International
ukraine

La Fondation suisse de déminage est active en Ukraine

Ces démineurs travaillent avec la Fondation suisse de déminage.
Nadia pose avec un missile russe qui n'a pas explosé. Cette native de Tchernihiv travaille pour la Fondation suisse de déminage.Image: fsd

Cette ONG suisse démine l'Ukraine

L'Ukraine serait le pays le plus miné au monde. Les engins antipersonnels et autres obus n'ayant pas explosé pullulent sur le territoire du pays de Zelensky. Une ONG suisse, active sur place, nous raconte son travail de déminage avec des locaux, alors que la guerre fait encore rage plus à l'est.
11.02.2023, 16:1216.02.2023, 09:13
Plus de «International»

Triste nouvelle et nouveau record pour l'Ukraine: le pays serait désormais l'un des plus minés de la planète. Selon Sky News, qui a interrogé l'organisation non gouvernementale (ONG) Mine advisory group, près de 40% de l'Ukraine serait truffé de mines, soit l'équivalent de la superficie du Royaume-Uni. Le ministère de l'Intérieur ukrainien n'hésite pas à dire que le pays est «le plus miné au monde».

Il y a une semaine, Human rights watch mettait notamment en garde contre l'utilisation massive de mines papillon, ces engins antipersonnel pouvant être largués à grande échelle depuis les airs et ne nécessitant pas d'être enterrées. Nombre d'entre elles ont été retrouvées autour de la ville libérée d'Izioum et plus d'une dizaine de victimes sont déjà à dénombrer dans cette zone. Si la Russie est particulièrement pointée du doigt, Kiev aurait aussi utilisé ces engins.

Notre commentaire sur les mines en Ukraine 👇

Début janvier, les autorités ukrainiennes alertaient sur le danger croissant posé par les mines antipersonnel, notamment dans les zones anciennement contrôlées par l'armée russe. Les autorités avaient alors émis une vidéo:

Conventions de Genève et d'Ottawa
Pour le droit international et les Conventions de Genève, un des critères définissant la légalité ou non d'une action militaire est la capacité de pouvoir distinguer les civils des militaires quand une arme est utilisée. Les mines, le gaz ou les bombes à sous-munitions touchent de manière indifférenciée civils et militaires.

L'interdiction des mines dans des conflits inter-étatiques a été formellement appliquée avec la Convention d'Ottawa, en 1997. Celle-ci a été ratifiée par la Suisse et de nombreux pays, mais pas les Etats-Unis, ni la Chine... ou la Russie.

Travailler avec des locaux

Dmytro et Nadia travaillent tous les deux comme démineurs dans la région de Tchernihiv, au nord du pays. Ces locaux ont été engagés et formés par la Fondation suisse de déminage (FSD), une ONG basée à Genève. Depuis l'été dernier, ils chassent les mines et obus non explosés avec leurs détecteurs de métaux.

Ces démineurs travaillent avec la Fondation suisse de déminage.
Dmytro en tenue complète, avec son détecteur de métaux.Image: fsd

La FSD est active dans de nombreux pays, notamment l'Afghanistan, l'Irak, la Colombie. Désormais, l'Ukraine occupe une grande partie de ses forces. Sa méthode? Engager et former des locaux qui connaissent bien le terrain pour détecter, voire désamorcer les appareils explosifs.

Tchernihiv est l'une des trois villes autour de laquelle l'ONG travaille, avec Kharkiv et Izioum, libérées au début de la contre-offensive ukrainienne, en septembre dernier.

Une partie importante des obus n'explose pas

L'activité de Nadia et Dmytro est divisée en trois catégories: nettoyage de champs de mines, de zones de combat et une équipe de déploiement rapide. Parfois, ils partent travailler sur une zone délimitée. Parfois, un objet suspect a été repéré et ils ont pour mission de l'évaluer. S'il s'agit d'un «explosif simple», ils peuvent le déterrer et le ramener.

Les mines, un fléau
Selon l'ONG Mine advisory group, entre 2014 et 2020, pas loin de 1200 civils auraient perdu la vie en Ukraine en marchant sur une mine. Le Monde explique qu'en 2019 déjà, alors que l'intensité de la guerre dans le Donbass n'était pas comparable au conflit actuel, l'Ukraine était un des cinq pays où les mines avaient fait le plus de victimes, après l'Afghanistan (près de 1500 victimes, loin devant les autres pays), le Mali (345), mais avant le Yémen (248) et le Nigeria (239).

Car les mines ne sont, en Ukraine, qu'une partie du travail. La plupart des dangers sont des obus n'ayant pas explosé. Alex van Roy, directeur adjoint des opérations pour la FSD, explique:

«On estime qu'entre 10 et 20% des obus tirés n'explosent pas à l'impact»
Alex van Roy, Fondation suisse de déminage

Si ceux-ci peuvent s'enterrer sous le sol, mais aussi rester coincés, en zone urbaine, dans des débris ou même une zone résidentielle, pouvant sauter à tout moment. «Quand un obus s'est planté au sol, on ne voit des fois que son aileron qui dépasse», nous indiquent les démineurs. Il faut alors aller estimer si l'objet est encore dangereux ou non pour décider de la suite des opérations.

Dmytro prépare son matériel à côté d'un champ de mines d'entraînement.
Dmytro prépare son matériel à côté d'un champ de mines d'entraînement.Image: fsd

Durant l'hiver, le sol est gelé et avec la neige, il est difficile de travailler efficacement au déminage. Le nombre d'engagements est alors limité et l'équipe s'entraîne pour mieux travailler au printemps, lorsque les sols seront à nouveau excavables.

D'anciens militaires étrangers actifs au sein de l'ONG

Dmytro et Nadia agissent prudemment, en fonction des risques potentiels. Si l'objet est considéré comme trop dangereux, les locaux n'ont alors pas l'expérience requise.

«Nos équipes sont disposées comme suit: un chef d'équipe qui coordonne les opérations, des locaux qui détectent et s'occupent des explosifs simples, et des opérateurs spécialisés qui s'occupent des explosifs compliqués.»
Alex van Roy, Fondation suisse de déminage

La plupart du temps, l'équipe spécialisée évacue l'objet explosif puis le transporte jusqu'à un site de démolition où il est détruit. Quand il est impossible de transporter l'engin, elle le fait sauter sur place. Une méthode aussi utilisée par les polices du monde entier, en présence d'un colis suspect, par exemple dans une gare ou un aéroport.

Dmytro et un spécialiste américain évacuent un obus.
Dmytro et un spécialiste américain évacuent un obus.Image: fsd

Ces spécialistes sont notamment d'anciens militaires étrangers, souvent occidentaux, qui ont développé leurs compétences durant des années. «Certains ont 15 ou 20 ans d'expérience», précise Alex van Roy.

Dmytro explique connaître tous les types d'explosifs qu'il croise. Un sacré plus pour estimer le danger que représente un obus non-explosé:

«La première fois que j'ai traité un obus, je me souviens, c'était un de 152mm»
Dmytro, démineur

«Je n'ai pas eu peur, la première fois»

Si le jeune homme indique avoir été impressionné lors de son premier engagement, ce n'est pas le cas de Nadia. «J'avais déjà l'habitude», assure-t-elle. Car pour la native de Tchernihiv, le début de la guerre a été brutal. Lors des premiers jours de l'invasion, la ville, située entre la frontière biélorusse et Kiev, est une des premières à être attaquée.

Ces démineurs ukrainiens travaillent avec la Fondation suisse de déminage.
image: fsd

Nadia avait emménagé avec son mari dans un appartement tout neuf, trois mois avant le début de l'agression. Lors de celle-ci, plusieurs frappes touchent son immeuble ainsi que son logement et font sauter les vitres de son foyer. «Il y avait des éclats d'obus jusque dans le réfrigérateur.» Elle est forcée de se terrer ailleurs dans la ville, dans les sous-sol. Quand elle en ressort, c'est pour retrouver des endroits chargés en souvenirs, détruits par l'artillerie russe.

«S'il y a une année, quelqu'un m'avait dit que je travaillerais comme démineuse, je ne l'aurais pas cru»
Nadia

Travailler avec des locaux coule de source, pour la FSD: «Ils se sentent investis et s'engagent pour rendre plus sûr l'endroit d'où ils viennent», nous explique la fondation. Un sentiment d'enracinement qui se mêle à l'utilité:

«Je fais la différence sur le terrain»
Nadia

Aller récupérer les obus dans des chars

Dmytro est également engagé avec l'équipe de déminage à haut risque. Elle s'aventure dans les bâtiments, mais aussi pour aller vérifier des véhicules, d'anciennes positions militaires ou des tranchées. Car les obus non explosés se trouvent n'importe où:

«Lorsque des chars sont détruits ou abandonnés, nous allons vérifier s'il reste des obus dans le canon ou dans le réservoir à munitions»
Alex van Roy, Fondation suisse de déminage
La zone autour du char doit aussi être évaluée.
La zone autour du char doit aussi être évaluée.Image: fsd

Certaines opérations sont encore plus complexes. Par exemple, de nombreux chars modernes disposent d'un blindage réactif explosif, pour se défendre contre les roquettes ennemies. Cette «armure» disposée dans le blindage des chars explose vers l'extérieur quand un missile est sur le point de le toucher.

Au final, le nombre d'objets explosifs traités peut fortement varier d'une semaine à l'autre. Plusieurs dizaines d'engins peuvent être neutralisés en une semaine. Parfois, un jour entier peut être nécessaire pour excaver une seule mine.

Pas d'autorisation pour déminer en Russie

Alex van Roy tient à rappeler fermement que la Fondation suisse de déminage est neutre et s'engage auprès de toutes les parties qui en ont besoin. Si le fait de travailler avec des Ukrainiens de la région est un avantage certain, pas question de prendre parti dans le déroulement de la guerre.

«Nous travaillons en Ukraine, car Kiev nous permet de venir déminer sur son sol, mais nous ne prenons pas parti», tient à préciser l'expert.

«Moscou ne veut pas des ONG occidentales dans les zones militaires contrôlées par la Russie, mais si les choses changent un jour, nous irons aussi y travailler»
Alex van Roy, Fondation suisse de déminage

Des pays comme le Vietnam ou le Cambodge sont encore en phase de déminage, cinquante ans après la fin de la guerre qui les a touché. Le territoire ukrainien est, lui aussi, condamné à voir son sol de plus en plus pourri par les mines et les obus non explosés, au fur et à mesure que la guerre se prolongera.

En Ukraine, les voitures slaloment entre les mines
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Voici le pays qui a les autoroutes les plus meurtrières d'Europe
Les autoroutes suisses sont très sûres en comparaison européenne. A quoi cela est-il dû? Quelles sont les autoroutes les plus dangereuses? Voici ce que vous devez savoir.

Les autoroutes les plus sûres d'Europe se trouvent en Suède, et de loin. Dans la comparaison européenne du nombre de morts sur les autoroutes, la Suisse, quant à elle, est une très bonne élève: elle a le troisième réseau autoroutier le plus sûr du continent. C'est ce que rapporte le site web Statista. Selon le rapport de l'European Road Safety Observatory, environ 13 automobilistes meurent chaque année sur 1000 kilomètres du réseau autoroutier suisse. A titre de comparaison, la moyenne européenne est d'environ 18 morts pour 1000 kilomètres.

L’article