Pour lui, tout ça, c'est du «bullshit». Alors que son client, Sean «Diddy» Combs, risque la prison à vie pour «complot de racket, trafic sexuel et transport à des fins de prostitution», Marc A. Agnifilo balaie l'acte d'accusation d'un revers de main et de communiqué. Lundi, peu après l'arrestation du célèbre rappeur dans un hôtel new-yorkais, il s'est fendu d'une déclaration qui tranche avec les charges qui pèsent contre son client:
Une poigne qui n'a pourtant pas empêché la juge Robyn Tarnofsky de refuser, mardi, d'accorder la liberté sous caution qu'il réclamait, car «aucune condition ne permet de s'assurer qu'il comparaîtra devant le tribunal s'il était libéré». En comprenant qu'il allait moisir en prison jusqu'à son procès, le rappeur n'a pas réagi, se contentant d'avaler une gorgée d'eau.
Son avocat, à l'inverse, a fulminé dès les premiers micros braqués sur lui: «Il est venu ici pour se rendre. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas qu'il se rende? Nous ferons tout ce que nous pourrons pour le sortir de là».
“He’s been looking forward to this day. He’s been looking forward to clearing his name.”
— Josh Breslow (@JoshBreslowTV) September 17, 2024
Diddy’s attorney, Marc Agnifilo speaks after judge denies bail in sex trafficking case. @livenowfox pic.twitter.com/QveLnpj4FS
Marc A. Agnifilo, 60 ans, dont 30 de métier, aura du pain sur la planche s'il veut être en mesure de prouver que «Puff Daddy» est un petit ange tombé du ciel. Car l'affaire est dense, tentaculaire, explosive.
Le rappeur patauge dans un bourbier judiciaire depuis (au moins) le mois de septembre 2023, date à laquelle son ex, la chanteuse Cassie Ventura, l'a accusé de viol et de trafic sexuel. Quatre mois plus tard, ses propriétés de Los Angeles et de Miami seront perquisitionnées.
Une sale histoire. Mais Me Marc Agnifilo en a vu d'autres. Véritable bulldog du pénal depuis qu'il a quitté, en 2006, son poste de chef de l’Unité des crimes violents au Bureau du procureur des Etats-Unis (district du New Jersey), l'homme a plusieurs fois prouvé qu'il a les reins solides. L'un de ses clients les plus tristement célèbres s'appelle Keith Raniere. Et cet homme purge depuis 2020 une peine de 120 ans de prison pour «trafic sexuel et racket».
Comme quoi, Diddy n'a pas choisi son avocat au hasard.
Keith Raniere est un prédateur déguisé en gourou, qui fut à la tête de NXIVM, présentée au départ comme une vague communauté mondaine de développement personnel. C'est le New York Times qui révélera en premier les agissements sordides de ce qui était en réalité une secte, dans laquelle les femmes étaient réduites au statut d'esclaves sexuelles, leur peau marquée au fer rouge des initiales du gourou, surnommé «Vanguard».
En replongeant dans les archives de ce procès, qui avait duré deux mois, on remarque que Marc Agnifilo empoignait déjà cette légèreté apparente, lorsqu'il s'agissait de décrire l'ADN de son client:
L'idée était, comme avec Sean Combs cette semaine, de tout rejeter en bloc et de narrer la grande humanité de son client. Alors que des femmes ont été contraintes de lui envoyer des images en gros plan de leurs parties génitales et poussées à avoir des relations sexuelles avec lui, son avocat avait tout juste admis que «ce comportement, considéré objectivement, est assez flagrant. Mais cela n’en fait pas un crime». Circulez, il n'y a rien à voir.
Quelques années plus tôt, c'est un autre dossier très médiatisé qui va concerner Marc Agnifilo, mais aussi sa femme, Karen Friedman Agnofilo. Le New York Times, encore lui, raconte les circonstances qui ont poussé l'avocat de Diddy Combs à accepter la tâche. Nous sommes au mois de mai 2011 et le téléphone sonne:
Oui, l'inoubliable affaire DSK. Problème? A l'époque, l'épouse de notre avocat n'est autre que l'assistante du procureur de New York. Cette dernière devra donc se récuser pour laisser son mari bosser. Un couple dans lequel le «silence prime», une fois de retour à la maison, et une situation cocasse dans laquelle ils se retrouveront une vingtaine de fois en dix-huit mois.
Marc Agnifilo était donc assis aux côtés de l'ex-patron du FMI, ce fameux 19 mai 2011, au moment de son inculpation formelle et de sa libération sous caution.
On retrouvera d'ailleurs ce même conflit d'intérêts au moment où un certain Harvey Weinstein décidera, en 2017, d'ajouter un nouveau cabinet d'avocats à sa déjà très dense équipe de défense. Agnifilo, longtemps avocat principal au sein du cabinet Brafman, ouvrira plus tard son propre bureau, dans lequel son épouse le rejoindra en 2021.
Aujourd'hui chargé de sortir un rappeur célèbre du pétrin, Me Marc Agnifilo a une première échéance importante à assumer. Ce mardi, dans l'après-midi, un nouveau juge devra décider, en appel cette fois, si la libération sous caution de Sean Combs lui sera définitivement refusée avant son procès.