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La Russie utiliserait une arme barbare qui «brûle jusqu'aux os»

Military training of Ukrainian soldiers in Kharkiv KHARKIV REGION, UKRAINE FEBRUARY 29: Servicemen of the National Guard of Ukraine undergo training to storm enemy trenches using simulation equipment  ...
L’armée ukrainienne serait également attaquée par la Russie avec des grenades à gaz. (Image d'archives).Image: IMAGO

La Russie utiliserait une arme barbare qui «brûle jusqu'aux os»

La Russie s’est engagée à ne pas produire ni utiliser d’armes chimiques. Pourtant, elle violerait massivement cet engagement en Ukraine selon des rapports et plusieurs preuves.
11.09.2025, 05:3811.09.2025, 05:58
David Schafbuch / t-online
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Elles sont larguées par drones, et servent à «déloger» les soldats ukrainiens cachés. Depuis fin 2023, les signalements concernant l’utilisation présumée de nouvelles grenades russes de type RG-Vo sur le front se sont multipliés. Ces munitions contiendraient différents gaz lacrymogènes, certains pouvant même être mortels.

Une nouvelle convention bafouée

Officiellement, le Kremlin dément l'emploi par l’armée russe d'armes chimiques, car la Russie a signé la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, qui interdit leur utilisation.

Mais une récente enquête de Radio Free Europe/Radio Liberty révèle que non seulement l’armée russe aurait recours à ces armes en Ukraine, mais que le pays aurait aussi trouvé le moyen de produire ces agents chimiques en grandes quantités malgré les sanctions internationales.

Un soldat ukrainien lors d'un exercice: l'armée devrait également être attaquée par la Russie avec des grenades à gaz. (Photo d'archive)
Un soldat ukrainien lors d'un exercice: l'armée serait également attaquée par la Russie avec des grenades à gaz interdites. (Photo d'archive)Image: Imago

Selon l’enquête, ces armes seraient fabriquées dans un laboratoire chimique situé à l’extérieur de Moscou. Il s’agirait de l’Institut de recherche en chimie appliquée Serguiev Possad, au nord-est de la capitale russe. Officiellement, le laboratoire affirme ne fabriquer que des produits destinés aux civils. Le rapport met toutefois en évidence plusieurs liens avec d’autres entreprises qui remettent en cause cette déclaration.

Les armes chimiques sont interdites

La Convention sur les armes chimiques interdit depuis 1997 le développement, la production, le stockage, la possession et le transfert d’agents chimiques de combat. Sa mise en œuvre relève de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), une autorité indépendante basée à La Haye.

En Allemagne, l’armée américaine avait stocké des armes chimiques dans le dépôt de Clausen, en Rhénanie-Palatinat, avant de les retirer et de les détruire en 1990 lors de l’opération «Lindwurm».

Ces armes avaient été utilisées pour la première fois pendant la Première Guerre mondiale par l’Allemagne. Considéré comme le «père de la guerre chimique», le chimiste Fritz Haber avait par la suite reçu le prix Nobel de chimie pour ses travaux sur la synthèse de l’ammoniac menés sur le site de BASF, à Ludwigshafen, dans le sud-ouest du pays.

Le laboratoire russe appartient au groupe public Rostec, actif notamment dans l’industrie de l’armement, et inscrit depuis 2022 sur la liste des sanctions de l’Union européenne. Pour la fabrication des grenades, le laboratoire s’approvisionne en grande partie en produits provenant de Russie, et qui ne figurent jusqu’à présent sur aucune liste de sanctions.

Selon les autorités ukrainiennes, les grenades seraient utilisées sur l’ensemble du front. Même si le Kremlin continue de démentir officiellement l’usage d’armes chimiques, il semble qu’en Russie, on ne fasse guère d’efforts pour en dissimuler l’emploi. En mai 2024, la chaîne de télévision publique Russia Today avait par exemple évoqué ces armes malgré les démentis officiels.

Le colonel des troupes de soutien des forces armées d’Ukraine, Artem Vlasyuk explique:

«La Russie viole tous les accords internationaux et les conventions de l’ONU sur l’interdiction des armes chimiques. Cela signifie non seulement qu’elle ne les a pas détruites, mais qu’elle continue à en produire.»

Des tonnes de phosphore

Parmi les fournisseurs qui équipent le laboratoire, figure notamment l’usine publique de construction mécanique de Saransk. Celle-ci vend des dispositifs nécessaires au déclenchement des explosions des grenades. Officiellement, cette usine se présentait plutôt comme un fabricant de produits civils, tels que des remorques de vélo ou des barbecues.

En plus des fournisseurs nationaux, la Russie s’approvisionnerait en matériaux auprès de la Chine, en particulier pour le phosphore rouge, utilisé également dans les allumettes ou la pyrotechnie. Entre 2022 et 2023, le laboratoire russe aurait acheté à lui seul près de 100 tonnes de cette substance, pour plus d’un million de dollars.

Plusieurs crimes de guerre

Officiellement, de telles livraisons à la Russie sont interdites. De son côté, le gouvernement chinois a toujours nié soutenir la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine, que ce soit à l'aide d'armes ou d’autres biens.

Sur le front, l’utilisation des grenades RG-Vo serait une pratique courante. Elles servent à contraindre les soldats à sortir de leurs abris, afin qu'ils se retrouvent dans la ligne de mire des assaillants.

Une grenade RG-Vo à Kiev: l'armée russe aurait utilisé des grenades à gaz contre l'Ukraine. (Photo d'archive)
Une grenade RG-Vo à Kiev: l'armée russe utiliserait des grenades à gaz contre l'Ukraine. (Photo d'archive)Image: Alberto Rojas

Selon des militaires ukrainiens, les gaz émis ne provoquent pas seulement des irritations aux yeux. La substance de combat restreint également la respiration, entraînant toux, haut-le-cœur ou vomissements. Un rapport fait aussi état de plusieurs décès. Le procureur de la région de Kharkiv, Amil Omarov, précise:

«Mener au 21e siècle des opérations militaires avec des méthodes essentiellement barbares constitue un crime de guerre. Cela se fait bien entendu selon la volonté et sur ordre de la plus haute direction russe.»

Brûlés jusqu'aux os

Le phosphore rouge venu de Chine pourrait ne pas servir uniquement à la fabrication de grenades à gaz. La substance chimique peut aussi être transformée en phosphore blanc, et être utilisée dans la production de munitions.

Au contact de l’oxygène, le phosphore blanc peut atteindre une température de 800 degrés, et provoquer de graves brûlures. Les incendies déclenchés par cette substance sont, de plus, particulièrement difficiles à éteindre. Moscou a nié avoir recours à des munitions au phosphore. Kiev a cependant accusé l’armée russe d’avoir utilisé ce type d’armes, notamment lors d’attaques contre les villes de Marioupol et de Bakhmout.

Les services secrets ukrainiens disent avoir intercepté et rendu public, fin 2022, un appel téléphonique entre un soldat russe et sa femme. Dans cette conversation, l’homme reconnaissait l’emploi de munitions au phosphore. Dans cet échange, il affirmait:

«Une balle vole, explose en plusieurs morceaux dans les airs, comme une étincelle. Quand elle tombe sur la peau, sur le corps, cette saleté brûle jusqu’aux os.»

Le soldat évoquait également le fait que l’armée russe disposait de telles munitions, mais pas l’Ukraine.

L'Otan contre les munitions au phosphore

Ces informations n'ont pas pu être vérifiées de manière indépendante. Par le passé, le gouvernement ukrainien avait demandé à ses partenaires occidentaux la livraison de munitions au phosphore. Une demande qui leur avait été refusée. En 2023, l’ancien secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, déclarait à RTL:

«L’Otan n’a ni recommandé ni livré ce type d’armes. Nous fournissons de l’artillerie et d’autres catégories d’armements, mais pas de bombes à sous-munitions.»

Plusieurs services de renseignement occidentaux sont aussi convaincus que la Russie utilise des armes chimiques en Ukraine. Début juillet, le service fédéral de renseignement allemand (BND), conjointement avec les services néerlandais MIVD et AIVD, a indiqué que Moscou employait selon leurs informations «un large éventail» d’armes chimiques en Ukraine. Le ministère ukrainien de la Défense avait déjà affirmé avoir recensé depuis 2022 plus de 9000 attaques russes aux armes chimiques.

Traduit de l'allemand par Joel Espi

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