutine veut faire croire et que les sanctions atteignent leurs objectifs:

  • La capacité de production de la Russie s'affaiblit.
  • Cela devrait nuire à l'industrie de l'armement russe, de sorte qu'elle ne soit plus en mesure de faire la guerre.
  • Les relations financières de la Russie avec l'Occident devraient être coupées.

Ces objectifs seront probablement atteints. Le gouvernement américain estime que la Russie pourrait perdre jusqu'à 20% de son PIB d'ici 2030. Les sanctions ralentissent la production et le commerce; le contournement des mesures punitives est certes possible via des pays tiers, mais il coûte beaucoup de temps et d'énergie aux entreprises russes. L'écart entre l'Occident et la Russie ne cesse donc de se creuser sur le plan économique.

Le pétrole est désormais une énorme perte pour Poutine, car le prix de vente ne couvre plus les coûts d'extraction. La Russie ne peut pas produire à un prix aussi bas que les pays du Moyen-Orient par exemple. L'économie russe est déjà gonflée par les subventions du fonds de prospérité de Poutine et une part importante de la valeur ajoutée du PIB provient de l'industrie de l'armement.

Même la Chine ne peut et ne veut pas combler le vide que l'UE a laissé en Russie. Certes, Pékin aide Poutine à se sortir du pétrin, mais cela a aussi ses limites, ne serait-ce que par le manque de gazoducs et d'oléoducs. Une chose semble claire: les pires conséquences économiques de la guerre sont encore à venir pour Poutine.

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