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Condamné, ce néonazi change de sexe à la dernière minute

Marla-Svenja Liebich, extrémiste de droite notoire, attend devant une salle du tribunal régional. Elle est là pour un procès en appel pour coups et blessures graves.
Marla-Svenja Liebich, extrémiste de droite notoire, attend devant une salle du tribunal régional. Elle est là pour un procès en appel pour coups et blessures graves.Image: Sebastian Willnow / DPA

Un néonazi devient une femme pour «ridiculiser l'Allemagne»

En Allemagne, Marla-Svenja Liebich a été condamnée à la prison pour incitation à la haine raciale, diffamation et injure. Ce néonazi a changé de genre pour pouvoir intégrer une prison pour femmes. De quoi enflammer le pays.
27.08.2025, 11:5127.08.2025, 11:51
Natasha Hähni / ch media
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Sur les réseaux sociaux, une image générée par l'IA invite à «Aider Marla». Marla-Svenja Liebich y est représentée avec son chapeau et sa moustache derrière les barreaux. Pour la soutenir «en tôle», on peut choisir parmi «une offre vaste et colorée» d'articles issus de sa boutique.

L'image partagée sur X par Marla Svenja Liebich.
L'image partagée sur X par Marla Svenja Liebich.Image: X

La condamnée enflamme l'Allemagne et doit bientôt purger sa peine pour incitation à la haine raciale, diffamation et insultes. Elle sera incarcérée dans une prison pour femmes. Pourtant, jusqu'à fin 2024, Marla-Svenja s'appelait encore Sven et était un visage connu des milieux d'extrême droite.

Une affaire rocambolesque qu'on vous raconte en cinq points:

Que s'est-il passé?

Juillet 2023: Marla-Svenja Liebich, qui portait encore son prénom masculin, était condamnée à un an et demi de prison pour incitation à la haine raciale, diffamation et injure. L'appel et la révision qui ont suivi ont été rejetés. Le jugement est alors entré en force.

Novembre 2024: Liebich change de genre. En Allemagne, cela est possible depuis le 1er novembre de cette même année, y compris sans expertise psychiatrique. La nouvelle loi sur l'autodétermination visant à protéger les personnes transgenres est désormais en vigueur. On se demande alors si Liebich doit être enfermée dans une prison pour femmes ou pour hommes.

Liebich veut-elle vraiment devenir femme?

Durant son procès, l'accusée a posé un rouge à lèvres et un vernis à ongles bien en évidence sur la table de la salle d'audience. De temps en temps, elle se remaquille. Sur les réseaux sociaux, elle a partagé sa nouvelle carte d'identité, entre autres. Sur sa photo, elle ne porte pas de rouge à lèvres, mais un tichel, le foulard que des femmes mariées orthodoxes et ultraorthodoxes portent.

Les flacons de maquillages, bien mis en évidence.
Les flacons de maquillages, bien mis en évidence.Image: Keystone

Elle l'arbore «non pas pour le look, mais par conviction religieuse. Sans quoi, cette photo n'aurait pas été autorisée», explique-t-elle.

Selon elle, l'accuser de simuler sa foi est une «diffamation ayant des conséquences juridiques». Elle applique la même stratégie concernant son changement de genre. Marla-Svenja Liebich a engagé des poursuites judiciaires contre les médias qui continuaient à utiliser des pronoms masculins. Son avocat a également exigé du magazine allemand Spiegel des indemnités pour tort moral.

Liebich a par ailleurs publié une capture d'écran de sa boîte mail. Elle commente:

«Le Spiegel et ses rédacteurs ont été dénoncés, Sophie Koch (SPD), chargée des questions LGBT, a été poursuivie en justice et une plainte pénale a été déposée. Une plainte disciplinaire a été déposée auprès du ministère de la Famille. L'Agence fédérale de lutte contre la discrimination a été informée.»

Elle ajoute les deux hashtags pour terminer sa déclaration; #Free Marla et #Rechtsstaat (Etat de droit).

Qui était Sven Liebich?

Avant que Marla-Svenja ne prenne conscience de sa religion et de son identité sexuelle, elle s'était fait un nom dans les milieux d'extrême droite sous le nom de Sven Liebich. Dans sa boutique virtuelle, il vendait notamment des étoiles juives avec des inscriptions comme «non vacciné» (pendant la pandémie de Covid), «conducteur diesel» ou «sympathisant de l'AfD».

Sven Liebich lors d'une manifestation à Chemnitz, dans l'est de l'Allemagne, en 2018.
Sven Liebich lors d'une manifestation à Chemnitz, dans l'est de l'Allemagne, en 2018.Image: AFP

Durant la pandémie, il comparait souvent Angela Merkel à Adolf Hitler. On l'a vu dans une manifestation vêtu d'une veste avec l'inscription «Merkel-Jugend» (les jeunesses de Merkel).

Le catalogue de Liebich ne contient bien sûr pas que des articles antisémites. On trouve aussi des t-shirts homophobes et explicitement transphobes. Sur l'un d'eux, un drapeau arc-en-ciel barré et un pictogramme de femme repoussant un autre pictogramme de femme avec un pénis. Le tout accompagné du slogan «La tolérance a des limites».

Un exemple de ce que l'on peut trouver sur Amazon.
Un exemple de ce que l'on peut trouver sur Amazon.Image: Capture watson / Amazon

Les médias et la classe politique réagissent

L'affaire a fait grand bruit bien au-delà des frontières allemandes. Le Washington Post ou la BBC ont évoqué le placement de Liebich dans une prison pour femmes et le débat plus large sur les risques liés à la loi sur l'autodétermination.

En Allemagne, le ministre de l'Intérieur, Alexander Dobrindt (CSU), a déclaré que l'affaire Liebich était un exemple «d'abus très simple de la loi sur l'autodétermination». Il a ajouté dans une interview au magazine Stern qu'il fallait des règles claires pour lutter contre ce type d'abus:

«On le constate ici, la loi sur l'autodétermination offre la possibilité de ridiculiser la justice, l'opinion publique et la politique»

La loi ne sera évaluée qu'en 2026. Les groupes parlementaires de l'Union (réd: CDU et CSU) demandent désormais d'avancer cette procédure.

La porte-parole des Verts pour la politique queer, Nyke Slawik, s'est clairement prononcée mardi contre cette requête. Elle explique au magazine Spiegel:

«Vouloir restreindre de manière générale les droits fondamentaux des personnes trans, intersexes et non binaires à cause d'un individu qui a peut-être abusé de la loi sur l'autodétermination serait à la fois populiste et horrible.»

Que va-t-il se passer maintenant?

On ne sait toujours pas où Svenja-Marla Liebich purgera sa peine. Selon le ministère de la Justice de Saxe, la première convocation dans un établissement pénitentiaire pour femmes n'est pas encore définitive.

Les cas particuliers doivent faire l'objet d'un examen approfondi et en cas de doute, il est possible de demander un avis médical ou psychologique, comme l'expliquent les autorités. De quoi de protéger les codétenues et les personnes concernées. Liebich s'est déjà prononcée contre les expertises sur X:

«Je viens d'envoyer ma directive anticipée à la prison de Chemnitz, à titre préventif. Je tiens à préciser d'emblée: pas d'expertise psychologique, pas de mesures coercitives sans consentement. Ainsi, je n'oublierai rien une fois à l'intérieur, tout est réglé.»

Adaptation française: Valentine Zenker

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Manifestation pour les droits des personnes transgenres, aux Etats-Unis.
source: shutterstock / shutterstock
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