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Grève des femmes 2024: elles ne portent pas de soutien-gorge

Le mouvement «no bra», soit le fait de ne plus porter de soutien-gorge, a été popularisé dans les années 2010.
Le phénomène «no bra», soit le fait de ne plus porter de soutien-gorge, a été fortement popularisé dans les années 2010. (Image d'illustration)Image: watson/getty

Ces Romandes ne portent pas de soutien-gorge: «C'est juste des seins»

A l’occasion de la grève féministe de ce vendredi 14 juin, nous nous sommes interrogés sur le phénomène «no bra». Un choix que Raissa, Margaux et Constance ont fait depuis longtemps et qui soulève de nombreuses questions. Témoignages.
14.06.2024, 16:0214.06.2024, 18:14
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«C'est plus pratique, ça tient moins chaud. En vrai, c'est la simplicité et la flemme qui dictent mes pas.» Pour Margaux, 32 ans, le fait de ne de plus porter de soutien-gorge n'est pas une «rébellion contre la société», mais un choix qui a été fait le jour où elle s'est rendu compte qu'elle se sentait simplement plus à l'aise sans.

Le confort. C'est la raison principale que donnent également Raissa, 29 ans, et Constance, 45 ans, lorsqu'on leur demande pourquoi elles ont décidé un beau jour d'ôter ce bout de tissu. «Au début, j'étais trop confortable en pyjama, se souvient Raissa. D'ailleurs, mon soutien-gorge était toujours le premier truc que j'enlevais en rentrant à la maison.» Pour Constance, qui n'en a jamais réellement porté:

«Je trouve que tu es étriquée dedans»

Autre point commun? Les Romandes se rejoignent sur le fait qu'il n'y avait pas de revendication particulière derrière cette décision. «Je ne l'ai pas fait pour une raison x ou y», précise d'emblée Constance avant même d'entamer la conversation sur le sujet. Raissa, en revanche, reconnaît que sa réflexion a évolué au fil de ces dix dernières années. Si le côté revendication n'était pas présent à l'époque, elle admet qu'il est apparu petit à petit lorsqu'elle a vu que des collègues commençaient à suivre le mouvement:

«Je trouve dommage qu'une femme continue de porter ce sous-vêtement alors qu'elle n'en a pas envie. Du coup, si je peux aider d'autres personnes, je suis contente. Ne pas mettre de soutien-gorge ne devrait pas être un problème. Mais je sais que ça change des normes, de ce à quoi nous sommes habitués.»
Raissa
Bella Hadid assiste au tapis rouge de "The Apprentice" lors de la 77e édition du Festival de Cannes, le 20 mai 2024.
Bella Hadid au Festival de Cannes, le 20 mai 2024.Image: FilmMagic

L'influence du contexte

Et effectivement: qui ne s'est pas déjà résolue à enfiler un soutien-gorge sous sa tenue en raison du contexte, de l'endroit ou de la personne qu'il y aura en face? «Parfois, mettre un soutien-gorge permet d'éviter des regards déplacés, des emmerdes, des commentaires, des chuchotements», concède Margaux, même si elle est consciente de la liberté octroyée par son environnement de travail.

«J'adorerais qu'il y ait des femmes à des postes haut placés qui puissent ne pas en porter»

«L'idéal et la pratique sont deux choses différentes», résume Raissa. Elle se souvient de ses années comme serveuse, à Fribourg. Si ses collègues l'ont «toujours soutenue», elle se rappelle que certaines femmes qui travaillaient avec elles lui ont fait des remarques qui l'ont blessée, «même si ce n'était pas dit méchamment», assure-t-elle. Et d'expliquer:

«Elles me disaient: "Sur moi, ça serait trop vulgaire, mais sur toi, ça va parce que tu as des petits seins." Avec le temps, je me dis que ce n'était pas cool de me dire que je n'avais pas de seins, de sous-entendre qu'une petite poitrine n'est pas sexualisée, à l'inverse d'une plus grosse.»
Raissa

Constance réfléchit elle aussi à porter – ou non – un soutien-gorge suivant le cadre dans lequel elle se trouve. «On ne fait pas passer le même message à un entretien d'embauche que lors d'une soirée entre amis», soulève-t-elle. Et de citer un autre exemple: lorsqu'elle va chercher ses enfants à l'école: «Je ne veux pas les mettre dans l'embarras, explique-t-elle. Et puis, de manière générale, il s'agit de respecter l'autre. Tu ne peux pas imposer tes choix.»

Rihanna lors d'un match de la NBA, le 15 mai 2014 à Los Angeles.
Rihanna lors d'un match de NBA, le 15 mai 2014 à Los Angeles.GC Images

Future professeure au gymnase, Raissa sait qu'elle devra désormais penser à ses tenues de tous les jours. «J'ai à nouveau ressenti cette pression», confie-t-elle. Elle et ses collègues ont d'ailleurs reçu des instructions spécifiques quant au dress code à adopter. «Au final, ça fait partie de la profession, je n'irais pas aux cours en crop-top par exemple», reconnaît-elle, car cela «attire l'attention sur les habits et non sur l'enseignement». Et même si elle aurait préféré pouvoir y aller habillée comme elle le souhaite, elle sait qu'il existe encore cette idée selon laquelle certaines tenues – peu importe le genre de la personne – sont «bizarres». Et d'ajouter:

«A l'école, je ne suis pas là pour provoquer. Je continuerai à ne pas porter de soutien-gorge, mais je ne mettrai pas de pull dos-nu, par exemple. Au final, c'est juste du bon sens.»
Raissa

La vue d'un sein «n'est pas une invitation»

Outre ces exceptions, toutes les trois sont totalement à l'aise sans soutien-gorge dans leur quotidien:

«Je n'y pense même pas, c'est normal!»
Constance

Et puis, globalement, elles ont cette faculté à s'en ficher royalement du regard des autres. Pour Margaux:

«Ça ne m'est jamais arrivé de ne pas être à l'aise sans soutien-gorge, parce qu'en général peu de choses me mettent mal à l'aise. Mais cela m'est déjà arrivé de devoir remettre quelqu'un à sa place.»

Constance, quant à elle, se souvient:

«Une fois, un mec a osé venir me dire: "T’as froid?" J'ai répondu: "Non, je suis excitée." Je pense que ça dépend de ta manière d’être et de ta répartie»

Oui, elles ont toutes déjà expérimenté un regard ou un commentaire déplacé. Raissa se remémore un collègue qui, lorsqu'elle travaillait au staff d'un festival de films au Tessin, lui a dit: «Tu ne portes pas de soutif, je vois tes tétons!» «Moi aussi, je vois les tiens!», lui avait-elle lancé en retour.

Cara Delevingne au défilé Fendi, le 20 septembre 2023 à Milan.
Cara Delevingne au défilé Fendi, le 20 septembre 2023 à Milan.Image: Swan Gallet/WWD

«Je trouve dommage qu'il y ait toujours cette sexualisation des seins», regrette Constance. Consciente qu'il s'agit d'un atout de séduction, elle dénonce le fait que ce n'est pas parce que la poitrine d'une femme est mise en valeur d'une manière ou d'une autre qu'il s'agit «d'une invitation ou qu'on veut envoyer un message».

Et à Margaux d'ajouter: «Aujourd'hui, les seins sont tantôt quelque chose de sexualisé, un garde-manger pour les enfants, quelque chose que tu utilises en tant que femme comme un atout, quelque chose qui te complexe... Je ne dis pas qu'un jour, ils deviendront aussi insignifiants qu'un genou.»

«Je dis juste qu'il faudrait un peu plus de tolérance et de je-m'en-foutisme»
Margaux

«Vas-y, regarde, c'est juste des seins»

A la question de savoir si toutes les femmes pourraient faire le même choix qu'elles, les trois affirment que oui, évidemment, tout en reconnaissant que le fait d'avoir une poitrine plus petite que d'autres leur facilite la tâche:

«Si les seins sont lourds ou qu'ils te font mal, il faut se tourner vers l'option qui convient en termes de confort personnel»
Constance

«J'ai la chance de pouvoir ne pas porter de soutien-gorge, ajoute Margaux. Mais c'est tellement propre à chacune! Certaines peuvent passer une journée sur des talons de douze centimètres, quand pour d'autres, c'est une torture.»

Pour Constance, le fait de ne pas porter de soutien-gorge est un reflet de comment elle se sent, «forte, fière et indifférente aux opinions et aux jugements». Selon elle, «tous nos accessoires transmettent, consciemment ou non, des messages». Margaux, de son côté, confie que selon les jours, elle aime opter pour de la lingerie voyante:

«Lorsque je mets un soutien-gorge, je statue: "Regardez-le, il est joli!" Je m'empare de cette sexualisation en mettant un truc mega moulant ou décolleté»

«Il faut assumer d'être libre», déclare Raissa, qui sait qu'en ayant fait ce choix, elle s'expose. Et d'avouer avoir cet esprit de provocation lorsque certains regards se font trop insistants:

«Vas-y, regarde, c'est juste des seins»
Un peu d'histoire...
«Le rejet du soutien-gorge a accédé récemment au rang de symbole de libération des corps au point d’incarner une forme d’empowerment féminin», écrivait The Conversation, en 2023.

Un phénomène fortement popularisé dans les années 2010. En 2014, par exemple, on a vu apparaître aux Etats-Unis le hashtag #FreeTheNipple (#LibérezLeTéton), qui dénonçait la censure de cette partie du corps sur les réseaux sociaux, rappelle Le Monde.

En 2018, toujours sur Internet, c'est cette fois-ci le hashtag #NoBraChallenge qui a émergé, soit des posts qui vantaient les mérites d'une vie sans soutien-gorge.

Viennent finalement les années de pandémie, qui ont propulsé le mouvement, explique Vogue. Parce que bloquées à la maison, de nombreuses femmes ne portaient plus ce sous-vêtement. Une pratique qui a survécu aux (semi-)confinements et qui est adoptée notamment par de nombreuses célébrités.
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