«Timéo est un peu pénible ces temps», me souffle une copine maman en terrasse entre deux longues gorgées de blanc. Traduisez: «Il est encore plus relou que le reste de l’année, j’ai envie de l’envoyer en colo dans un vivarium rempli de tarentules venimeuses et de requins volants jusqu’à sa majorité». Ma copine a l’air de découvrir qu’elle a enfanté le démon.
«Sauf que faire tout ça, c’est moi que ça a fatiguée, lui, il peut encore faire des loopings sur le canapé toute la soirée…», poursuit-elle, à deux doigts de se mettre la vinasse en intraveineuse.
Après un troisième verre (par la bouche), elle m’avoue qu’elle ne se doutait pas que Timéo pouvait être si relou. Elle dit ça, mais je dois quand même me farcir quelques vidéos de son petit trésor. Je ne sais pas si c'est elle ou moi qu'elle essaie de convaincre que ce petit klaxon monté sur roulettes est la huitième merveille du monde moderne en sortant son téléphone. Timéo mange une tartine en s’étalant de la confiture dans les cheveux, Timéo gribouille un tigre en forme de pigeon écrasé, Timéo joue dans la fontaine en noyant les autres enfants.
Si le petit Timéo semble être possédé par Sheitan pendant l’été, c’est normal (ou c'est bel et bien le cas, je connais pas vos kids). «Les enfants peuvent effectivement être plus turbulents durant les vacances», assure une psychologue lausannoise.
Mais ce n’est pas qu’une question de rythme. Les parents qui ne côtoient leurs enfants que quelques heures par jour et les week-ends réalisent qu’avoir un môme à plein temps, ça peut être très chiant.
Elle précise encore que l’excitation des vacances, avant et pendant celles-ci, est aussi en cause. Vos enfants sont comme vous, ils sont contents à l'idée de faire un break, même s'il ne s'agit que de mettre en pause la garderie (c'est comme vous quand vous lâchez vos tableaux Excel pendant deux semaines, ça vous met en joie).
La chaleur joue aussi un rôle. Vous dormez mal? Le petit Timéo aussi. Vous êtes grognon la journée? Le petit Timéo aussi. Sauf que vous, vous ne pouvez pas vous rouler par terre en hurlant à la Migros parce qu’il n’y a plus de Coco Pops (enfin vous pouvez, mais c’est mal vu).
Il ne faut pas oublier non plus que ces petites créatures sentent la peur et le désespoir, comme les Détraqueurs dans Harry Potter, et s’en nourrissent.
À part envoyer les kids en colo dans un vivarium rempli d’animaux tous plus dangereux et affamés les uns que les autres et s’ouvrir une 122e bouteille de blanc? «Se dire que la vie est faite de compromis et de négociations, que ce soit dans la vie professionnelle ou familiale», poursuit cette copine maman, qui se transforme en Ghandi après avoir vidé la cave.
Oui pour une deuxième glace (yolo, c’est l’été), non pour adopter des bébés canards, oui pour aller jouer dans la fontaine (yolo, c’est l’été), non pour tapisser la cuisine de farine. Et faire des activités qui les fatiguent eux, et seulement eux.
Plus radical, on peut aussi divorcer, afin de se répartir les kids durant l’été. «Trois semaines d’enfer, trois semaines de paix», ajoute cette autre maman solo et pragmatique.
«Et puis il faut se dire que ça passe vite. L’été, l’enfance, la jeunesse… Sans qu’on s’en rende compte, bientôt, ils seront majeurs et on devra se battre pour qu’ils daignent venir faire Noël en famille au lieu de partir faire le tour de la Thaïlande en 500 Yamaha», conclut cette autre maman, lessivée mais fière de sa huitième merveille du monde. Qui n’a encore rien cassé aujourd’hui.