«C'est plus pratique, ça tient moins chaud. En vrai, c'est la simplicité et la flemme qui dictent mes pas.» Pour Margaux, 32 ans, le fait de ne de plus porter de soutien-gorge n'est pas une «rébellion contre la société», mais un choix qui a été fait le jour où elle s'est rendu compte qu'elle se sentait simplement plus à l'aise sans.
Le confort. C'est la raison principale que donnent également Raissa, 29 ans, et Constance, 45 ans, lorsqu'on leur demande pourquoi elles ont décidé un beau jour d'ôter ce bout de tissu. «Au début, j'étais trop confortable en pyjama, se souvient Raissa. D'ailleurs, mon soutien-gorge était toujours le premier truc que j'enlevais en rentrant à la maison.» Pour Constance, qui n'en a jamais réellement porté:
Autre point commun? Les Romandes se rejoignent sur le fait qu'il n'y avait pas de revendication particulière derrière cette décision. «Je ne l'ai pas fait pour une raison x ou y», précise d'emblée Constance avant même d'entamer la conversation sur le sujet. Raissa, en revanche, reconnaît que sa réflexion a évolué au fil de ces dix dernières années. Si le côté revendication n'était pas présent à l'époque, elle admet qu'il est apparu petit à petit lorsqu'elle a vu que des collègues commençaient à suivre le mouvement:
Et effectivement: qui ne s'est pas déjà résolue à enfiler un soutien-gorge sous sa tenue en raison du contexte, de l'endroit ou de la personne qu'il y aura en face? «Parfois, mettre un soutien-gorge permet d'éviter des regards déplacés, des emmerdes, des commentaires, des chuchotements», concède Margaux, même si elle est consciente de la liberté octroyée par son environnement de travail.
«L'idéal et la pratique sont deux choses différentes», résume Raissa. Elle se souvient de ses années comme serveuse, à Fribourg. Si ses collègues l'ont «toujours soutenue», elle se rappelle que certaines femmes qui travaillaient avec elles lui ont fait des remarques qui l'ont blessée, «même si ce n'était pas dit méchamment», assure-t-elle. Et d'expliquer:
Constance réfléchit elle aussi à porter – ou non – un soutien-gorge suivant le cadre dans lequel elle se trouve. «On ne fait pas passer le même message à un entretien d'embauche que lors d'une soirée entre amis», soulève-t-elle. Et de citer un autre exemple: lorsqu'elle va chercher ses enfants à l'école: «Je ne veux pas les mettre dans l'embarras, explique-t-elle. Et puis, de manière générale, il s'agit de respecter l'autre. Tu ne peux pas imposer tes choix.»
Future professeure au gymnase, Raissa sait qu'elle devra désormais penser à ses tenues de tous les jours. «J'ai à nouveau ressenti cette pression», confie-t-elle. Elle et ses collègues ont d'ailleurs reçu des instructions spécifiques quant au dress code à adopter. «Au final, ça fait partie de la profession, je n'irais pas aux cours en crop-top par exemple», reconnaît-elle, car cela «attire l'attention sur les habits et non sur l'enseignement». Et même si elle aurait préféré pouvoir y aller habillée comme elle le souhaite, elle sait qu'il existe encore cette idée selon laquelle certaines tenues – peu importe le genre de la personne – sont «bizarres». Et d'ajouter:
Outre ces exceptions, toutes les trois sont totalement à l'aise sans soutien-gorge dans leur quotidien:
Et puis, globalement, elles ont cette faculté à s'en ficher royalement du regard des autres. Pour Margaux:
Constance, quant à elle, se souvient:
Oui, elles ont toutes déjà expérimenté un regard ou un commentaire déplacé. Raissa se remémore un collègue qui, lorsqu'elle travaillait au staff d'un festival de films au Tessin, lui a dit: «Tu ne portes pas de soutif, je vois tes tétons!» «Moi aussi, je vois les tiens!», lui avait-elle lancé en retour.
«Je trouve dommage qu'il y ait toujours cette sexualisation des seins», regrette Constance. Consciente qu'il s'agit d'un atout de séduction, elle dénonce le fait que ce n'est pas parce que la poitrine d'une femme est mise en valeur d'une manière ou d'une autre qu'il s'agit «d'une invitation ou qu'on veut envoyer un message».
Et à Margaux d'ajouter: «Aujourd'hui, les seins sont tantôt quelque chose de sexualisé, un garde-manger pour les enfants, quelque chose que tu utilises en tant que femme comme un atout, quelque chose qui te complexe... Je ne dis pas qu'un jour, ils deviendront aussi insignifiants qu'un genou.»
A la question de savoir si toutes les femmes pourraient faire le même choix qu'elles, les trois affirment que oui, évidemment, tout en reconnaissant que le fait d'avoir une poitrine plus petite que d'autres leur facilite la tâche:
«J'ai la chance de pouvoir ne pas porter de soutien-gorge, ajoute Margaux. Mais c'est tellement propre à chacune! Certaines peuvent passer une journée sur des talons de douze centimètres, quand pour d'autres, c'est une torture.»
Pour Constance, le fait de ne pas porter de soutien-gorge est un reflet de comment elle se sent, «forte, fière et indifférente aux opinions et aux jugements». Selon elle, «tous nos accessoires transmettent, consciemment ou non, des messages». Margaux, de son côté, confie que selon les jours, elle aime opter pour de la lingerie voyante:
«Il faut assumer d'être libre», déclare Raissa, qui sait qu'en ayant fait ce choix, elle s'expose. Et d'avouer avoir cet esprit de provocation lorsque certains regards se font trop insistants: