International
Syrie

«Tu pouvais terminer empalé»: les détenus de Saidnaya racontent

People inspects documents they found in the infamous Saydnaya military prison, just north of Damascus, Syria, Monday, Dec. 9, 2024. Crowds are gathering to enter the prison, known as the "human s ...
Des personnes examinent les documents trouvés dans la prison de Saidnaya, le lundi 9 décembre 2024. Image: AP

«Tu pouvais finir empalé»: les détenus de Saidnaya racontent

Quelques jours après la libération de la prison de Saidnaya par les rebelles, les premiers témoignages des détenus se font entendre et attestent de l'horreur vécue.
11.12.2024, 18:5512.12.2024, 15:15
Plus de «International»

Les médecins de l'hôpital d'Al-Nafis, dans le nord de Damas, en charge de s'occuper des détenus libérés de la prison de Saidnaya, «n'avaient jamais vu une telle détresse psychologique». Khaled Badawi, un soldat qui a déserté et a été arrêté il y a deux ans à Alep, est arrivé dimanche 8 décembre. «Suspendu entre le monde des morts et des vivants», il ne se souvient plus de son nom sauf lors de rares moments de lucidité, raconte Le Monde, présent sur place. Son œil est tuméfié, son nez fracturé et une maladie de la peau «lui ronge les jambes». Son frère Tarek est à ses côtés. Il est venu depuis Alep immédiatement après l'avoir reconnu sur une vidéo diffusée sur Facebook.

L'histoire de Khaled Badawi n'est de loin pas la première racontée ces derniers jours. Depuis la chute du régime sanguinaire de Bachar al-Assad et la libération de la prison de Saidnaya, de nouveaux témoignages viennent s'ajouter aux nombreux déjà récoltés au fil des années, attestant de l'horreur qui s'est déroulée derrière ces murs. Pour la première fois, des images du complexe pénitentiaire sont diffusées.

«Progressivement, la prison va révéler l’étendue de la barbarie perpétrée pendant des décennies»
A man looks at a room of the infamous Saydnaya military prison, just north of Damascus, Syria, Monday, Dec. 9, 2024. .(AP Photo/Hussein Malla)
L'intérieur de la prison de Saidnaya, lundi 9 décembre 2024.Image: AP

La nourriture mélangée au sang

«Les soldats ont commencé à nous frapper dès que nous avons passé la porte de la prison», se souvient Mahmoud, âgé de 17 ans à l'époque où il a été arrêté, en 2014. Il a passé six mois à Saidnaya et est désormais réfugié en France. Pour RTL, il revient sur ce qu'il a vécu:

«Pendant cinq jours, nous étions dans une cellule en sous-sol. C'était tellement sale, sans lumière... Nous étions nus dans une cellule de 2 mètres sur 1,80»
Mahmoud, ancien détenu de Saidnaya.rtl

Ils étaient 31 détenus. Mahmoud est le seul qui a survécu. «J'ai vu mes 30 codétenus mourir sous mes yeux.» Il poursuit son récit et raconte que les gardiens apportaient de la nourriture qu'ils mettaient par terre et écrasaient avec leurs chaussures.

«Parfois, il y avait du sang et la nourriture était mélangée avec. On devait manger ça, si on ne le faisait pas, on ne survivait pas»

A Harasta, dans la périphérie de Damas, un jeune homme âgé de 25 ans ne se souvient plus de son nom et prénom. Il avait 13 ans quand il a été arrêté puis enfermé à Saidnaya. La Repubblica l'a rencontré dans la famille qui l'a recueilli. Immobile au coin du feu, les yeux écarquillés, il dit avoir été torturé à de nombreuses reprises et pendu par les pieds.

«On a vécu isolé du reste du monde. C’était l’enfer sur terre. On nous nourrissait juste assez pour rester en vie»
Aouni Said Khalaf, 45 ans.le monde

Deux prisonniers libérés dimanche et pris en charge à l'hôpital d'Al-Nafis ont été diagnostiqués avec une tuberculose, relaye Le Monde. Les conditions de détentions sont décrites comme insalubres et la maladie s'est propagée parmi les détenus. «On était traités comme des insectes. Les gardiens n’étaient pas humains, c’étaient des démons», dénonce Aouni Said Khalaf, un ouvrier de 45 ans du camp palestinien de Yarmouk, emprisonné pendant quatre ans après avoir été dénoncé pour terrorisme. Il confirme d'autres récits récoltés notamment par Amnesty International, selon lesquels il était interdit de regarder les gardiens dans les yeux sous peine d'être frappé ou exécuté.

«Tu rentres avec les yeux bandés, tu sors les yeux bandés. A l'intérieur, c'est pire que tout ce que tu peux imaginer. Tu pouvais terminer empalé avec ce régime criminel»
Un ancien détenu, à l'extérieur de l'hôpital d'Al-Nafis. radio france

Retrouver les proches disparus

Au lendemain de la chute de Bachar al-Assad, des dizaines de milliers de familles se sont précipitées à la prison de Saidnaya en espérant retrouver un proche. Les gens épluchaient les archives qui jonchaient le sol dans l'espoir de voir un nom connu. En effet, de premières informations soupçonnaient l'existence de sous-sols cachés dans lesquels se trouvaient encore des prisonniers. Mais ce mardi, les Casques blancs, des secouristes syriens, ont annoncé la fin des opérations de recherche. Ils n'ont rien trouvé.

DAMASCUS, SYRIA - DECEMBER 9: People wait as Syrian Civil Defense teams carry out investigation in secret compartments of Sednaya Prison after the fall of the Assad regime in Damascus, Syria on Decemb ...
La recherche de compartiments secrets, ce lundi 9 décembre 2024.Image: Anadolu
A line of people heads toward the infamous Saydnaya military prison, just north of Damascus, Syria, Monday, Dec. 9, 2024. Crowds are gathering to enter the prison, known as the "human slaughterho ...
De nombreuses personnes ont afflué en direction de la prison après sa libération.Image: AP
A woman looks through a list of names in a document found on the floor at the infamous Saydnaya military prison, just north of Damascus, Syria, Monday, Dec. 9, 2024. Crowds are gathering to enter the  ...
Une femme parcours la liste des noms des prisonniers, trouvée sur le sol.Image: AP

La quête des proches disparus se poursuit dans les mosquées et hôpitaux où ont été transportés, «morts ou vifs», les détenus. 35 corps ont été amenés dans la nuit de mardi à mercredi à l'hôpital d'Al-Nafis. Certains sont décédés depuis longtemps, d'autres récemment. Ils ont été retrouvé dans les sous-sols, laissés sans nourriture ni système de ventilation.

Selon un rapport de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) de 2022, plus de 100 000 personnes auraient perdu la vie dans les prisons syriennes depuis 2011, notamment sous la torture. 30 000 seraient décédées à Saidnaya entre 2011 et 2018, d'après l'Association des détenus et des disparus de la prison de Saidnaya (ADMSP).

Retour en images sur la course à la Maison-Blanche:
1 / 26
Retour en images sur la course à la Maison-Blanche:
source: sda / cristobal herrera-ulashkevich
partager sur Facebookpartager sur X
Des habitants pillent le palais de Bachar el-Assad à Damas
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Les pompiers reprennent le dessus sur le nouvel incendie de Los Angeles
Après avoir lutté toute la nuit contre un nouveau violent incendie près de Los Angeles, les pompiers semblent prendre le dessus sur les flammes jeudi, malgré des vents d'une force inquiétante dans la région.

Plus de 4000 soldats du feu, assistés d'avions et de bulldozers, luttent actuellement dans les environs du lac Castaic, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la mégapole américaine. Des ordres d'évacuation ont été émis à l'attention de plus de 31 000 personnes. De quoi mettre les nerfs des habitants à rude épreuve, au moment où Los Angeles se remet à peine d'incendies qui se sont déclarés début janvier et ont défiguré une partie de la ville, tuant près d'une trentaine de personnes.

L’article