Lorsque le ministre des Transports et chef de la Lega, Matteo Salvini, a annoncé il y a environ une semaine que l'aéroport international de Malpensa à Milan serait renommé en l'honneur de Silvio Berlusconi, beaucoup ont cru à une mauvaise blague du politicien d'extrême droite. Mais ce n'était pas une plaisanterie: jeudi, l'Autorité de l'aviation civile italienne (Enac) a confirmé que l'aéroport s'appelle désormais:
La société gestionnaire de l'aéroport, SEA, dont la ville de Milan est actionnaire, et qui doit maintenant installer les panneaux correspondants dans l'aéroport, n'a même pas été consultée.
Pour la gauche italienne, renommer le principal aéroport du nord de l'Italie en hommage à Silvio Berlusconi est une provocation insupportable. A leurs yeux, il aurait été difficile de trouver une figure plus polarisante que le «Cavaliere», décédé il y a un an.
Les politiciens de l'opposition rappellent que Berlusconi a été inculpé dans plus d'une douzaine de procès et condamné pour fraude fiscale à hauteur de centaines de millions d'euros. De plus, il a presque mené le pays à la faillite. Sans compter que les millions d'électeurs de gauche italiens qui prennent l'avion à Malpensa devront désormais le faire dans un aéroport dont le nouveau patron les avait autrefois traités de «coglioni», c'est-à-dire d'«imbéciles».
Sur les réseaux sociaux, cependant, la «renaming» a été accueilli avec humour:
Un autre a supposé que les restaurants de l'aéroport offriraient désormais des «dîners élégants». C'est ainsi que Berlusconi avait autrefois qualifié ses soirées sexuelles dans ses villas à Arcore, Rome et en Sardaigne.
Un tel changement de nom n'aurait même pas traversé l'esprit de Berlusconi lui-même. Il était certes excessif et donc polarisant dans presque tous les aspects, mais il avait acquis, du moins vers la fin de sa carrière politique, la stature d'homme d'État.
Il était également nettement moins agressif que le provocateur notoire Salvini (qu'il n'a jamais aimé). En réalité, les Italiens ne pouvaient souvent pas s'empêcher de rire des talents comiques de Berlusconi. Même mort, il continue donc de diviser le pays. Mais cette fois, ce n'est pas de sa faute, mais celle de Salvini et de la cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni, qui n'a pas rappelé à l'ordre son ministre des Transports.
En rebaptisant Malpensa, Salvini et Meloni approfondissent inutilement le fossé dans la société italienne.
Une fois de plus, la droite manque de «sens des institutions», selon le journal conservateur.
En effet, jusqu'à présent, aucun gouvernement de l'après-guerre n'avait enfreint la règle tacite selon laquelle les bâtiments publics sont nommés en l'honneur de personnalités dans lesquelles tous les Italiens peuvent se reconnaître. Ainsi, l'aéroport de Rome à Fiumicino est nommé d'après Léonard de Vinci, celui de Venise d'après Marco Polo, et celui de Palerme d'après les deux chasseurs de mafieux assassinés par la Cosa Nostra, Giovanni Falcone et Paolo Borsellino.
Mais l'affaire de l'aéroport Silvio Berlusconi risque fort de connaître de nouveaux rebondissements. Salvini, en menant son coup de force politique, n'a pas seulement enfreint des règles non écrites, mais aussi des lois écrites. Un décret national stipule que les personnalités qui donnent leur nom à un bâtiment public, une rue ou une place doivent être décédées depuis au moins dix ans.
Plusieurs organisations ont annoncé des recours contre ce changement de nom; une pétition en ligne des jeunes sociaux-démocrates intitulée «Malpensa est pour tout le monde - Non à l'aéroport Berlusconi» reçoit jusqu'à 50 000 signatures par jour. Il est possible que Salvini et Meloni doivent bientôt faire demi-tour.
(Traduit de l'allemand par Tim Boekholt)