Société
Témoignage

«J’aime les femmes, mais surtout leurs pieds»: Bastien raconte

«A cause de mon attirance pour les pieds, j'ai cru être gay»: Bastien* aime les femmes, et particulièrement leurs pieds. Une attirance qui l'a longtemps fait souffrir et qui a rendu sa vie s ...
La sexualité de Bastien* a été compliquée par une préférence «difficile à assumer dans une famille catholique».Image: watson

«J’aime les femmes, mais surtout leurs pieds»: Bastien raconte

Bastien* aime les femmes, et particulièrement leurs pieds. Une attirance qui l'a longtemps fait souffrir et qui a rendu sa vie sexuelle «difficile et frustrante». Pour watson, il raconte ses années de combat pour se faire accepter des autres... et s'accepter lui-même.
08.12.2024, 06:59
Margaux Habert
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«C’est quand même bizarre comme attirance. Mais aujourd’hui, même si je n’ai pas envie de le crier sur tous les toits, je me suis fait à l'idée, ça fait partie de moi.» Bastien*, 36 ans, est fortement attiré par les pieds des femmes.

Pendant de longues années, sa sexualité a été compliquée par ce qu’il a longtemps appelé «déviance». Aujourd’hui en couple avec Patricia* depuis 3 ans, il s’assume… En tout cas, en partie.

«Elle s’en fiche complètement, ça m’aide. Mais par moments, je ne peux pas m’empêcher de replonger dans mes souvenirs de jeunesse…»

Les souvenirs de la découverte de sa sexualité, à l’adolescence, et d’une réalité: il n’a pas les mêmes «goûts» que ses camarades. Quand la plupart des garçons de 12 ou 13 ans regardent des images de femmes nues dans des positions suggestives, lui n'a d'yeux que pour leurs pieds. «C’était un sentiment très bizarre. Satisfaisant et repoussant à la fois. J’imaginais tout ce qu’elles pouvaient faire avec leurs pieds, l’odeur qu’ils pouvaient avoir, leur goût… Et la seconde d’après, une honte folle m’envahissait. Mais une honte qui me faisait du bien, quelque chose d'un peu paradoxal», explique Bastien.

Un jour, il tombe sur une vidéo pornographique d’une femme caressant le sexe d’un homme avec ses pieds. Ses amis rigolent, pas lui. La scène l’obsède. Des nuits entières, il ne rêve que de ça.

Une découverte du sexe et un traumatisme

Sa première fois avec une fille, à 16 ans, tourne au cauchemar. Les deux jeunes sont en couple depuis quelques semaines. «Je crois que sa vision d’une première fois ne ressemblait pas du tout à ce que je voulais…», dit-il en détournant la tête. Une tentative de goûter le pied de la jeune femme lui vaut un «taré, va!». Des mots qui résonneront pendant des années. «Ça m’a traumatisé. Après, avec d’autres filles, j’ai préféré faire l’amour de manière plus "conventionnelle". Mais ça ne me procurait pas autant de plaisir. Je me suis demandé si je n’étais pas gay, à un moment», dit-il en haussant les épaules.

Des propos qui font sourire Patricia. «Comme s’il n’y avait que la pénétration qui faisait partie du catalogue des choses sympas à faire», s’amuse-t-elle. La «bizarrerie» de Bastien?

«Il y a autant de sexualités que de personnes sur Terre, je pense. Ça n’est pas moralement discutable, ni pénalement répréhensible, ça ne fait de mal à personne. Pourquoi ça serait mal? Si ça le rend heureux, tant mieux. Moi, ça m'est égal.»

Bastien sourit à son tour. «Je suis reconnaissant d’être tombé sur quelqu'un comme elle. Elle n’en fait pas un sujet. C’est un aspect comme un autre de notre vie commune, elle ne le met pas dans une case à part», explique-t-il. Mais ça n’a pas toujours été le cas.

La «tromperie» avec une amie

Au début de la vingtaine, il retrouve Daphné*, une amie de passage en Suisse. Elle vit à Londres, les deux camarades de classe ne se sont pas revus depuis le gymnase. Ils discutent pendant des heures dans la cuisine du petit deux pièces du jeune homme, rattrapent le temps perdu en vidant des bières. Elle lui raconte sa vie «chez les Brits», il lui parle de sa copine, avec qui il est en couple depuis deux ans, et que Daphné ne connaît pas. Les amis parlent et rient, comme à l'époque, et Bastien se sent libre et heureux pour la première fois depuis très longtemps.

Passablement éméché, il finit par lui confier son secret… En partie. Il explique à la jeune femme qu’il n’est pas épanoui sexuellement, qu’il ne l’a jamais été. Ni en deux ans avec sa copine, ni jamais réellement avant elle.

«Peut-être que les femmes, c’est pas mon truc…»

Mais Daphné n’est pas convaincue. «Peut-être que ça n’est pas les femmes, ton problème…» Pour la première fois, se dit-il, il a en face de lui quelqu’un qui l’écoute. Et qui ne le juge pas.

«J’aime les femmes, oui… Mais surtout leurs pieds», lâche-t-il. Daphné sourit. «Je me doutais que c’était quelque chose comme ça», lui dit-elle. Un barrage lâche. Bastien se confie, encore et encore, Daphné l’écoute pendant de longues minutes. Et enlève sa botte. Le silence se fait. Elle pose son pied sur son genou, il le saisit. Les deux amis se regardent intensément. «J’ai enlevé sa chaussette, commencé à embrasser chacun de ses orteils… et j’ai fini en pleurs, assis par terre, dans ses bras, dans un torrent d’émotions», se remémore Bastien.

Daphné et lui ne sont pas attirés l’un par l’autre. Ils sont amis, c’est tout. «Mais elle me permettait d'être moi-même.» Ils se voient régulièrement, à chaque fois qu’elle vient en Suisse voir sa famille. «On buvait des verres. Et j'enlevais sa chaussette. J’allais à Londres aussi. Ma copine l’aimait bien, elle nous faisait confiance.»

«Mais elle ne se doutait pas que c’était grâce à Daphné que je trouvais mon équilibre…»

Quelques mois plus tard, la jeune femme rencontre quelqu’un à Londres et annonce à Bastien qu’elle ne veut pas continuer. Une décision qu’il comprend, mais qui lui fait du mal. Il n’arrive pas à se faire à cette idée. Il dit à sa copine qu’il va à Londres faire la fête et rencontrer le copain de Daphné, mais il s’envole pour Budapest, seul. Pourquoi la Hongrie? «Parce qu’il y avait un aller-retour de quatre jours pour une cinquantaine de francs et qu’il fallait que je parte le plus vite possible, là où je ne risquais de croiser personne. J’étais à ça d’exploser…»

La révélation à l’heure hongroise

Lors d'une soirée électro dans un immeuble à l’abandon de Budapest, il tombe sur une Allemande «complètement déchirée». «Elle m’a ramené chez elle, elle vivait en coloc ici pour suivre des cours de je ne sais plus quoi. On s’est sauté dessus direct. J’allais tellement mal, j’essayais de remplir le vide pour ne penser à rien», se souvient Bastien. «Pas fier, mais j’étais en mode survie, et cette nana était prête à faire n’importe quoi pour s’amuser. Mais je n’étais pas dans le même état qu’elle, et je n’avais pas envie qu’elle regrette le lendemain. Pas envie de me prendre un nouveau “taré, va!” dans la gueule…»

Le lendemain, frais et reposés, il s’avère que sa nouvelle amie est toujours motivée à tester ses «bizarreries». «J’ai su après coup qu’elle en avait vu d’autres… Les pieds, ça n’était pas grand-chose pour elle», sourit-il. Bastien lui parle de la vidéo qui l’obsède depuis son adolescence, et dont il n’a jamais osé parler avant, pas même à Daphné.

«Elle nous a fait du café… Puis elle a reproduit l'acte de la vidéo, comme si tout était normal. Je me rappelle encore de son rire joyeux, en buvant son café, pendant que j’essayais de me remettre de mes émotions.»

En revenant de son week-end, il quitte sa copine. «C’était dur parce que j’étais amoureux d’elle, et elle aussi, mais je lui mentais depuis le début, et il était trop tard pour lui dire “ah au fait, je suis attiré par les pieds”...»

Des années à se chercher… et se trouver

Entre 20 et 30 ans, Bastien vit plusieurs fois en couple. Et joue cartes sur table, en demandant toutefois à ses copines de faire preuve de discrétion. «Je n’avais plus envie de cacher cette part de moi à la personne que j’aime, ça n’est honnête ni pour l’autre, ni pour moi», déclare-t-il. «Mais sans non plus vouloir que tout le monde le sache…» La première a un peu de mal à s’y faire, mais fait son possible pour le soutenir.

«Ça a duré quelques mois, mais on n’était pas en phase, elle se forçait pour me faire plaisir. Du coup, ça ne marchait pas...»

La seconde à qui il parle de ses préférences ne montre aucun signe de rejet. «Ça m’avait même surpris qu’elle soit si ouverte d’esprit», dit-il en haussant les épaules. Pendant presque une année, le couple vit une relation normale. Mais lors d’une soirée arrosée, il surprend une conversation entre la meilleure amie de sa copine et une autre femme. «Elles étaient en train de se raconter les détails de ma vie sexuelle, de rire. Ça m’a fait l’effet d’un “taré, va!”. Je suis parti sans rien dire à personne, et surtout pas à elle. Je ne l’ai jamais rappelée, je ne lui ai jamais répondu», lâche-t-il.

Patricia vient s’asseoir à côté de Bastien. «On fait une pause?», suggère-t-elle. Partager son histoire le soulage, mais rouvre également de vieilles plaies.

«Ma dernière relation, avant aujourd’hui, a été la plus épanouissante. Aussi, sans doute, celle qui s’est terminée de la manière la plus triste», reprend Bastien. Trois ans d’amour «sans compromis, sans jugement». Mais un jour qu’il rentre du travail, il trouve son amie au sol. «Elle était couchée par terre, à même le carrelage, en pleurs.» Son amie lui avoue qu’elle n’arrive pas à le voir heureux sans que cela ne la renvoie à «ses propres échecs».

«Elle avait souffert de troubles de l’alimentation, plus jeune. Elle m’avait dit que c’était derrière elle, mais ça n’était pas le cas, et de me voir m'assumer et pas elle lui faisait du mal. Elle a rompu du jour au lendemain peu de temps après.»

Un horizon plus doux

Aujourd’hui, Bastien se sent mieux. «Ça peut sembler être “juste une préférence” pour certains, mais pour moi, ça a été un fardeau», déclare-t-il. Patricia sourit. «Quand il m’en a parlé pour la première fois, on aurait dit qu’il allait m’annoncer avoir zigouillé quelqu’un», se rappelle-t-elle. Il sourit à son tour.

«Tu t’attendais à quelque chose de tellement dramatique que tu m’as presque pris de haut en me disant “c’est tout?”»

Patricia n’aime pas qu’on dise d’elle qu’elle est particulièrement ouverte d’esprit. «Je suis un peu moins dans le jugement et un peu plus dans l’empathie que certains, mais ça n’est pas quelque chose dont on doit se vanter. Ce devrait être comme ça pour tout le monde, point», marmonne-t-elle. En revanche, elle est un peu pudique. «Si ça ne vous embête pas, je n’ai pas très envie d’entrer dans les détails de notre vie de couple, de notre vie sous la couette. Vous pouvez noter qu’elle est épanouissante pour lui comme pour moi», sourit-elle en rougissant.

Apaisé, enfin? Il réfléchit. «Oui, je pense. Mais tout n’est pas guéri pour autant. Je n’aime pas ressasser le passé. Après cette entrevue, je n’en parlerai plus. Je préfère me concentrer sur ce qui me rend heureux, et ça n’est certainement pas de me souvenir de ces années», dit-il. Parle-t-il de son attrait pour les pieds à ses proches, à ses amis?

«Ça n’est pas un sujet que j’ai envie de lancer à table, dans une famille catholique. Mais parmi mes amis, certains sont au courant. Il y en a qui sont un peu mal à l’aise, la plupart s’en fiche.»

Ce qui a changé depuis qu’il a trouvé un peu de paix, c’est qu’il ne se définit plus par «ça», plus uniquement. «Paradoxal, quand on sait que c’est tout le pourquoi du comment de cet entretien, non?» Il pose la question d’un ton amusé. Car après les «taré, va!», aujourd’hui, c’est lui qui arrive à en rire. En partie.

*Noms connus de la journaliste.

Droguée au GHB dans un club vaudois, elle témoigne.

Vidéo: watson
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