Le chef de l'armée russe pris en flagrant délit de mensonge à Poutine
Le chef d’état-major russe n’est plus seulement recherché à l’international pour crimes de guerre: dans son propre pays, il traîne désormais une réputation de mythomane notoire.
Assis face à Poutine, Valeri Guerassimov, 70 ans, a livré, dimanche dernier, un bilan télévisé du front. Selon lui, la Russie aurait réussi à encercler près de 50 bataillons ennemis sur les points chauds du front ukrainien et aurait, en plus, remporté d’importantes avancées territoriales.
Vladimir Poutine, apparu pour la troisième fois seulement depuis le début de la guerre en tenue de camouflage, acquiesce, impassible. Cette réunion publique, censée se tenir dans une «base secrète», a fait la une des médias internationaux en raison de l’annonce par Poutine du nouveau missile de croisière nucléaire «Bourevestnik», présenté comme «invincible».
Le rapport de Guerassimov a, lui aussi, fait couler beaucoup d’encre, pour une raison gênante.
Sans surprise, le think tank américain Institute for the Study of War (ISW) a rapidement réagi: il n’existe «aucune preuve étayant ces affirmations», et les villages prétendument conquis seraient en réalité minuscules et sans importance militaire. Ce qui frappe surtout, c’est que même les blogueurs militaires russes, habituellement fidèles au Kremlin et ultranationalistes, ont pulvérisé les déclarations du général.
Des chiffres invérifiables et une armée sceptique
Le canal Telegram Romanov Light commente:
De son côté, le compte Tactical Medical Courses lâche un tacle ironique:
Plusieurs blogueurs militaires russes décrivent la situation actuelle sur le front comme «poreuse» et parlent même de «chaos total». Dans de nombreuses zones, on annonce la «prise» de localités alors que des unités ukrainiennes y résistent encore.
Le mythe des 10 500 Ukrainiens encerclés
En réalité, expliquent ces observateurs, aucune grande unité ukrainienne ne peut être encerclée actuellement, car la guerre se déroule par petites unités dispersées, retranchées le long de la ligne de front. Le blogueur Zimovsky se moque ouvertement:
Certains commentateurs pensent que Guerassimov brouille volontairement les termes militaires, comme «encerclement» ou «contrôle par le feu», afin de tromper Poutine lui-même, «qui n’a jamais servi et ne fait sans doute pas la différence».
D’autres y voient une manœuvre de propagande tournée vers l’Occident: le rapport pourrait viser à faire croire à Donald Trump — et à ses partisans — que l’Ukraine est en train de s’effondrer.
Le blogueur Military Informant avance, lui, une autre théorie: le haut commandement russe travaille «à crédit», en annonçant des victoires imaginaires pour garder les faveurs de Poutine, dans l’espoir que la réalité finira par s’aligner sur la fiction.
Un problème structurel… ou une mise en scène?
Selon l’ISW, cette communication enjolivée sert avant tout à faire croire à la solidité du commandement russe, en interne comme à l’extérieur. Mais personne, en haut lieu, ne veut s’attaquer au vrai problème: la culture du mensonge dans la chaîne de commandement militaire. Dans l’espace public, on renforce au contraire l’image commode d’un «bon tsar du Kremlin», trompé par ses subordonnés mais persuadé de bien faire en poursuivant la guerre.
Une lecture que Dara Massicot, spécialiste de la Russie à la Carnegie Endowment for International Peace, rejette fermement. Elle y voit plutôt une campagne orchestrée contre Guerassimov. Sur X (ex-Twitter), elle rappelle que les blogueurs militaires russes bénéficient depuis des mois d’un accès privilégié au ministère russe de la Défense:
L’ISW note enfin que Guerassimov avait déjà, cet été, présenté des rapports mensongers, et qu’il avait déjà été démoli par ces mêmes blogueurs.
Traduit de l'allemand
