TikTok est-il en train de se transformer en plateforme pour films et séries? Peut-être, mais il n'est pas encore question de remplacer Netflix et cie. Le 3 octobre, les studios de la Paramount Pictures ont décidé d'amorcer un coup marketing sur TikTok en publiant gratuitement un film: Lolita malgré moi (Mean Girls) de Mark Waters.
De manière moins légale, d'autres films sont disponibles, comme Adaline (The Age of Adaline) avec Blake Lively et Harrison Ford; BRisé, avec John Boyega, sorti en 2022 aux Etats-Unis et découpé en 10 parties. Ces œuvres prennent place sur plusieurs comptes dédiés aux amoureux du cinéma.
Des séries sont, elles aussi, diffusées (en masse) de manière illégale, par exemple Malcolm ou encore Desperate Houswives.
Les utilisateurs de la plateforme chinoise raffolent de ces œuvres découpées en plusieurs parties. Une méthode intéressante, qui permet d'attirer les aficionados de l'application, qui découvrent un bout de film par hasard avant de le faire défiler jusqu'à la fin. Le procédé a toutefois ses défauts: l'intrigue est bafouée par le désordre d'une publication morcelée et certains segments peuvent carrément manquer à l'appel.
Contrairement à Youtube qui applique une politique intransigeante concernant les droits d'auteur, TikTok peine à freiner les téléchargements illicites. Il faut dire que la plateforme fait face à un volume très important de contenus à modérer.
Pour reprendre la main, certains studios de production diffusent désormais eux-mêmes leurs contenus sur leur compte TikTok. Et l'opération n'est pas innocente, elle permet aux géants du cinéma d'en apprendre beaucoup sur les spectateurs.
En effet, la plateforme chinoise est à présent un bon baromètre pour mesurer l'impact de certaines scènes, pour savoir combien de personnes ont poursuivi la lecture ou se sont arrêtées là.
L'utilisateur est pris comme cobaye afin de sonder ses préférences. A l'image des studios Pixar qui pratiquent des séances test avec leurs films en post-production, TikTok est un laboratoire, voire un immense terrain de jeu pour les producteurs.
La plateforme Quibi, fondée par Jeffrey Katzenberg, un ancien patron de Disney, et Meg Whitman, a voulu appliquer la formule TikTok au septième art. Des séries aux épisodes de dix minutes, qui s'empilent et vous collent le nez sur votre écran de téléphone.
Annoncée en grande pompe, l'application a vu ses économies partir en fumée après les dégâts engendrés par la pandémie de Covid; les abonnés ont opté pour des contenus plus longs et des plateformes dites classiques - Netflix, Prime, Apple TV+...
Six mois plus tard, Quibi baissait les bras et quémandait pour revendre ses productions au plus offrant. C'est The Roku Channel qui a avalé la plateforme et ses contenus.
«Nous avions en tête de créer la nouvelle génération de formats narratifs», confiait Meg Whitman. Pour donner un exemple, la série Most Dangerous Game (avec Christoph Waltz et Liam Hemsworth) s'avançait comme une production phare de la plateforme, avant d'être rachetée par Prime. La plateforme a rassemblé les pièces du puzzle pour en faire un film de deux heures.
Cette tentative d'aller chercher un nouveau public dessine une autre tendance en parallèle: la mème-ification des films. Neil Shyminsky, spécialiste canadien de la culture pop, s'est prononcé sur Radio Canada, s'interrogeant sur l'avenir du cinéma:
Un premier élément de réponse pourrait venir du succès du film français Le Consentement. L'adaptation du roman à succès de Vanessa Springora avait entamé sa carrière dans les salles timidement durant la première semaine. Ce n'est qu'en deuxième semaine que le public a afflué. Derrière cette vague populaire, des adolescentes qui ont partagé massivement des images du métrage de Vanessa Filho, se filmant et partageant des vidéos sur leur compte TikTok. Le réseau social a déjoué les pronostics et peut-être lancé une nouvelle forme de marketing pour les films et les salles de cinéma.