C'est désormais officiel: les soldats ukrainiens ne se battent pas seulement dans la région frontalière russe de Koursk, mais aussi dans la province de Belgorod, plus au sud. «La guerre doit retourner d'où elle vient», a déclaré Volodymyr Zelensky lundi soir. Il a confirmé pour la première fois la présence de ses troupes dans cette région.
Le président ukrainien n'a pas donné de détails sur l'ampleur et les objectifs de cette offensive. Cela indique toutefois que les troupes de Kiev y donc ont encore l'initiative et que le commandement militaire ne veut pas divulguer d'informations sensibles à l'adversaire. Selon les experts, le nombre de soldats et de véhicules de combat déployés devrait néanmoins être nettement inférieur à celui de l'avancée vers Koursk en août 2024. Les Ukrainiens y avaient alors occupé temporairement environ 1000 kilomètres carrés de territoire russe.
Une nouvelle fois, l'armée ukrainienne vise probablement à occuper le plus de troupes russes possible loin du champ de bataille principal. Elle redoute visiblement une nouvelle offensive sur les régions de Soumy et de Kharkiv, qui jouxtent Koursk et Belgorod au nord-est du pays. Fin mars, les Ukrainiens ont dû repousser une attaque russe d'envergure au nord de la ville de Kharkiv. Ce n'était plus arrivé depuis longtemps.
L'opération des Ukrainiens à Belgorod ressemble à la dernière offensive à Koursk: les troupes y avaient empêché la formation de lignes de défense solides, en multipliant les embuscades. Les Ukrainiens ont ainsi éliminé environ 55 000 soldats russes à Koursk, selon leurs propres dires. A Belgorod également, ils auraient déjà réussi plusieurs jolis coups contre les troupes de Poutine.
Le blogueur russe Romanov a rapporté dimanche sur Telegram une avancée ukrainienne au sud-ouest du village de Popovka, juste à côté de la frontière. C'est là que les combats semblent se concentrer. Selon l'observateur, les assaillants ont réussi à déloger les unités russes de leurs positions défensives et à s'enfoncer de 600 mètres. Il affirmait aussi que les Ukrainiens auraient été encerclés lors d'une contre-attaque russe. Mais cela a été démenti par la vidéo montrant la joie d'une unité ukrainienne en 4x4.
L'attaque la plus spectaculaire reste toutefois probablement celle des Ukrainiens à Belgorod peu après leur percée de la mi-mars. Le 24 mars, une unité spéciale des forces armées a partagé des images montrant la destruction de quatre hélicoptères militaires russes pendant la nuit.
🚀HIMARS missiles with 180,000 tungsten carbide balls strike on the Russian military helicopters in the Belgorod region of Russia.
— Special Kherson Cat 🐈🇺🇦 (@bayraktar_1love) March 24, 2025
🚁Two Russian Ka-52 and two Mi-8 helicopters were targeted. https://t.co/hBtwruo5Lr pic.twitter.com/s7o6lIqkKg
Les appareils qui auraient été détruits seraient deux engins de combat de type Ka-52 et deux polyvalents de type Mi-8. Ils étaient stationnés en plein champ et constituaient apparemment des cibles faciles pour les Himars de l'armée ukrainienne. Pour l'attaque, ces derniers n'ont même pas eu besoin de franchir la frontière russe, ils ont pu tirer depuis le territoire ukrainien.
L'armée ukrainienne a par ailleurs manifestement repéré de nombreuses cibles à Belgorod. Des images récemment diffusées sur les médias sociaux montreraient par exemple une attaque de missiles contre un dépôt d'armes ou une offensive aérienne contre un poste de commandement russe. Sur une autre vidéo, on peut voir les explosions en grappe caractéristiques des attaques de Himars après une frappe contre des véhicules militaires russes dans une bande de forêt.
Une vidéo datant de début avril laisse en outre supposer que les troupes russes mobilisées à cet endroit n'ont pour l'instant pas trouvé de riposte efficace aux attaques ennemies. On y voit le dynamitage par les Russes d'un barrage près du village de Popovka.
L'objectif était apparemment de stopper les unités ukrainiennes ou du moins de les gêner dans leur progression. On ignore si cela a fonctionné. Les Russes auraient utilisé l'une de leurs plus grosses bombes, une arme glissante de type FAB-3000. L'onde de choc de l'explosion est en tout cas énorme:
Russia is having a problem stopping Ukrainian fighters in the Belgorod region of their own shithole, like all other places, so they tried to blow up their own dam with a FAB-3000, but failed at that too. pic.twitter.com/FXIr2o46M3
— Kvist (@kvistp) April 2, 2025
Et il y a un autre facteur qui complique les contre-attaques russes à Belgorod. «Cette zone est relativement isolée du reste de l'oblast», écrivaient récemment les experts militaires Christian Mölling et András Rácz dans une tribune pour la chaîne de télévision allemande ZDF.
Reste à savoir si l'avancée ukrainienne sert exclusivement des objectifs militaires. Le récent rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie pourrait également avoir un impact. Les premières analyses de blogueurs de guerre russes sur des attaques ukrainiennes à Belgorod datent du 18 mars, date à laquelle Poutine et Trump se sont appelés pour parler de la guerre. Déjà, lors de l'avancée vers Koursk, on entendait dire que Kiev voulait s'assurer un gage territorial pour d'éventuelles négociations avec Moscou.
Mais le chef du Kremlin est peu enclin à entamer des pourparlers de paix, ce qui amène à remettre en question l'utilité d'une telle garantie. Mölling et Rácz avancent une autre hypothèse:
Cela pourrait s'avérer nécessaire, car les Ukrainiens ont récemment eu fort à faire défensivement à Koursk. Ils ont dû abandonner de nombreuses positions.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)