Ignazio Cassis est sous pression. A Berne, le chef de la diplomatie helvétique est vivement critiqué, notamment par quelque 200 collaborateurs de son propre département. Dans une lettre adressée au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), ces employés critiquent la frilosité du Conseil fédéral face à Israël et dénoncent le silence prolongé sur les opérations militaires de plus en plus violentes menées à Gaza. Le DFAE a d’abord affirmé ne pas avoir reçu la missive; il reconnaît désormais l’avoir bien reçue. Une réponse sera donnée «en temps voulu», selon un porte-parole.
Ignazio Cassis est aussi sous pression de la part de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats, qui a adopté, mercredi, des revendications similaires. Elle demande au Conseil fédéral de «mobiliser sans délai tous les leviers nécessaires pour garantir l’accès à l’aide humanitaire à Gaza». Elle l’enjoint également d'«user de tous les moyens diplomatiques pour obtenir un cessez-le-feu et la libération des otages», et de «renoncer à toute collaboration, directe ou indirecte, avec la Gaza Humanitarian Foundation (GHF)».
Cette fondation, créée par les Etats-Unis et Israël, supervise la distribution de l’aide humanitaire sur le terrain. Mais des incidents graves ont émaillé son action: l'armée israélienne a ouvert le feu à proximité de ces centres, tuant des dizaines de personnes.
Selon des sources internes, Ignazio Cassis aurait dans un premier temps vu d’un œil favorable la GHF, en dépit de mises en garde internes. Après les premières fusillades et les preuves d’inefficacité – la GHF s’étant révélée «incapable d’assurer une distribution impartiale de l’aide», selon les termes du DFAE la semaine dernière –, le Département a pris ses distances.
Dans ce contexte de critiques croissantes, le ministre PLR des Affaires étrangères a entrepris mardi une visite de deux jours «en Israël et dans les territoires palestiniens occupés», un déplacement inattendu. Le DFAE parle d’une mission inscrite dans «les efforts continus de la Suisse pour le dialogue, la paix et le respect du droit international humanitaire dans la région».
Le chef de la diplomatie suisse a relaté la plupart de ses rencontres sur X (ex-Twitter). A Jérusalem, il a échangé avec des représentants d’agences onusiennes et du CICR. Dans de telles circonstances, «il est essentiel d’écouter les institutions présentes au quotidien sur le terrain», a-t-il déclaré.
Il a également rencontré mercredi son homologue israélien, Gideon Sa’ar, pour un entretien bilatéral.
A Ramallah, en Cisjordanie, il s’est entretenu le même jour avec le premier ministre et ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Muhamad Mustafa. Ignazio Cassis a déclaré sur X être «profondément attristé par la souffrance humanitaire insupportable à Gaza». Il a appelé à un retour urgent à la diplomatie, affirmant que la solution à deux Etats restait «la seule voie vers la paix et la sécurité».
Les retombées concrètes de cette visite restent pour l’heure incertaines. Mais plusieurs publications sur X suggèrent qu’Israël n’a guère apprécié le détour d'Ignazio Cassis par Ramallah et son échange avec le chef du gouvernement palestinien.
Ce dernier a d’ailleurs écrit sur X avoir discuté avec le ministre suisse des moyens de mettre fin à la guerre menée par Israël à Gaza, ainsi que de la coordination des positions en vue de la conférence de paix prévue à New York du 17 au 20 juin. Organisée sous l’égide de la France et de l’Arabie saoudite à l’ONU, cette initiative vise à relancer concrètement la solution à deux Etats.
Réponse cinglante du ministre israélien des Affaires étrangères: sur X, Gideon Sa’ar a déclaré avoir dit à Ignazio Cassis que cette «initiative française», favorable à la reconnaissance d’un Etat palestinien, revenait à «récompenser le terrorisme» et portait préjudice aux efforts des Etats-Unis pour parvenir à un accord sur les otages et un cessez-le-feu.
Ignazio Cassis, de son côté, n’a pas mentionné la conférence new-yorkaise sur les réseaux sociaux. Après sa rencontre avec son homologue israélien, il a simplement écrit avoir rappelé la responsabilité d’Israël en tant que puissance occupante, notamment son obligation d’assurer un accès humanitaire complet et sans entrave.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder