A l'origine, il était juste une arme. Une arme très puissante certes, mais toujours une arme. Pourtant, le Himars est vite devenu beaucoup plus qu'un «simple» lance-roquettes multiple. Dès son arrivée sur le sol ukrainien, il a tour à tour été transformé en symbole d'espoir, star des réseaux sociaux et mème.
Quelques données factuelles pour commencer. Himars est l'acronyme de «High Mobility Artillery Rocket System», nom qui désigne un lance-roquettes de conception américaine. La question de son envoi en Ukraine a été discutée à Washington à partir du mois de mai. Les premiers engins ont été livrés fin juin: 16 exemplaires sont actuellement sur place, nombre qui passera à 20 avec les quatre modèles supplémentaires annoncés vendredi par Washington.
Comprendre pourquoi cette arme en particulier est devenue un symbole d'espoir - alors que des centaines de millions de dollars d'armements affluent en Ukraine depuis des mois - est assez évident. Ce lance-roquettes peut frapper jusqu'à une distance de 80 kilomètres: c'est une portée doublée par rapport aux systèmes d’artillerie dont Kiev disposait jusque-là.
D'autres armes ont déjà été élues symbole de résistance avant le Himars: le lance-missile Javelin, au tout début du conflit, en est un exemple. Pourtant, la popularité du nouveau joyau de l'armée ukrainienne atteint des sommets difficilement imaginables il y a seulement quelques mois. Tour d'horizon.
Son premier rôle «non militaire» est celui de vedette des réseaux sociaux. Depuis son arrivé sur le sol ukrainien, le Himars est partout. Et ce n'est pas un hasard algorithmique: il s'agit bien d'une stratégie volontaire mise en place par les autorités de Kiev.
Ce sont tout d'abord les comptes officiels à partager ce type de contenu. Un exemple au hasard? Ce post Twitter du Ministère ukrainien de la Défense, où le lance-roquettes est représenté comme un feu d'artifice:
— Defence of Ukraine (@DefenceU) July 12, 2022
«Ils nous inspirent. Ils terrorisent l'ennemi. Ils sont les Himars», peut-on lire sur l'image. D'autres exemples sont beaucoup moins festifs. Sur cet autre tweet, on retrouve le lance-roquettes mué en dragon vengeur. La légende qui l'accompagne est encore plus explicite:
#HIMARS, defenders of our land, Chimeras of vengeance.
— Defence of Ukraine (@DefenceU) July 21, 2022
They. Will not. Stop.
… until they completely eradicate the enemy, who enjoys killing our women and children.
Art: Oleg Shupliak pic.twitter.com/doMHU2gX1S
D'autres fois, la communication est plus basique, comme en témoigne cette vidéo montée comme un clip montrant les prouesse du lance-roquettes:
Our "long hand" - made in the USA - doing its work.
— Defence of Ukraine (@DefenceU) July 4, 2022
Direct shot.#HIMARS
Footage by the General Staff of the #UAarmy pic.twitter.com/Fa3lUJJsO9
Le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiy Reznikov, est un gros fan du Himars. C’est lui qui avait annoncé l’arrivée des premiers engins sur le sol national, le 23 juin dernier, accompagnant la nouvelle du désormais habituel message menaçant:
HIMARS have arrived to Ukraine.
— Oleksii Reznikov (@oleksiireznikov) June 23, 2022
Thank you to my 🇺🇲 colleague and friend @SecDef Lloyd J. Austin III for these powerful tools!
Summer will be hot for russian occupiers. And the last one for some of them. pic.twitter.com/BTmwadthpp
Cette sorte de campagne de communication s’est poursuivie bien au-delà des comptes officiels. Internautes, mèmeurs et shitposters de tous bords se sont approprié le lance-roquettes et ont opéré la mutation ultime: le Himars est devenu un mème.
Les caricatures circulant sur les réseaux sociaux mettent l'accent sur un élément particulier: le lance-roquettes a été utilisé avec succès pour détruire des dépôts de munitions russes. Il n'en fallait pas plus pour allumer l'internet. Les mèmes à ce sujet se multiplient:
— Ukrainian Memes Forces (@uamemesforces) July 10, 2022
Les soldats russes mobilisés auprès de ces dépôts sont devenus la cible de nombre de blagues douteuses:
— Ukrainian Memes Forces (@uamemesforces) July 20, 2022
Ou encore:
— Saint Javelin (@saintjavelin) July 20, 2022
La grande quantité de dépôts que les Himars auraient détruits en a fait une véritable rockstar. Du moins sur ce t-shirt imprimé par le site caritatif «Saint Javelin», où les endroits frappés par les roquettes sont listés comme les dates d'une tournée de concerts, la soi-disant «2022 Russian ammunition depot tour» («tournée 2022 des dépôts de munitions russes», en français):
Master of vatniks I'm pulling their strings!
— Saint Javelin (@saintjavelin) July 21, 2022
Twisting their minds and smashing their dreams!
Immolated by fire, their command post’s in bits!
They’re calling my name, 'cause I'll hear them scream!
HIMARS!
HIMARS!https://t.co/12E9fyRjE8 pic.twitter.com/lj08oNydi1
Le Himars est également présent dans les posts de la NAFO, un groupe informel d'internautes qui inondent les comptes officiels russes de trolls, mèmes canins et de vidéos moqueuses:
Live view of an ammo depot seeking HIMARS pic.twitter.com/8G9DOGXDgN
— Ukraine Memes for NATO Teens (@LivFaustDieJung) July 23, 2022
Il est intéressant de remarquer que, dans certains cas, les mèmes réagissent à l'actualité du conflit. Le tweet suivant fait par exemple référence à la requête des Ukrainiens d'obtenir des ATACMS. Ces missiles peuvent être tirés par un Himars et ont une portée de 300 kilomètres.
The Russians now claim they bought the #HIMARS from the Ukrainians, although they still haven't shown the photos of the #Caesar they bought a month ago.🤣🤣🤣 pic.twitter.com/BpCju1xBFE
— 𐋄 Слава Україні! 🇺🇦 (@SlavicWorld) July 12, 2022
Dans cet autre exemple, le mème fait référence au pont de Crimée, que les Russes ont essayé de cacher à l'aide de fumigènes pour le protéger des tirs ukrainiens:
My Crimean bridge is up here, thank you very much. pic.twitter.com/0CtbxMouHA
— Christian Borys (@ItsBorys) July 16, 2022
D'autres fois, les internautes recyclent des mèmes célèbres (Shining), ou sortent des références à la pop-culture, comme la série télé Stranger Things:
Here’s HIMARS. pic.twitter.com/Y0S8Z5ZHXn
— Christian Borys (@ItsBorys) July 11, 2022
— Saint Javelin (@saintjavelin) July 11, 2022
Mais alors que les internautes célèbrent, chacun à leur manière, la terrible puissance du Himars, une question se pose de toute évidence: ces lance-roquettes sont-ils si efficaces que ça? Quel est leur poids réel sur le terrain?
Pour le ministre de la Défense, ça ne fait aucun doute: «Les Himars ont déjà fait une GROOOSSE différence sur le champ de bataille», a-t-il récemment tweeté.
Oleksiy Arestovytch, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, partage le même avis: «Selon les informations de nos services de renseignement, les occupants sont au bord de la panique. Ils subissent des pertes gigantesques et ne savent plus quoi faire», a-t-il affirmé dans une interview. Et d'ajouter:
Des analyses menées par des internautes vont dans le même sens. Les deux cartes ci-dessous montrent les attaques russes avant et après l'action des Himars. La destruction des dépôts de munitions semble avoir eu un effet visible:
#Himars in action in #Ukraine
— spy (@temafey) July 13, 2022
Before and after strikes on #russian munition depot.
Satellite map of fire.#warinukraine pic.twitter.com/LWQrSsmU7D
S'agit-il donc de la solution miracle pour remporter le conflit? Même avant leur livraison, beaucoup d'observateurs et analystes affirmaient que les Himars pouvaient changer le cours de la guerre en faveur des défenseurs.
L'historienne militaire Tamara Cubito, récemment interviewée par watson, ne partage pas cet avis: «Cette arme ne sera pas décisive pour la guerre». Elle avance l'exemple suivant: