Rien ne va plus au Soudan. Plusieurs jours après le début des combats entre deux généraux rivaux, la situation reste chaotique dans la capitale Khartoum. Selon les Nations unies, au moins 270 personnes ont perdu la vie et plus de 2600 ont été blessées.
Mardi, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a fait savoir qu'un convoi de véhicules diplomatiques américains avait été pris pour cible. Il a dénoncé une attaque «imprudente» et «irresponsable» et a fait part de sa crainte concernant le personnel américain sur place. Personne n'a toutefois été blessé.
Il en va autrement pour le chef du bureau de la direction générale de l'aide humanitaire et de la protection civile (ECHO) de Khartoum. Ce collaborateur de la Commission européenne, d'origine belge et en poste depuis 2019, a été blessé par balle. Aucune autre information sur son état de santé n'a été donnée.
Lundi soir, le Haut représentant de l'Union européenne (UE) pour les affaires étrangères, Josep Borrell, a annoncé que l'ambassadeur de l'UE au Soudan, le diplomate irlandais Aidan O'Hara, a été attaqué chez lui. Des hommes armés et en uniforme ont pris d'assaut sa résidence et l'ont mise à sac. On ne sait pas qui est à l'origine de l'attaque et celle-ci était ciblée. Selon une porte-parole, l'ambassadeur poursuit pour l'instant son travail.
L'UE a appelé mercredi les parties à mettre fin à la violence et appelle en particulier tous les «acteurs extérieurs» à ne pas attiser davantage le conflit. La situation sécuritaire et une éventuelle évacuation sont évaluées en permanence.
Mais d'autres acteurs internationaux, moins recommandables, jouent également un rôle important au Soudan. Et pas des moindres: les mercenaires du groupe Wagner, cette milice paramilitaire active aux côtés des troupes de Poutine en Ukraine, mais aussi dans de nombreux pays africain, sont actifs au Soudan.
Les combattants de l'armée privée d'Evguéni Prigojine sont présents au Soudan depuis des années. Ils sont impliqués dans le business de l'extraction d'or et soutiennent le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit «Hemeti», qui se rebelle aujourd'hui contre l'armée régulière d'Abdel Fattah al-Burhan.
Le deal est simple: les combattants des «Rapid Support Forces» (RSF) de Hemeti ont reçu une formation et des armes de la part de Wagner. En contrepartie, il leur a ouvert les mines d'or soudanaises. Hemeti a déjà été plusieurs fois l'invité politique du Kremlin. Hasard du calendrier, il s'y trouvait le 22 février 2022, le jour de l'invasion russe de l'Ukraine.
Avec sa RSF forte d'environ 100 000 hommes, le seigneur de guerre avait déjà joué un rôle central dans la guerre civile au Darfour, commencée en 2003. Le dictateur du pays Omar el-Bechir, démis en 2019, est soupçonné d'avoir fomenté un génocide dans cette région du Soudan.
Le chef de Wagner, Evgueni Prigojine, nie pour autant catégoriquement toute implication de ses soldats dans le conflit au Soudan.
Néanmoins, les rumeurs sur les activités du groupe Wagner persistent. Selon Ashok Swain, directeur du centre de recherche sur la paix et les conflits de l'université d'Uppsala en Suède, il est «très probable» que des mercenaires de Wagner participent à la lutte politique au Soudan. Il s'agit pour eux de préserver leurs intérêts commerciaux et ils auraient un grand intérêt à savoir qui gagnera la lutte pour le pouvoir, a récemment déclaré Ashok Swain à la chaîne de télévision qatarienne Al Jazeera.
Le Soudan est loin d'être le seul pays africain dans lequel Wagner s'est déployé. Les troupes de Wagner sont présentes dans plus d'une douzaine de pays africains. Notamment en République centrafricaine, au Mali mais aussi en Libye, où elles soutiennent le général dissident Khalifa Haftar.
Dernièrement, le gouvernement italien a même émis l'hypothèse que Wagner encouragerait de manière ciblée les flux migratoires d'Afrique du Nord vers la Méditérannée pour déstabiliser l'Europe occidentale.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder