Il y a «une bonne chose» à retirer du scandale politique en Ukraine
Quelques jours après la révélation du scandale de corruption dans le secteur énergétique ukrainien, un sentiment domine: l’incertitude. A Kiev, les déclarations s’enchaînent sans cohérence, les responsabilités se rejettent d’un camp à l’autre, et chacun tente de sauver sa peau.
Les autorités d’enquête, elles, restent muettes. «No comment», indique le Bureau national anticorruption d'Ukraine (Nabu) lorsqu’on l’interroge. Pas de communication sur les investigations en cours.
De nombreuses questions en suspens
Et les zones d’ombre ne font que s’étendre. Comment le principal suspect, Timour Minditch, a-t-il pu s’enfuir, et surtout qui l'a prévenu? Que savait le président Volodymyr Zelensky? L’affaire se limite-t-elle aux opérations autour d’Energoatom ou le groupe disposait-il d’autres activités? Et quelle est l’ampleur du dommage politique déjà causé?
Pour Olexy Haran, professeur de sciences politiques à l’Université Mohyla de Kiev et directeur de recherche à la Democratic Initiatives Foundation, il y a tout de même du bon dans cette histoire.
Les investigations ont montré très clairement que «certains acteurs tentent de contrôler la Nabu», observe-t-il. Ces pressions auraient été largement documentées. L’affaire montre toutefois que l’agence continue de travailler de manière indépendante, malgré ces tentatives d’ingérence. «C’est une bonne chose», estime Olexy Haran. En outre, le scandale force la classe politique à réagir, et elle le fait.
Des conséquences jusqu'au sommet de l’Etat
Deux ministres ont déjà démissionné: l’ancienne ministre de l’Energie, Svitlana Hryntchouk, ainsi que son prédécesseur et plus récemment ministre de la Justice, Herman Halouchtchenko. Les deux ministres entretiennent vraisemblablement une relation, ce qui nourrit les soupçons de décisions coordonnées.
Le processus de nomination à la tête de l’opérateur public du réseau de gazoducs a également été suspendu sur ordre de la première ministre, Ioulia Svyrydenko. Sa poursuite n’est «pas prévue dans l’immédiat», a-t-elle expliqué. Une candidate sérieuse apparaît en effet dans les documents d’enquête de la Nabu.
La procédure ne reprendra qu’après un contrôle d’intégrité renforcé des postulants. La première ministre, ces derniers jours, est omniprésente.
Le président Volodymyr Zelensky, en revanche, se montre très réservé. Plusieurs éléments de l’affaire le mettent sous tension: son ancien partenaire commercial, Timour Minditch, est en fuite; Oleksy Tchernichov, autrefois intronisé en grande pompe comme vice-premier ministre et ministre de l’Unité nationale, est désormais suspecté.
D'importantes figures en fuite ou introuvables
Au cœur de ces ramifications se trouve la surveillance de la résidence d'un ancien proche de Zelensky, lui aussi en fuite et qui aurait coopéré avec les enquêteurs avant de quitter le pays: Gennady Bogolyoubov.
Son épouse, Emine Yaparova, a été proposée par Volodymyr Zelensky pour représenter l’Ukraine auprès des organisations internationales basées à Vienne. Mais les enquêtes visant son mari ont ensuite été révélées. Le couple a quitté l’Ukraine pour Vienne, et elle n’a jamais pris ses fonctions.
Timour Minditch s’est également réfugié à Vienne, tout comme Oleksy Tchernichov, qui possède à l’étranger de vastes intérêts commerciaux. Mais jeudi, le ministre de l'Unité nationale est réapparu à Kiev, peu après qu'on apprenne qu’il était officiellement considéré comme suspect. C’est le dernier rebondissement d’une affaire qui fera trembler la politique ukrainienne pendant encore longtemps.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder
