C'est une histoire qui défierait jusqu'à l'imagination des créateurs de White Lotus qui agite les médias thaïlandais cette semaine.
Près d'une dizaine d'abbés et de moines bouddhistes, parmi lesquels de hauts dignitaires, seraient tombés dans le piège tendu par la jeune femme, selon le Bureau central d'enquête de la police royale thaïlandaise, lors d'une conférence de presse mardi.
Rappelons que les moines font vœu de célibat et que rompre leur serment leur vaut d'être automatiquement défroqués.
L'enquête a débuté en juin dernier après qu'un abbé d'un célèbre temple de Bangkok ait brusquement quitté le monastère, sans fournir la moindre explication. Il s'est avéré que Phra Thep Wachirapamok, connu sous le nom d'«Arch», s'était enfui au Laos après avoir été victime de chantage pendant des années.
Selon le commissaire adjoint du Bureau central d'enquête, cité par l'agence AP, Wilawan Emsawat lui aurait affirmé qu'elle était enceinte avant de lui réclamer de lui verser 7,2 millions de bahts (222 000 dollars) en guise d'aide financière. Face au refus de son amant, elle a raconté leur liaison à d'autres moines. Ce dernir a alors décidé de quitter le pays.
L'enquête a conduit jusqu'à la luxueuse maison de l'escroc présumée, située dans les environs de Bangkok, où les autorités ont trouvé cinq téléphones portables lui appartenant.
Les appareils contenaient près de 80 000 photos et vidéos de Wilawan Emsawat en train de se livrer à des actes sexuels avec des moines et autres chefs bouddhistes - dont certains portaient encore leurs robes safran, selon le Bureau central d'enquête (CIB). Autant de contenu qui pourrait être utilisé à des fins de chantage.
Preuve que le stratagème aurait fonctionné, les compte bancaires de la Thaïlandaise révèlent des transactions à hauteur d'environ 385 millions de bahts (11,9 millions de dollars) au cours des trois dernières années. La plupart des fonds ont été dépensés sur des sites de jeux d'argent en ligne, selon la police.
Il s'agit désormais pour les enquêteurs est de savoir si les moines concernés ont payé Wilawan Emsawat avec leurs fonds personnels ou, comme cela semble avoir été le cas pour certains, s'ils ont détourné l'argent de leurs temples.
L'affaire a pris de telles proportions en Thaïlande qu'elle risque bien d'avoir des conséquences politiques. Alors qu'une commission sénatoriale a proposé de modifier la loi afin d'autoriser des poursuites pénales contre les femmes ayant des relations sexuelles avec des moines, le premier ministre par intérim Phumtham Wechayachai a ordonné aux autorités de renforcer notamment la transparence des finances des temples, afin de restaurer la foi dans le bouddhisme.
Le Bureau central d'enquête a, pour sa part, créé une page Facebook permettant de signaler les moines qui se conduisent mal. «Nous enquêterons sur les moines dans tout le pays», a lancé le commissaire adjoint Jaroonkiat Pankaew. «Je suis convaincu que les répercussions de cette enquête entraîneront de nombreux changements.» (mbr)