International
Serbie

A Sarajevo, de riches Italiens payaient pour tuer des enfants

De riches touristes auraient payé pour tuer des enfants dans des «safaris»

Un auteur italien affirme détenir des éléments accablants: lors du siège de Sarajevo, des étrangers fortunés auraient payé des sommes colossales pour tirer sur des civils. Les autorités italiennes rouvrent le dossier, plus de 30 ans après les faits présumés.
14.11.2025, 09:1614.11.2025, 11:31
Dominik Straub, Rome / ch media

De quoi glacer le sang: en 1993 et 1994, plus de 100 chasseurs étrangers, lassés de tirer sur des cerfs, des chevreuils et des sangliers, auraient déboursé entre 80 000 et 100 000 francs pour tuer des êtres humains. C'est ce qu'indiquent les témoignages et documents rassemblés par Ezio Gavazzeni.

Selon ses recherches, le service de sécurité serbe aurait profité du siège de Sarajevo pour organiser, dans les collines entourant la capitale bosnienne, des chasses à l'homme, littéralement. Les clients payaient même un tarif supplémentaire s'ils abattaient un enfant.

Le si�ge de Sarajevo a dur� 44 mois, entre 1992 et 1996 (archives).
Le siège de Sarajevo a duré 44 mois, entre 1992 et 1996 et fait plus de 10 000 morts.Keystone

Auteur peu connu en Italie, Ezio Gavazzeni a déjà remis en janvier dernier un dossier de 17 pages au parquet de Milan concernant ces chasses à l’homme. Le procureur milanais Alessandro Gobbis, spécialiste du terrorisme, s’apprête désormais à ouvrir une enquête pour «homicide volontaire aggravé par la cruauté et des motivations abjectes» plus de 30 ans après les crimes supposés.

11 000 civils tués à Sarajevo

D’après le dossier d'Ezio Gavazzeni, au moins cinq citoyens italiens originaires notamment de Milan, Turin et Trieste auraient participé à ces safaris humains. Le procureur Alessandro Gobbis n'a toutefois encore inscrit aucun suspect concret dans le registre de son enquête.

Des garçons de Sarajevo avec un officier ukrainien de l'ONU au bout de la tristement célèbre « allée des snipers » à Sarajevo, en Bosnie, pendant la guerre de 1994.
Des garçons de Sarajevo avec un officier ukrainien de l'ONU au bout de l'«allée des snipers» à Sarajevo, en Bosnie, pendant la guerre de 1994.Image: www.imago-images.de

Durant le siège de Sarajevo par le régime criminel serbe de Slobodan Milosevic, entre 1992 et 1996, plus de 11 000 civils ont été tués. Environ 1000 d’entre eux ont péri dans la tristement célèbre «Sniper Alley», un large boulevard de Sarajevo balayé par les tireurs embusqués.

Le principal témoin d'Ezio Gavazzeni est un ancien agent du renseignement bosnien, Edin Subasic. Il affirme avoir informé en 1993 les services secrets militaires italiens, le Sismi, de l’existence de ces «safaris» et de la participation d’Italiens. Les services secrets auraient alors pris deux ou trois mois avant de répondre laconiquement, en 1994:

«Nous avons découvert que les safaris partent de Trieste. Nous y avons mis fin, et il n’y en a plus».
BOSNIAN CIVIL WAR, SARAJEVO, BOSNIA, 01 MAY 1993 ----- A Bosnian child hides between a car and two United Nations sniper barriers in the besieged capital. (C) Photo Credit: Mark Milstein/ Northfoto ** ...
Un enfant bosniaque se cache entre une voiture et une barrière anti-snipers des Nations Unies dans la capitale assiégée.Image: www.imago-images.de

Des clients riches et influents à Sarajevo

Le dossier comporte également une lettre d'Edin Subasic adressée à Ezio Gavazzeni, dans laquelle il dresse à la fois une description et un profil psychologique des touristes-tireurs:

«Ce sont des chasseurs passionnés qui ont déjà fait toutes les formes légales de safaris et qui espéraient un surplus d’adrénaline avec un trophée humain; des psychopathes qui aiment en plus les armes(…)».

Il s’agirait de gens riches «et probablement influents». Ils auraient l’argent et les appuis nécessaires pour se protéger d’éventuelles poursuites, poursuit le témoin. Ezio Gavazzeni affirme connaître lui-même certains noms parmi ces tireurs du week-end; l’un d'entre eux serait propriétaire d’une clinique privée. Selon lui, la plupart affichent des opinions de droite ou d’extrême droite.

On savait depuis 1995, au moins

La solidité de ces témoignages et des documents remis au procureur reste à vérifier. Selon Edin Subasic, les archives bosniaques concernées sont classées «secrètes» et ne sont pas accessibles. On ignore également si la lettre attribuée au Sismi, dans laquelle les agents italiens affirment avoir mis fin aux «safaris», a réellement existé.

Le 17 juin 1993, Des civils de Sarajevo, aidés par un soldat isolé, transportent un jeune homme blessé par un tireur embusqué vers un lieu sûr en utilisant une porte comme civière.
Le 17 juin 1993, des civils de Sarajevo, aidés par un soldat isolé, transportent un jeune homme blessé par un tireur embusqué en utilisant une porte comme civière.Image: www.imago-images.de

L’histoire du tourisme de la mort dans les collines de Sarajevo n’est pas nouvelle. En 1995, le Corriere della Sera évoquait déjà ce phénomène en pleine guerre, sous le titre «Vacances en Bosnie, tirs compris».

En 2022, le documentaire «Sarajevo Safari», du réalisateur slovène Miran Zupanic et co-produit notamment par Al Jazeera Balkans, a relancé le sujet. Le film s’appuie sur des témoignages anonymes rapportant la présence, durant la guerre, d’étrangers observés sur les positions bosno-serbes. Dans un entretien accordé au quotidien romain La Repubblica, Ezio Gavazzeni a expliqué que c'est ce documentaire qui a ravivé son intérêt pour cette affaire.

Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

Après un sujet compliqué, voici des chats moches...
1 / 13
Après un sujet compliqué, voici des chats moches...
source: imgur
partager sur Facebookpartager sur X
On a goûté le vin valaisain de Lionel Messi
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
Avez-vous quelque chose à nous dire ?
Avez-vous une remarque ou avez-vous découvert une erreur ? Vous pouvez nous transmettre votre message via le formulaire.
4 Commentaires
Votre commentaire
YouTube Link
0 / 600
4
Akon arrêté avant d’être libéré quelques heures plus tard
Le chanteur sénégalo-américain Akon a été interpellé le 6 novembre à Chamblee, en banlieue d’Atlanta. Selon les autorités locales, il a été détenu environ six heures avant d’être libéré le jour même.
Akon, de son vrai nom Aliaune Badara Thiam, a été arrêté dans la matinée du 6 novembre par la police de Chamblee.
L’article