«Il vaut mieux mourir que d'être deuxième.» Cette citation est celle du leader tchétchène Ramzan Kadyrov. Cet homme de 46 ans, qui dirige seul le régime brutal de l'ancienne république soviétique de Tchétchénie et fait notamment persécuter et tuer les opposants et les homosexuels, se montre volontiers belliqueux et prêt à mourir.
Surnommé le «limier» ou le «chien sanguinaire» de Poutine, Kadyrov n'est pas un homme qui parle à voix basse. Il a affirmé pouvoir réussir avec ses soldats ce que les forces spéciales russes n'ont pas réussi à faire au début de l'invasion: prendre Kiev. Sa fanfaronnade de l'année dernière a été suivie d'une critique claire de la tactique de guerre russe.
Ce n'est pas Kiev, mais des parties du Donbass que les forces de sécurité tchétchènes de Kadyrov doivent désormais aider à prendre. C'est ce que rapporte le think tank américain Institute for the Study of War (ISW) dans son dernier rapport de situation. Selon ce document, le haut commandement russe aurait ordonné à Kadyrov et à ses hommes de se rendre à Bakhmout pour y prendre la place des mercenaires de Wagner en partance. La troupe de l'oligarque russe Evgueni Prigojine semble épuisée après des mois de combats autour de la ville.
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Kadyrov lui-même a confirmé l'information. Lui et ses soldats devraient aider à sécuriser la ligne de front de la région de Donetsk et mener des opérations offensives. Selon l'ISW, le dictateur tchétchène, qui se décrit également comme le «fantassin de Poutine», parle «d’opérations de combat actives» dans le but de «libérer différentes localités».
Les unités spéciales «Akhmat» et «Sever-Akhmat» (du nom du père de Kadyrov, Akhmat), créées après le début de la guerre en Ukraine, devraient également y participer et progresser en direction de la petite ville de Marïnka, au sud-ouest de Donetsk.
Parler de ville serait toutefois trop fort, car depuis la libération de Marïnka, dans l'oblast de Donetsk, par les troupes ukrainiennes en novembre 2022, la ville ressemble à un paysage de ruines postapocalyptique, un peu comme Bakhmout.
L'artillerie russe, en particulier, a littéralement pulvérisé la ville. Les mercenaires de Kadyrov doivent à présent reprendre Marïnka.
L'ancienne garde personnelle de Kadyrov est accusée de meurtre et de torture par les organisations de défense des droits de l'homme, mais la milice a été intégrée à l'armée russe en 2006 et fait depuis partie intégrante des troupes de Poutine. Officiellement, leur mission est de combattre les ennemis de l'intérieur. Toutefois, les Kadyrovtsy sont apparus en Ukraine dès l'invasion de la Crimée par la Russie. Ils ont également été actifs en Syrie à plusieurs reprises.
Le magazine militaire spécialisé Oryx qualifie les forces spéciales tchétchènes de «pompiers du front», car les Kadyrovtsy sont toujours appelés lorsqu'une intervention est particulièrement délicate. Les combattants islamiques sont considérés comme intrépides et extrêmement impitoyables, et ils ont recours à la guerre psychologique.
Les soldats tchétchènes aiment glorifier leurs actes sur des vidéos et les publier sur les médias sociaux, raison pour laquelle les Kadyrovtsy sont également surnommés la «brigade TikTok».
Sur son profil Telegram, Kadyrov a écrit que ses commandants avaient élaboré des plans pour conquérir certaines localités de la région de Donetsk. La région est désormais sous sa «responsabilité», s'est-il vanté.
Le dictateur aime se considérer comme un grand chef de guerre. Il se vante de sa fidélité au maître du Kremlin, Vladimir Poutine. «Nous sommes la troupe d'infanterie de Poutine», annonçait-il en 2014. Après tout, le dirigeant Poutine lui assure le pouvoir depuis de nombreuses années.
En contrepartie, Kadyrov réprime avec des méthodes brutales la population de l'ancienne république soviétique. Il a fait en sorte que les aspirations séparatistes en Tchétchénie soient étouffées et que Poutine n'ait pas à se soucier de ce foyer de crise de longue date dans le Caucase.
L'intervention des Kadyrovtsy pourrait toutefois conduire à une nouvelle querelle avec les généraux russes. En effet, tout comme le chef du groupe Wagner, Kadyrov est considéré comme un critique avéré du commandement militaire russe. Ainsi, après la contre-offensive réussie de l'Ukraine à l'automne 2022, il a exigé de Vladimir Poutine l'utilisation d'armes nucléaires tactiques.
«A mon avis, des mesures plus drastiques doivent être prises», a-t-il déclaré dans un message vidéo publié sur Telegram. Il faut mettre fin aux «jeux», a déclaré l'autocrate tchétchène.
En brandissant le sabre, il a fait part de ses revendications dans la lutte interne pour le pouvoir. Quelques jours plus tard, Poutine l'a nommé colonel général. Probablement pour calmer un peu les choses. Après cela, Kadyrov s'est fait plutôt discret. Jusqu'ici en tout cas.
Début mai déjà, l'homme de 46 ans s'était proposé au Kremlin pour prendre la place des mercenaires épuisés de Wagner en Ukraine. Une offre qui semble avoir convaincu Poutine. En revanche, cela ne devrait pas être une bonne nouvelle pour les troupes ukrainiennes.
Traduit et adapté par Noëline Flippe