Vous avez décidé pour la nouvelle année de faire plus de sport, de manger plus sainement, d'économiser vos sous ou d'être enfin à l'heure? Alors, vous n'êtes pas seul. En effet, 60% des Suisses prennent des résolutions tout au long de l'année. Chez les plus jeunes, plus particulièrement chez les 15-29 ans, ce chiffre atteint même 71% — un record européen, comme vient de le montrer une étude représentative.
La moitié de ceux qui souhaitent changer quelque chose visent l'alimentation, suivis par les objectifs sportifs et financiers. Un peu moins d'un tiers d'entre eux souhaitent se débarrasser de leurs mauvaises habitudes.
Si ça semble être une bonne chose, les résolutions ne sont malheureusement que rarement couronnées de succès. Beaucoup retombent dans leurs travers très rapidement. Et pourtant, «les résolutions du Nouvel An ne sont pas condamnées à l'échec en soi», souligne Sebastian Bürgler, psychologue à l'université de Zurich, dont les recherches portent sur les habitudes et le contrôle de soi.
L'une des premières études sur ce thème a été réalisée dans les années 80 par John C. Norcross, professeur de psychologie et auteur de Changeology, un guide de changement de comportement basé sur la science. Dans l'enquête sur le succès des résolutions du Nouvel An, 55% des participants ont indiqué après un mois qu'ils poursuivaient leur changement d'habitudes. Après six mois, ils étaient encore 40% et après deux ans, 20%.
Difficile d'échapper aux rechutes: en moyenne, les personnes interrogées ont enregistré quatorze dérapages en deux ans, au cours desquels elles sont retombées dans leurs anciens schémas. Ce problème préoccupait déjà l'écrivain Mark Twain il y a plus d'un siècle:
La professeure et spécialiste du comportement Katherine Milkman a tenté de comprendre pourquoi les résolutions sont si populaires à la Saint-Sylvestre. L'explication de l'auteure du livre How to Change semble évidente: lors de nouveaux départs comme la nuit de la Saint-Sylvestre, les anniversaires et même les lundis, les gens seraient particulièrement motivés à changer leurs erreurs passées.
La raison pour laquelle les résolutions échouent si souvent est la force de l'habitude. Neurologiquement parlant, il s'agit de comportements pour lesquels le cerveau fonctionne en pilote automatique. Lorsque nous effectuons une action pour la première fois, les zones du cerveau situées juste derrière le front sont actives et nous permettent de contrôler les processus de décision. Plus nous répétons une action, plus les neurones du striatum dorsal, la zone du cerveau qui joue un rôle décisif dans la création d'habitudes, se connectent. Le circuit du processus de décision est contourné. Le cerveau économise ainsi une énergie précieuse pour d'autres tâches.
Selon des études, environ 40% de nos actions quotidiennes sont constituées d'habitudes. Ce sont des schémas d'action qui consistent en un stimulus suivi d'une réaction, souvent mise en œuvre dans la situation.
Pour modifier le comportement lié à l'habitude, on peut d'une part éviter d'entrer en contact avec le stimulus et par exemple «faire un détour qui ne nous fera plus passer devant le kiosque», explique-t-il. Une autre possibilité consiste à résister à l'envie de se précipiter dans le kiosque ou à changer de réaction devant le rayon des boissons.
Toutes ces variantes ont en commun le fait qu'il faut d'abord identifier le déclencheur du comportement indésirable. Est-ce le son d'une notification du smartphone qui fait que j'ai du mal à m'en débarrasser? Est-ce le fait de regarder Netflix avant le dîner qui me pousse à prendre un paquet de chips? Ou, en guise de stimulus positif, est-ce un bon morceau de musique qui m'incite à chausser mes chaussures de jogging?
«Si l'on connaît le déclencheur, il faut répéter la nouvelle réaction suffisamment souvent jusqu'à ce qu'elle devienne une nouvelle habitude», souligne Sebastian Bürgler. Selon une étude publiée dans l'European Journal of Social Psychology, il faut entre 18 et 254 jours pour qu'une nouvelle habitude s'établisse — la moyenne est de 66 jours, soit un peu plus de deux mois.
Une étude menée auprès de nouveaux membres d'une salle de sport a montré que ceux qui faisaient toujours du sport à la même heure (par exemple tous les matins à 7 heures ou toujours après le dîner) s'entraînaient de manière automatique. Autrement dit, c'est devenu une habitude. L'art consiste donc à mobiliser le contrôle de soi jusqu'à ce qu'un modèle d'action automatisé s'établisse. Il existe différentes stratégies pour y parvenir. «Le fait que l'une d'entre elles fonctionne ou non et à quel moment peut également dépendre de la personne et de la situation», détaille l'expert..
Des psychologues, des comportementalistes et des neuroscientifiques ont étudié et évalué de nombreuses stratégies pour réussir à tenir ses résolutions. Ci-dessous vous trouverez 10 conseils et recommandations pour vous aider à y arriver.
L'une des principales raisons pour lesquelles les résolutions échouent souvent avant la fin du mois de janvier est qu'elles sont formulées de manière vague. Ou, en d'autres termes, elles ne sont pas mesurables. «Je veux manger plus sainement» ne donne pas une orientation suffisante. Le psychologue américain John C. Norcross constate lui aussi que des décennies de recherche ont montré que la manière dont un objectif est formulé et mesuré augmente drastiquement le taux de réussite.
Il propose le modèle Smart, utilisé notamment en marketing, selon lequel les objectifs doivent être spécifiques, mesurables, réalisables (attainable), pertinents (relevant) et fixés dans le temps (time-specific). Ainsi, la résolution «Je veux manger plus sainement» serait formulée comme suit en tant qu'objectif smart:
Le psychologue américain recommande également de se fixer des objectifs intermédiaires, ou de mettre en place des mini-étapes qui, une fois réunies, feraient un grand saut.
Il faut également éviter la mentalité du tout ou rien, et se rapprocher plutôt de l'objectif par palier. Si l'on souhaite enfin réduire sa consommation de smartphone, il ne faut pas se l'interdire complètement, mais passer des 8 heures initiales à 2 heures par jour, par exemple par tranches d'un quart d'heure. Il peut être utile, par exemple, de désactiver les sons de notification ou de mettre complètement le téléphone en mode silencieux.
La recherche montre que les gens peuvent établir avec succès de nouvelles habitudes s'ils les adoptent en lien avec une habitude déjà existante. La routine déjà existante est déjà un automatisme — par exemple le café le matin ou le brossage des dents le soir — et peut prendre la fonction d'un stimulus sur lequel la nouvelle réaction est maintenant construite.
Imaginez donc que vous souhaitiez travailler votre équilibre et que vous vouliez être capable vous tenir debout sur une jambe, les yeux fermés et la tête penchée en arrière, d'ici la fin de l'année. Pour cela, vous pourriez vous entraîner pendant deux minutes chaque fois que vous vous brossez les dents.
La psychologue britannique Wendy Wood est l'une des meilleures spécialistes mondiales des habitudes. Selon elle, pour les changer, rien ne vaut la contrainte. Cela signifie que pour établir de bonnes habitudes, il faut se simplifier la vie au maximum et intégrer le moins de contraintes possible. On peut par exemple chercher un centre de fitness qui se trouve sur le chemin du travail à la maison — et qui ne nécessite pas un détour d'une demi-heure.
En revanche, si l'on souhaite se débarrasser d'une habitude, il convient d'intégrer le plus de contraintes possible. Par exemple, la recherche a montré que les gens prennent moins souvent l'ascenseur si les portes sont programmées pour s'ouvrir et se fermer plus lentement.
Dans son livre Good Habits, Bad Habits, Wendy Wood relate également une expérience pour laquelle elle a demandé à quelques étudiants d'aller au cinéma. Elle leur a donné du pop-corn que certains d'entre eux devaient manger avec leur main dominante, les autres avec leur main non dominante. Résultat: lorsque les droitiers devaient manger avec la main gauche, ils mangeaient nettement moins de pop-corn que leurs camarades — la mauvaise main semblait déjà avoir provoqué des contraintes.
Le psychologue Sebastian Bürgler et ses collègues allemands ont mené des études sur 22 stratégies d'autorégulation auprès de plus de 700 volontaires. Il en ressort que la stratégie la plus efficace pour se mobiliser pour une activité désagréable consistait à l'enrichir par quelque chose d'agréable. Il s'agit par exemple d'écouter de la musique pendant le jogging ou de regarder sa série préférée lorsque l'on court sur le tapis de course.
Toutefois, il existe des situations dans lesquelles cette stratégie est moins judicieuse, voire contre-productive, «à savoir lorsque l'activité que l'on doit effectuer exige un haut degré de concentration et que la musique ne ferait que distraire», précise-t-il.
Pour se motiver, il est également utile de savoir que l'on sera récompensé plus tard — par exemple avec un dessert, un bon verre de vin ou un dîner avec des amis. Il est intéressant de noter que cela ne s'applique pas aux comportements que l'on essaie de réprimer. La devise «Si je résiste à la tentation maintenant, je me récompenserai plus tard» a donc même un effet contre-productif.
Les participants à l'étude de Sebastian Bürgler qui ont réussi à adopter leurs nouvelles habitudes ont déclaré qu'avec le recul, ce qui les a aidé a été de se concentrer sur le positif.
En revanche, si l'on se concentre sur les conséquences négative, il devient difficile de tenir ses résolutions. Par exemple, essayer d'évaluer un morceau de gâteau comme un mélange malsain de graisse et de sucre n'a pas le même impact sur le contrôle de soi que de réfléchir aux conséquences positives du renoncement, par exemple une vie longue et saine.
Tant que la bonne résolution ne s'est pas encore établie comme une nouvelle habitude, elle nécessite un effort cérébral. Devoir constamment s'en souvenir, c'est fatigant et on prend le risque d'oublier cette nouvelle habitude. Pour éviter ça, des rappels hebdomadaires — qu'ils soient programmés dans le calendrier, sous la forme d'un message d'un ami ou d'un appel téléphonique — peuvent aider.
Il existe même des sites internet ou des applications créées pour ça, comme le constate le psychologue américain Norcross. Par exemple le site internet DailyNudge permet de créer soi-même un rappel qui est ensuite envoyé sur le téléphone toutes les heures, tous les jours, toutes les semaines ou tous les mois.
Toujours selon Norcross, c'est notamment grâce à un service appelé «txt2stop» que les fumeurs sont deux fois plus susceptibles de renoncer à la cigarette au Royaume-Uni. Des études auraient également montré que les SMS de rappels pour perdre du poids entraînent une perte supplémentaire de quelques kilos par mois. Et en Afrique rurale, les rappels par SMS seraient utilisés avec succès pour lutter contre le paludisme et rappeler aux patients de prendre leurs médicaments.
Il existe des études extrêmement contradictoires sur la question de savoir s'il faut oui ou non partager ses bonnes résolutions avec son cercle de connaissances. Ainsi, une étude très remarquée en 2009 a révélé que ce n'était pas une bonne idée et que c'était même contre-productif. En effet, cela donnerait déjà le sentiment d'avoir accompli quelque chose avant même d'avoir commencé à le mettre en œuvre.
Toutefois, une étude récente de l'Université d'État de l'Ohio voit au contraire le cas de manière plus nuancée. Partager ses objectifs avec d'autres aiderait à les atteindre, à condition de les partager avec des personnes que l'on admire et dont on apprécie l'opinion. On essaie ainsi d'éviter de les décevoir et d'avoir moins d'estime à leurs yeux parce que nous n'avons pas atteint notre objectif, expliquent les chercheurs.
Dans l'étude publiée dans la revue spécialisée European Journal of Personality, Sebastian Bürger et ses collègues ont également identifié les stratégies qui ne permettent que rarement de se contrôler. L'un des exemples négatifs est de se mettre la pression — que ce soit la pression du temps, la pression sociale ou la pression de la performance. Selon la psychologue Wendy Wood, la pression financière ne fonctionne pas non plus:
Toutefois, de telles stratégies, en moyenne plutôt infructueuses, peuvent tout à fait fonctionner chez certaines personnes. En résumé, l'essentiel reste donc d'essayer.
Traduit et adapté par Noëline Flippe