Les communiqués du gouvernement thaïlandais ont un petit côté fleur bleue que certains interpréteront comme de la modernité, d'autres comme de la nostalgie. Ces documents parlent de conscience écologique, de retour à la nature, d'un tourisme «SEXY» (lire le concept), qui consisterait moins à courir le jupon qu'à parcourir le pays.
Aujourd'hui, il n'existe pas de campagne publicitaire plus juteuse qu'une campagne bien verte. Mais pour les agences de voyages, que nous avons sondées, ces messages ne sont pas de la démagogie, ni de l'esbroufe: la Thaïlande veut changer. Plus exactement: elle aimerait redevenir ce qu'elle était.
A ce jour, la Thaïlande dissuade les étrangers avec des quarantaines de dix nuits ou quatorze jours, selon l'humeur, dans des hôtels réquisitionnés et surveillés, totalement isolés, dont les frais sont entièrement à la charge des visiteurs. Les promesses de réouverture restent vaines, malgré une situation sanitaire sereine (858 cas par jour, selon les derniers chiffres officiels).
Car depuis tout ce temps où elle s'est refermée sur elle-même, où les touristes et les gaz se sont évaporés, la Thaïlande redécouvre la beauté de ses paysages, la pureté de ses eaux turquoises, la diversité de sa faune. Elle retrouve son paradis perdu.
Certains parcs nationaux respectent déjà une interdiction au public de deux à trois mois, pour permettre à l'écosystème de se régénérer. Selon le Bangkok Post, le Ministère de l'environnement souhaite étendre cette fermeture annuelle à l'ensemble de ses parcs.
Dans les zones maritimes moins préservées, la Thaïlande a déjà réduit le trafic naval d'un tiers et ne délivre plus qu'un nombre limité de permis, que ce soit pour naviguer, plonger ou dormir. Cette nature est placée sous haute protection militaire, avec des patrouilles armées. Des bungalows en bord de mer, sur des îles peu fréquentées, seront bientôt détruits. Un élu veut remplacer les tuks-tuks de Phuket par des véhicules électriques. La Thaïlande ne veut pas redevenir comme avant.
Le problème de ce décor est qu'il en cache un autre, moins idyllique, celui des milliers de chômeurs qui, sur les trottoirs de Patong ou de Pattaya, font la queue avec une carte de rationnement, dans un long fleuve servile. Ce sont les égouts du paradis, toute une population que le Covid met à la rue et que le mouvement écologique rejette.
C'est cette image-là, celle des bateaux abandonnés, des paillotes effondrées et des sociétés paupérisées, que les agences locales opposent à une idéologie de carte postale.
Haut lieu touristique, Phuket résume parfaitement ces enjeux:
Les voyagistes déplorent à mot-couvert que le gouvernement ne les ait pas informés de ses visées écologistes, notamment la fermeture des parcs.
Chez Lets Travel, dont l'offre est historiquement basée sur un tourisme contemplatif, on se réjouit de cet appel au calme. «J'espère vraiment que la Thaïlande persistera dans sa démarche environnementale, conclut Sophie. Je sens une volonté claire depuis plusieurs années. Cela dit, l'appât du gain ne disparaîtra pas avec le Covid... Si les vols de ligne restent fréquents, à partir des métropoles et avec des tarifs low coast, le nombre de visiteurs ne diminuera pas. C'est la grande inconnue du monde d'après.»