«Incorruptible, têtue, charismatique et ambitieuse», tels sont les mots utilisés par le site du média TV5Monde pour décrire l'imperturbable magistrate d'origine roumaine. Laura Codruta Kövesi, 49 ans, fait partie de la garde transnationale qui se frottera aux oligarques russes en 2023. La procureure en chef de l'Union européenne s'est déjà illustrée dans son pays d'origine, la Roumanie, en y combattant la corruption.
Elle qui a rejoint le Bureau du procureur général européen depuis plus d'un an, a désormais hâte de se mettre au travail pour coincer les oligarques qui tentent de contourner les sanctions, apprend-on dans le média Bloomberg cette semaine.
Laura Kövesi a les yeux rivés sur le conflit en Ukraine. Elle se dit prête pour un élargissement des compétences de son bureau, notamment sur la question des avoirs russes.
Depuis le début du conflit, l'Union européenne a gelé environ 18,9 milliards d'euros d'actifs appartenant à des individus ou entités russes sous sanction. Mais le Parquet attend de nouveaux outils:
Ce sera certainement chose possible dans un avenir proche, puisque la Commission européenne a tranché le 2 décembre en faveur d'une proposition de loi permettant de faciliter la saisie de biens de luxe des riches Russes à l'étranger, tels que les superyachts ou les résidences secondaires.
Le contournement des sanctions est pour l'heure soumis à des règles et des définitions différentes selon les Etats membres. Une situation qui entrave, selon le média Bloomberg, le contrôle du flux d'argent russe circulant sur sol européen.
Le régime actuel ne permet que de geler les avoirs sanctionnés, ce qui limite la possibilité de vendre ou de transférer maisons ou navires de valeur. La nouvelle mouture permettrait au contraire - en fonction de l'infraction - de condamner des individus à une peine de prison, et les compagnies à une peine d'amende à partir de 5% du chiffre d'affaires global.
De surcroît, l'Union européenne étudie des solutions pour que le produit de la vente des avoirs gelés puisse être affecté à la reconstruction d'infrastructures en Ukraine.
Kövesi a été la première haut responsable de l'UE à se rendre en Ukraine depuis l'invasion russe. Elle y a signé un accord avec les autorités locales, afin de partager des informations sur des cas présumés de fraude en Ukraine liés à des fonds européens.
Laura Codruța est née à Sfantu Gheorghe, en Transylvanie. Fille de procureur, elle se passionne très vite pour le droit pénal, au grand dam de son père qui estimait «qu'un parquet, ce n’est pas un endroit pour une femme!». Mais rien n'y fait; son caractère n'est pas du genre à se laisser mollement influencer. Cette amatrice de basket-ball (elle mesure 1,82) finit vice-championne d'Europe avec son équipe, et survit à la discipline de fer imposée aux sportifs de haut niveau dans les pays du bloc de l'Est.
En sport comme en droit, dit-elle, il s'agit de ne pas sous-estimer son adversaire.
Son caractère et sa réputation de fer, Laura Codruta Kövesi les a forgés tout au long de sa carrière, après avoir mené une campagne pour la transparence et la justice sans précédent au sein de son pays.
En 2013, elle est nommée à la tête du parquet anticorruption (DNA) de Roumanie, pays à ce moment-là miné par les fraudes financières. Son sang-froid conduit les politiciens les plus puissants du pays derrière les barreaux, toujours selon le média Bloomberg.
Entre 2013 et 2018, elle a poursuivi et fait emprisonner des dizaines de hauts fonctionnaires. Elle fait condamner Sorin Oprescu, l’ancien maire de Bucarest, et l'ancien chef de gouvernement Adrian Nastase, à quatre et deux ans d'incarcération. Son combat pour la transparence galvanisant les foules, des milliers de manifestants défilent dans les rues en 2017, arborant des pancartes avec son portrait. Elle finira cependant par être écartée par le pouvoir en 2018.
Ayant expérimenté son tempérament de fer, nombre de ses détracteurs ne voient pas d'un bon oeil sa candidature, en 2019, à la direction du futur parquet européen. Contre elle, les poursuites émanant de son pays d'origine ne font que pleuvoir: abus de pouvoir, corruption et faux témoignage, rumeurs d'être un agent secret de la CIA...mais Laura tient bon: non, elle n'a jamais enfreint la loi pour traquer les fraudeurs.
Le gouvernement ne veut vraiment pas que l’ancienne cheffe de la Direction anti-corruption prenne la tête du nouveau Parquet européen... Laura Codruța Kövesi vient d’être placée sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter la @Roumanie https://t.co/3AsK5VxhAP pic.twitter.com/C37englQM5
— Courrier des Balkans (@CdBalkans) March 29, 2019
Malgré les nombreuses intimidations dont elle fait l'objet, et les nombreux coups politiques encaissés, Laura est nommée pour un mandat de sept ans à la tête du Parquet européen, instrument crucial dans la lutte contre la corruption. Elle y entre en fonction le 1er juin 2021.
Aujourd'hui était une journée spéciale tant attendue pour la construction d'une Union européenne 🇪🇺 plus forte, unie & juste. La chef du Parquet européen, @EUProsecutor Laura Codruța Kövesi 🇹🇩& les premiers procureurs européens ont prêté serment solennel devant la @EUCourtPress. pic.twitter.com/4EAUm50YUX
— Dr Dan Stoenescu (@DanStoenescuEU) September 28, 2020
Désormais, du haut de son siège au Luxembourg, elle compte bien mener en justice les affaires de fraudes transnationales qui grèvent le budget de l'UE, et traquer les flux d'argent russe ayant pu profiter, jusqu'ici, de régimes de sanctions disparates entre Etats membres.