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Qui aide les enfants des parents qui se suicident

La mère de Silvan s'est donné la mort: qui aide ces orphelins en Suisse?

Les enfants touchés par le suicide n’ont souvent pas d’endroit où se concentrer sur leur deuil.
Les enfants touchés par le suicide n’ont souvent pas d’endroit où se concentrer sur leur deuil.Image: imago/watson
On estime qu'entre 2000 et 3000 enfants perdent chaque année une personne proche par suicide. Pour eux, il existe désormais un groupe d'entraide. C'est ce qu'aurait également souhaité Silvan.
15.09.2024, 20:1415.09.2024, 20:44
Annika Bangerter / ch media
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Silvan* était en train de colorier la lettre «E» lorsqu'il a appris le décès de sa mère. Il était en première année primaire. C'est sa belle-mère qui le lui a annoncé. Elle ne lui a pas dit que sa mère s'était suicidée. Son père aussi a gardé le silence. Pendant des années. Ce n'est qu'au cours d'une violente dispute que celui-ci a fini par l'en informer. Silvan avait alors déjà 21 ans.

Toute sa vie avait été marquée par le poids du silence. Ce n'est que lentement qu'il a compris pourquoi personne n'avait jamais parlé de la maladie de sa mère. Pourquoi les questions sur sa mort étaient parfois restées sans réponse. Et pourquoi son frère et lui n'avaient pas assisté à ses funérailles.

Silvan n'a passé que peu de temps avec sa mère. Après sa naissance, elle a souffert d'une dépression postnatale et a passé neuf mois dans une clinique. Lorsque Silvan avait trois ans, ses parents se sont séparés. Lui et son frère aîné sont restés avec leur père, tandis que leur mère est retournée vivre dans la maison familiale.

Vous vous inquiétez pour vous ou l'un de vos proches?
Parlez-en et faites-vous aider 24 heures sur 24, c'est confidentiel et gratuit:
La Main Tendue (adultes, 24/7) au 143
Pro Juventute (jeunes, 24/7) au 147
Urgences médicales au 144
stopsuicide.ch

Les contacts se limitaient aux vacances scolaires et aux jours fériés. Elle ne pouvait pas s'occuper seule de ses enfants, une tierce personne était donc toujours présente. Lorsque sa mère a mis fin à ses jours, le quotidien de Silvan n'a pas beaucoup changé au premier abord.

«Je n'ai réalisé que plus tard l'importance de son suicide dans ma vie»
Silvan

En Suisse, entre deux et trois personnes se suicident chaque jour. Parmi elles, des mères et des pères qui laissent leurs enfants derrière eux. Mais aussi des grands-mères et des grands-pères, des oncles et des tantes. «Nous estimons que chaque année, 2000 à 3000 enfants perdent une personne proche à la suite d'un suicide», explique Jörg Weisshaupt. Il est co-directeur de l'association Trauernetz, qui s'occupe notamment des survivants avec le groupe d'entraide appelé «Nebelmeer».

Pour la première fois, il existe un groupe pour les enfants touchés de près ou de loin par le suicide, fondé en avril. örg Weisshaupt explique:

«Leurs proches sont sous le choc. L'entourage n'est souvent pas en mesure de gérer le deuil complexe que provoque un suicide. Les adultes sont dépassés dans leurs rapports avec les enfants et les adolescents, car ils veulent souvent les protéger.»

Certes, le suicide n'est plus aussi stigmatisé aujourd'hui qu'il y a une trentaine d'années, lorsque la mère de Silvan s'est donné la mort. «Mais aujourd'hui encore, les proches constatent que de nombreuses personnes se taisent par peur de dire quelque chose de mal. Certains sont confrontés à des questions accusatrices. Au milieu de cette impuissance et de cette détresse: les enfants. C'est justement eux qui manquent souvent d'un lieu où l'on s'occupe exclusivement de leur deuil», explique le professionnel.

Apprendre à mettre des mots sur l'indicible

Avec l'accompagnatrice de deuil Caroline Ruckstuhl, Jörg Weisshaupt organise toutes les deux semaines une rencontre. Pendant que la spécialiste du deuil s'occupe des enfants, le codirecteur de l'association se tourne vers leurs accompagnateurs dans une pièce voisine.

Pour les enfants, chaque réunion commence de la même manière. Ils s'assoient en cercle et allument l'un après l'autre une bougie pour la personne décédée. Caroline Ruckstuhl dit alors: «Je suis Caroline et j'allume la bougie pour mon papa». Son père s'est suicidé lors d'un épisode psychotique lorsqu'elle avait 17 ans. Les enfants le savent, ils peuvent tout lui demander à ce sujet.

Contacts pour les personnes dont un proche s’est donné la mort
AS’TRAME GE - Fondation proposant un soutien psychologique et un accompagnement en cas de rupture de lien: www.astrame.ch
FONDATION ARC-EN-CIEL - Groupe d’entraide et activités pour les parents, frères et soeurs ayant perdu un enfant: www.verein-regenbogen.ch

Elle veut créer un espace où la mort et le deuil ont leur place. Les enfants peuvent également parler de la violence qui caractérise un suicide. «Cela soulève des questions supplémentaires, comme celle de la culpabilité personnelle», explique Caroline Ruckstuhl:

«Les enfants se cherchent rapidement un comportement fautif. Il est donc essentiel de leur expliquer qu'ils ne portent absolument aucune responsabilité dans le suicide.»

Elle aborde le deuil des petits avec précaution. Par exemple, avec un jeu de cartes qui propose des questions telles que: «Rêves-tu de la personne qui est décédée?» ou «Quand penses-tu à la personne décédée et quand n'y penses-tu pas?». D'autres fois, elle demande aux enfants d'entourer mutuellement leur corps avec des crayons de couleur, afin de dessiner plus tard à quel endroit du corps ils ressentent quelles émotions et où la douleur brûle.

«Parfois, les enfants commencent à dessiner quelque chose de complètement différent, pour demander au bout de 15 minutes: comment ton papa s'est-il tué?», relate-t-elle. Ceux qui ne veulent pas participer à ces exercices peuvent se retirer dans l'atelier de peinture de son partenaire Vincenzo Feraco.

Dans le groupe, les enfants apprennent que d'autres vivent la même chose qu'eux. Les plus âgés, en particulier, ne parlent souvent pas de leur perte avec leurs camarades à l'école. Cela parce qu'ils ne veulent pas être différents, explique-t-elle. Dans son atelier, les enfants peuvent pleurer, rire et même crier leur colère elle précise:

«L'important est qu'ils prennent conscience de leurs sentiments et qu'ils apprennent à mettre des mots sur ce qui leur arrive, afin de pouvoir un jour intégrer l'inconcevable dans leur vie.»

Aucun tabou n'a sa place

Dans le cas précis de Silvan, à l'école, personne ne lui a parlé de la mort de sa mère. Il ne sait même pas si son père a informé l'enseignante à l'époque. Lorsque Silvan a atteint la puberté, il a commencé à se sentir de plus en plus différent de ses camarades de classe. Etranger parce qu'au lieu d'une mère, il n'y avait que le silence autour de lui. «Pendant des années, le processus de deuil a été empêché. Par conséquent, ma vie menaçait souvent de s'effondrer», raconte-t-il. De graves dépressions ont marqué ses années d'adolescence.

Aujourd'hui, il accompagne lui-même professionnellement des personnes se trouvant dans des situations de crise. Il est père de deux enfants et a appris à gérer ses schémas dépressifs. Avec ses enfants, il parle ouvertement du suicide de leur grand-mère:

«Je n'ai jamais essayé de cacher le suicide à mes enfants. J'ai moi-même fait l'expérience du mal que m'a causé le tabou»

C'est ce que confirment Caroline Ruckstuhl et Jörg Weisshaupt. Vouloir ménager les enfants pour des raisons prétendument bien intentionnées n'est pas la bonne issue. «Les enfants posent des questions. Si l'on dit par exemple que leur papa est décédé dans un accident de voiture, les enfants veulent savoir: A-t-il beaucoup saigné et de quelles blessures est-il mort?», explique Caroline Ruckstuhl. Il en résulte un tissu de mensonges qui s'effondre tôt ou tard. Cela s'accompagne d'une grande perte de confiance.

C'est pourquoi Jörg Weisshaupt affirme: «On ne peut pas se tromper en répondant aux questions des enfants». Il est seulement important de ne pas les confronter à des connaissances détaillées. Le suicide peut être expliqué aux jeunes enfants avec des mots simples - comme «Papa a fait en sorte que son cœur ne batte plus». S'ils posent des questions, il faut répondre honnêtement. Même si cela concerne des détails sur la méthode ou le lieu du décès.

La vérité implique aussi d'assumer son propre deuil. On essaie souvent de le cacher aux enfants. Mais cela ne les épargne pas, au contraire, dit Jörg Weisshaupt: «Les enfants utilisent alors la même stratégie d'évitement: ils ne parlent pas non plus de leurs sentiments.»

*Prénom d'emprunt

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