Le journaliste de guerre Kurt Pelda s'est rendu en Ukraine pour CH Media, le partenaire de watson. Il est actuellement de retour en Suisse et livre son analyse de la situation.
Une réussite due, d'une part, à une feinte. En raison de la contre-offensive des Ukrainiens au sud du pays, les Russes ont été incités à déplacer des troupes de l'est vers le sud. Ils ont ainsi mis à nu une partie du front à l'est.
D'autre part, en raison de la supériorité tactique des Ukrainiens. Ils se sont attaqués aux points faibles des Russes et ont progressé si rapidement que l'ennemi risquait d'être encerclé par deux rivières. Pour sauver leurs forces, les Russes n'ont eu d'autre choix que de battre en retraite.
La Pologne et la République tchèque ont remis à l'Ukraine environ 250 chars de combat T-72 modernisés. Ils ont joué un rôle décisif avec les chars d'autres pays occidentaux. Grâce à eux, les Ukrainiens ont pu avancer rapidement et attaquer les Russes par-derrière dans la base d'Izioum. Les Ukrainiens ont également fait l'éloge des chars antiaériens Gepard venus d'Allemagne, équipés de deux canons Oerlikon.
De nombreuses sections du front ont été tenues par des soldats recrutés par les Russes, dans les «républiques populaires» qu'ils occupent dans le Donbass ukrainien. Ces unités sont toutefois mal équipées, peu entraînées, incapables de demander un soutien d'artillerie ou aérien.
Cela a également placé les troupes de la Première armée de blindés dans une situation inconfortable. Si les tankistes russes avaient combattu plus longtemps à Izioum, ils auraient été coupés des ponts sur la rivière Oskil par les Ukrainiens à l'est.
Ce revirement a déjà pu être observé il y a quelques semaines, lorsque les tirs d'artillerie russes ont sensiblement diminué, après que les Ukrainiens ont détruit leurs dépôts de munitions avec des missiles américains Himars.
Cela n'a toutefois pas encore été perçu comme tel dans la plupart des médias. Ce que nous voyons aujourd'hui est la conséquence des préparatifs habiles des Ukrainiens, pour perturber sensiblement les voies de ravitaillement des Russes.
L'initiative revient désormais aux Ukrainiens. Les Russes ne font que réagir. Il se pourrait bien que de grands changements se préparent dans le Sud. Et si les Ukrainiens poursuivent leur avancée à l'est, ils seront peut-être en mesure de contourner les fortifications en place depuis huit ans sur le front du Donbass, et de prendre les Russes à revers.
Ces scénarios ne sont, pour l'instant, que de la musique d'avenir. Il est impossible de prédire l'issue des batailles et de savoir qui va gagner la guerre. Mais une défaite finale de la Russie est désormais possible.
Jusqu'à présent, Valdimir Poutine a hésité à se mobiliser, pour des raisons de politique intérieure. Il n'y a donc pratiquement que des volontaires qui se battent en Ukraine. Si le président russe veut changer cela, il y aurait certainement des répercussions sur la politique intérieure.
Certains parlements locaux en Russie ont d'ores et déjà demandé la destitution de Poutine. En cas de mobilisation générale, il faudrait des semaines, voire des mois, pour que les forces nouvellement recrutées soient prêtes à intervenir. Il s'agirait certainement d'unités mal entraînées et inexpérimentées. Il est possible que d'ici là, des décisions importantes aient déjà été prises sur le champ de bataille.
De plus, en Russie, les hommes politiques ont toujours eu du mal à se maintenir au pouvoir lorsqu'ils perdent des guerres. Des actes de vengeance russes ont déjà eu lieu, comme le montrent les attaques brutales de missiles sur Kharkiv. Mais il faut désormais se demander si les Ukrainiens se laisseront entraîner dans des actes de vengeance contre des civils et des collaborateurs, dans les régions nouvellement reconquises?
Le moral des combattants est déterminant. Les Ukrainiens ont désormais naturellement «le dessus». Et tant que le ravitaillement occidental en armes et en munitions se maintient, ils ont de bonnes chances de vaincre les Russes.
La grande question est de savoir ce qu'il en est du moral des combattants russes dans le Donbass, et sur le front sud près de Kherson. Il est difficile d'imaginer que celui-ci n'ait pas été affecté par la défaite de Kharkiv. Les soldats russes sont par ailleurs largement coupés du ravitaillement à Kherson. Cela pèse aussi sur le moral.
Comment est-ce que la population et l'armée russes vont-elles gérer la défaite? Il y a déjà des accusations et de vives discussions. Mais plus les Ukrainiens s'enfoncent dans les zones occupées par la Russie, plus les voies de ravitaillement ukrainiennes s'allongent, et plus leurs flancs deviennent vulnérables.
Tout porte à croire que les Ukrainiens n'ont pas encore jeté toutes leurs forces dans la bataille, puisqu'ils sont pour l'instant bien plus nombreux que les Russes en Ukraine. Il est donc possible qu'ils soient en mesure de lancer une contre-offensive sur un troisième front. Si cela devait arriver, cela pourrait être fatal au corps expéditionnaire russe.