Pas besoin de vadrouiller longtemps à travers Miami pour s'en rendre compte. Un footing sur le béton brûlant ou un détour au Starbucks le plus proche suffit. Au milieu des paires d'Adidas fluo et des New Balance pétaradantes, une étrange basket aux couleurs étonnamment sobres et à la semelle bizzarroïde se distingue des autres.
A Miami, la «On» est loin d'être réservée aux seuls footings matinaux. De l'aéroport à la salle de fitness, en passant par la virée shopping ou le bureau, voire dans les boîtes de nuit, la sneaker helvétique est partout. Associée aussi bien à un legging de sport qu'un sac Chanel. Depuis ses premiers pas en 2010, la marque suisse s'est frayé un chemin dans une industrie dominée par les mastodontes Nike, Adidas et Asics.
Repérée sur des célébrités comme Emily Ratajkowski, Jennifer Lopez ou Gisele Bündchen, représentée par l'actrice du moment Zendaya, validée aussi bien par Forbes que Glamour, elle s'est immiscée dans le quotidien des jeunes urbains américains, financièrement aisés et avides de nouvelles tendances. Un constat déroutant pour la Suissesse et auteure de ces lignes, persuadée que les «chaussures de Federer» étaient réservées aux pieds délicats des retraités fortunés en doudoune sans manches.
Cette réflexion provoque chez Jackson, la vingtaine, un éclat de rire. «Sérieusement?! Je suis peut-être un papy alors! C'est vrai que j'ai acheté ces chaussures parce que j'ai une douleur au genou. Je les ai choisies davantage pour le confort que pour l'aspect, honnêtement», admet le jeune homme originaire du Colorado, installé à Miami depuis deux ans, qui se dit «conquis».
Tout comme Andre, autre habitant du coin. «Je les porte tous les jours pour aller bosser. Non seulement elles sont très confortables, mais je les trouve plutôt élégantes», affirme cet employé d'une boîte informatique en tirant sur la paille de son smoothie. Et quand on lui demande ce qu'il connait de la Suisse, la réponse fuse. «Bien sûr que je connais la Suisse! Je suis allé à Zurich.»
Sur la terrasse d'un café de Wynwood, un quartier cool et branché aux faux airs de Venice Beach, c'est le look de Cheryl qui nous tape dans l'œil. «C'est drôle que vous me parliez de ces chaussures», sourit la jeune femme.
«J’ai acheté mes premières On il y a environ deux ans. C’est ma troisième paire, toujours le même modèle. Je les rachète à chaque fois qu’elles deviennent trop sales.»
Manifestement, le bouche-à-oreille a aussi fonctionné pour Ricky et Tony, deux amis d'une quarantaine en pleine séance de shopping dans le quartier des affaires de Brickell. Ils portent exactement le même modèle bleu marine. «C'est Tony qui me les a conseillées! rigole Ricky en désignant son compagnon. Je voulais quelque chose de différent. Pas Nike ou Adidas. J'ai tout de suite été attiré par celles-ci.»
Dans un pays où l'«athleisure», l'art de porter des fringues de sport toute la journée, atteint son apogée, on peut même croiser les chaussures de Federer à l'heure de l'apéritif dans les bars ou sur les rooftops. C'est le cas de Nico, qui travaille dans la finance. L'un des seuls, d'ailleurs, à s'exciter quand on lui parle du célébrissime ambassadeur de la marque helvétique.
Confort et originalité. Les mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des porteurs de On que nous avons abordés. Et de toute évidence, la marque répond pleinement à ces attentes. Selon le Wall Street Journal, en 2021, l'année qui a marqué son entrée en bourse, les ventes nettes de la firme zurichoise ont atteint environ 775 millions de dollars, soit une augmentation de 70% par rapport à 2020.
Et On ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, nous affirme Nia Quinones, la manager de l'unique boutique de Miami - la sixième des Etats-Unis - qui a ouvert ses portes en 2023. Un magasin à mi-chemin entre galerie d'art et boutique de luxe, nichée dans le quartier huppé de Design District, entre Dior et Zadig&Voltaire. «La prochaine étape, c'est le marché sud-américain, en particulier le Brésil», nous explique-t-elle tandis que nous longeons les rayons.
Pour lui donner raison, nous croisons peu après Maria et une amie, toutes deux originaires de Mexico, de passage en Floride pour les vacances d'automne, qui ne tarissent pas d'éloges sur le confort de ces compagnes de voyage.
D'autres Sud-américains nous évoqueront leur coup de foudre pour ces baskets si pratiques, dont Pablo, ingénieur originaire de Colombie, ou encore Keyvan, touriste rencontré au détour d'une tequila dans une boîte de nuit de South Beach, qui vient rendre visite à des amis depuis Porto Rico.
Qu'on adore ou qu'on déteste cette chaussure déroutante à la semelle en forme de ruche, une chose est sûre. Sur le continent américain, la chaussure de Federer n'a pas fini d'attirer les milléniaux comme du miel les abeilles. Jusqu'à leur prochaine marotte.