Chaque décennie apporte son lot de tendances, qu'on est hyper fier d'arborer sur le moment et pour lesquelles on a envie de se crever les yeux quelques années plus tard. C'est toujours la même rengaine, on le sait, mais on continue de s'infliger ce walk of shame en moonwalk sur l'échelle du temps.
D'ailleurs, quand vous relirez cet article dans dix ans, vous vous demanderez pourquoi vous avez osé le [insérez ici un truc que vous portez aujourd'hui].
Cette coiffure asymétrique, a.k.a. l'enfant maudit de la coupe Karen. Avec option «je laisse trois millimètres de "longueur", comme ça je peux tailler encore jusqu'au crâne pour me faire une étoile pire chou». Une «étoile pire chou» qui ressemblait, au bout d'une semaine à peine de repousse, à une chauve-souris morte.
Mi-punk, mi-pouffe, cette coupe voulait qu'on ne rase qu'un triangle au-dessus d'une seule oreille. Il fallait ensuite bien évidemment ramener tout le reste de la chevelure de l'autre côté, garantissant à la personne qui s'affublait de cette dégaine de ressembler à un vieux monsieur qui tente de cacher sa calvitie monacale avec les trois poils qu'il lui reste sur le caillou (coucou Papi).
Cette immondice aurait pu rester confidentielle, cantonnée aux crânes de quelques terroristes capillaires anonymes. Mais des stars comme Rihanna ont succombé à la coiffure «tondeuse qui fait un AVC», lui assurant une visibilité dont la pupille humaine se serait bien passée.
Joli coup de Coachella! Le festival californien a réussi, au fil des ans, à se créer une sorte de secte. Ses adhérentes, bien que n'ayant pour la plupart jamais foutu les pieds dans le Golden State, ont ainsi porté des couronnes de fleurs dans les cheveux (ou des chapeaux de cowboy pour les flemmardes), des shorts en jeans et des gilets en macramé dès qu'il faisait plus de 18°C. Et même pas uniquement pour «aller en festival». Et sans que personne ne les menace d'un flingue.
Il y avait aussi la variante moins tarte, plus Navajo et tout aussi détestable, qui consistait à s'approprier les motifs des Indiens d'Amérique sans une once d'intérêt pour leurs origines, le tout pour orner des bottes en similicuir made in China ou des vestes en jeans H&M.
Cette tendance, qui a connu son apogée dans les années 2010 et qu'on voit moins aujourd'hui dans les festivals californiens, ne s'est malheureusement pas encore essoufflée sous nos latitudes. Ces meufs à franges hantent encore le terrain mi-sec mi-boueux de chaque édition du Paléo Festival.
Le sang me coule des oreilles rien qu'à l'écriture du mot jeggings. D'abord, différencions-les: le legging, c'est cette chose moche, moulante, comme un collant sans pied. Ce que les humains portent comme sous-vêtements pour le ski, pas pour aller dans la rue. Bien. Le jegging, lui, est un mélange de jeans et de legging. Le jegging est donc un legging «faux effet denim»: il possède des fausses coutures et de fausses poches pour une vraie dégaine de merde.
Après les bas de contention que sont les jeans slim et skinny, les jeggings offraient une alternative alliant confort et pseudo style. Mais comme toutes les contrefaçons, ces leggings en denim des bas quartiers n'ont pas su détrôner les vrais jeans.
Ces affreux jeggings ont tout de même su se frayer un chemin jusque sur nos fesses, et même jusque dans le dictionnaire: le Concise Oxford english dictionary lui a fait une petite place dans ses pages en 2011. Autodafé.
Je ne vous parle pas de la façon de faire actuelle, qui consiste à décolorer les longueurs en faisant un joli dégradé. Non, dans les années 2010, il s'agissait de se faire un machin bicolore, une ligne de démarcation aussi nette qu'en 1940, une double couleur qui rappelle étrangement le pelage d'un blaireau.
Alors que les blondes paient des fortunes en coiffeur toutes les trois semaines (ou tous les trois mois, mais ça se voit) pour planquer leurs racines noires, dans les années 2010, c'était un choix. «Tiens, je vais me faire des racines noires de dix centimètres, et bim, ça devient blond d'un coup, genius, I'm a rockstar!» Le pire, c'est qu'avoir l'air d'un mammifère bicolore, ça coûtait assez cher.
Certaines personnes aux cheveux longs tentaient la décoloration homemade, pour un résultat encore plus désastreux avec de superbes reflets jaunes irrécupérables, à moins de teindre la partie décolorée en rose pour un effet «Avril Lavigne du pauvre».
Ou l'art de mélanger tout et n'importe quoi but make it fashion. La VSCO girl arrive à coupler un sweat ou un T-shirt trop grand, parfois porté comme une robe, avec des Birkenstock, des Vans ou des Crocs, un amoncellement de chouchous à ses poignets, des coquillages autour du cou, de la cheville et des poignets et passe deux heures à se faire un chignon «coiffé-décoiffé». Elle peut se promener avec un longboard sous le bras, parfois, elle sait même en faire.
Son alimentation se compose à 98% de smoothies et latte Starbucks, qu'elle utilise comme des accessoires. Il faut bien rentabiliser ce gobelet en plastique rempli de sucre à huit balles! Mais ne croyez pas qu'elle roule pour le grand capitalisme pour autant. Elle est une sorte de hippie, en moins sale et plus chic. Elle adore se déplacer à vélo cruiser et rêve de faire la côte ouest en van.
Cet accoutrement, popularisé par l'app VSCO (sorte d'Instagram pour Gen-Z sans likes et sans followers visibles pour ne pas oppresser ces fragiles ces gens), est monté en puissance en 2019. Cette tendance déborde donc sur la décennie 2020, qu'on a débutée fringués comme des sacs en home office. Un look qui rappelle justement la VSCO girl.
On ne parle pas uniquement du fait de porter un top qui s'apparente davantage à une brassière de sport qu'à un véritable haut. Non, avec l’avènement du crop top, c'est toute une vision du corps qui change. Désormais, il n'est plus nécessaire de n'avoir que la peau sur les os pour être fashionable: on mise sur des corps rebondis et musclés, car dans les années 2010, on prend soin de soi. Le crop top, ce n'est pas qu'un T-shirt trop petit, c'est un mindset.
Après avoir encensé les mannequins nourris à la cocaïne et au champagne, on prône une plus grande inclusivité. Ce qui signifie qu'on a le droit d'avoir un cul (pour les Kardashian, c'est même «you have to have a huge cul», avant de faire machine arrière depuis quelques mois...).
On a le droit d'avoir des cuisses aussi, des bras, mais attention: tonifiez-moi tout ça. Un gros boule *mais* des abdos, il faut que le crop top flatte vos efforts sportifs, qui sont obligatoires pour ne pas passer pour un canapéiste de niveau olympique. Oh tiens, ne serait-ce pas l'avènement d'une nouvelle injonction à la con, surtout...?
Arrêtons-nous sur ces personnages qui ont explosé (pas dans le sens qui fait plaisir) dans les années 2010. Désormais, ce sont eux qui dictent la mode, à grand renfort de photos urbaines sponsorisées par La Redoute, pendant que nous, simples mortels, reproduisons ces nombreux styles. C'est ça, le hic: la multiplication des looks, des posts Insta, des fringues. Jusqu'à frôler l'indigestion et faire des (fashion) victimes. J'y viens.
Pendant que Machine vous dit qu'il n'y a pas plus chic que le bob, ce chapeau atroce porté à la base par les poivrots des PMU, TrucMuche vous raconte que l'athleisure is the new logo mania. Ils vous diront ensuite qu'ils ne jurent que par le normcore, le gloss à paillettes, le rouge à lèvres dark, le denim, le nude et «ce mascara à l'emballage recyclable» (mais ta gueule). Oui, ça en fait des saloperies à acheter si on veut rester in. Et tant pis si cette surconsommation dérange les écolos et tue à l'autre bout du monde.
Pour soigner votre conscience, faites comme les influenceurs, organisez des vide-dressings! Vos habits ne trouvent pas preneurs, puisque tout le monde a déjà acheté les mêmes merdes? Alors balancez vos fripes dans les bennes à vêtements. Ça ira surtout polluer le Ghana, mais vous n'avez pas le temps d'y penser: TrucMuche vient de poster une story avec un sac qu'il vous faut absolument. Les Ghanéens seront contents d'en profiter dans quelques mois.
Allez, vivement les années 2030, qu'on taille un joli costume aux années 2020.