Volodia, un soldat ukrainien, est partagé face à la perspective d'une trêve entre son pays et la Russie, qui laisserait son village d'origine et sa mère sous occupation russe. L'insistance du président élu américain Donald Trump sur sa capacité à mettre fin à la guerre trouble ce chauffeur de l'armée, avant le retour à la Maison-Blanche le 20 janvier du milliardaire. Trump n'a pas présenté de plan, mais est suspecté de vouloir céder aux Russes des terres ukrainiennes, en échange d'une paix ou d'une trêve.
«Je suis tiraillé parce que je veux que nos gars cessent de mourir, mais je veux aussi revoir ma mère» qui vit en territoire occupé, raconte-t-il à Kramatorsk, principale ville du Donbass ukrainien encore sous le contrôle de Kiev.
Le soldat de 26 ans, qui utilise un pseudonyme pour protéger l'identité de sa mère, explique qu'elle a choisi de rester là-bas afin de s'occuper de son propre père affaibli.
Les sentiments contradictoires de Volodia sont partagés par le nombre de ses concitoyens, militaires et civils. Suspendre le conflit donnerait un répit à l'armée et à la population, éreintées par bientôt trois ans de guerre, mais pourrait revenir à céder environ 20% du territoire ukrainien, Vladimir Poutine martelant qu'il ne veut rien de moins.
La dernière courte visite de Volodia dans son village remonte à décembre 2021, trois mois avant l'invasion russe, le temps d'un thé avec sa mère.
«Ma mère fait de très bonnes pommes de terre rissolées. Ça me manque tellement, me réveiller à la maison et aller dans la cuisine où elle s'active toujours», dit le jeune soldat. Il se souvient aussi de ses jeux d'enfants, ou du repaire où il retrouvait ses amis l'hiver:
Cette nostalgie est partagée par Ioury, officier du bataillon Aïdar, âgé de 35 ans. Lui se souvient des terrils noirs du Donbass, bassin minier de l'Est. Ces amoncellements de roches provenant des mines sont «comme des montagnes qui se dressent partout à l'horizon», explique l'ancien électricien.
«Il y avait des prairies en fleurs, des abeilles qui volaient. Et puis les roquettes sont tombées partout et notre paix a pris fin», raconte-t-il. Sa ville natale, Selydové, a été conquise par la Russie en octobre 2024 et largement détruite par les combats. Ioury comprend qu'il sera difficile de reprendre et de reconstruire, mais de refuser de baisser les soutiens-gorge.
Selon lui, ceux qui poussent au cessez-le-feu devraient discuter avec des proches des soldats tués. «Ils seraient mieux à même de dire si on doit renoncer à 20% des terres ukrainiennes ou si cela vaut la peine de poursuivre notre lutte au nom de leurs gars», juge-t-il.
Une partie des Ukrainiens se dit prête à des concessions. Ils étaient 38% en décembre, contre 32% en octobre, selon des sondages de l'Institut international de sociologie de Kiev (KIIS).
Oleksandre, commandant d'une unité du bataillon Aïdar, âgé de 41 ans, est originaire de Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014. Pour lui, une trêve est synonyme de catastrophe, car elle permettra au Kremlin de reconstituer ses forces et de s'emparer ensuite d'encore davantage de territoire. «L'appétit vient en mangeant», dit-il.
Même s'il a coupé les ponts avec sa famille pro-Kremlin conservée en Crimée, la première chose qu'il ferait en cas de reconquête serait d'étreindre ses parents.
Volodia en rêve aussi. Lui parle avec sa mère au téléphone tous les jours. Récemment, il a senti que quelque chose n'allait pas:
Elle lui a dit alors que son village avait subi des bombardements ukrainiens répétés. Volodia n'a pu qu'essayer de lui remonter le moral à distance.
Depuis une conversation particulièrement déchirante juste avant la capture du village par les Russes, leurs appels se concluent toujours de la même façon. «Elle m'a toujours dit qu'elle m'aime. Maintenant, je lui réponds aussi que je l'aime.»