Société
tradition

Les «tradwives» façon années 1950 pullulent sur TikTok

Les «tradwives» façon années 1950 pullulent sur TikTok.
Les vidéos de ces tradwives cumulent des millions de vues et font l'apologie des traditions, de la nécessité pour la femme de s'occuper de la maison, de la cuisine, du ménage...Image: watson

Les «tradwives» vivent comme en 1950 pour «se protéger de Satan»

Les valeurs des années 1950 érigées en règles absolues. Les «tradwives» ultra conservatrices ont pris d'assaut les réseaux et racontent leur mode de vie où la femme reste à la cuisine pendant que monsieur travaille. Décryptage d'un phénomène aux accents moralisateurs, religieux et rétrogrades.
20.02.2024, 16:5721.02.2024, 08:08
Margaux Habert
Plus de «Société»

Elles prônent un mode de vie qu'ont combattu les féministes réclamant l'égalité ou le droit à l'avortement au cours des dernières décennies. Les «tradwives», qui se revendiquent femmes au foyer à l'ancienne, ont pris d'assaut les réseaux sociaux pour exhiber leurs robes rétro, leur cuisine rutilante ou leurs mises en beauté vintage et pour dispenser leurs conseils aux amateurs d'un mode de vie rétro. Des vidéos qui cumulent des millions de vues.

Deux hashtags, défendant leurs valeurs conservatrices, cartonnent aux Etats-Unis: #tradwife (femme traditionnelle) et #stayathomegirlfriend (copine qui reste à la maison). Mais la tendance essaime aussi à travers le reste du monde.

Les «tradwives» prônent un mode de vie conservateur.
La vie des «tradwives» ressemble furieusement aux publicités des années 50-60.Image: dr

Les vidéos de ces tradwives, qui cumulent des millions de vues, font l'apologie des traditions, de la nécessité pour la femme de s'occuper de la maison, de la cuisine, du ménage, d'elles-mêmes, d'un monde où «Dieu a créé deux genres pour répondre à différents objectifs». Car derrière une étiquette un peu désuète se cache aussi un discours moralisateur et rétrograde.

A quoi ressemble la vie d'une tradwife?

Outre leur rejet de l'égalité homme-femme et d'un monde à plusieurs genres, ces tradwives, qui ne travaillent pas, prônent le fait d'épouser un homme bon et protecteur, car...

«... lorsque vous serez financièrement dépendante de lui, s'il vous traite mal, il abusera de votre gentillesse»
Estee C. Williams, une tradwife dont les vidéos cumulent des millions de vues sur TikTok.

Un compte bancaire que monsieur remplit, mais qui appartient au final au foyer. «Mais c'est lui qui a le dernier mot, car il est le provider et la femme est la housemaker.» Des rôles bien définis où l'homme, à la maison, n'a pas à lever le petit doigt «sauf s'il s'agit de soulever quelque chose de lourd».

«Comment être une tradwife»:

La tradwife doit donc savoir cuisiner, tenir son foyer, faire le ménage, être une bonne hôtesse pour recevoir, mais aussi avoir une activité juste pour soi. Les exemples donnés par les tradwives entretiennent les clichés sexistes: selon Estee C. Williams, l'une des tradwives les plus suivies sur les réseaux sociaux, une bonne femme au foyer peut faire de la couture, de la peinture... ou du sport, mais cette dernière déclare d'aller au fitness que si son mari est présent «pour éviter certaines situations». Et pas la peine de s'embarrasser avec des études, car il n'y a «pas besoin d'un diplôme pour se sentir accomplie en tant que femme», dixit cette influenceuse de 26 ans.

Un dernier conseil? Il faut entretenir sa beauté, car «les hommes sont très portés sur le visuel». Pour y parvenir, il faut faire de l'exercice, manger sainement, avoir une routine beauté simple, se maquiller tous les jours et s'habiller de telle sorte à flatter «son corps et son genre». Autrement dit, selon la jeune femme, les robes, jupes et petites blouses sont plus appropriées.

A ce propos, Estee C. Williams assure privilégier les vêtements, coiffures et mises en beauté que son mari préfère, «car son bonheur est primordial, lui qui travaille toute la journée». Elle déclare aussi ne pas sortir à la nuit tombée et envoie sa géolocalisation à son époux dès qu'elle quitte la maison pour aller faire des courses.

Bible, diktats et Trump

Pour être une bonne tradwife, il ne suffit pas d'être une épouse charmante (mais discrète), de savoir quel produit utiliser pour nettoyer une moquette tachée ou d'adorer faire du point de croix. Il faut aussi suivre les préceptes de la Bible, et surtout sans essayer de les remettre dans un contexte plus contemporain.

Exemple? Selon cette influenceuse tradwife, s'il faut se soumettre à son mari, c'est tout simplement parce que c'est ce qui est prêché dans la Bible. Pour autant, Estee C. Williams rappelle que la femme n'a pas moins de valeur que l'homme, c'est simplement le cadre biblique qui est ainsi fait, et il n'est pas question d'être une «soumise».

«La soumission biblique ne signifie PAS que la femme a moins de valeur que le mari. Les tradwives encouragent la soumission biblique parce que la Bible en parle et que, malheureusement, les gens déforment la signification réelle de ce terme. Le système d'autorité a pour sommet le Christ, suivi du mari, puis de la femme, et enfin des enfants. Ce cadre protège la cellule familiale de Satan. Les femmes soumises sont protégées et dirigées par leur mari.»
Estee C. Williams, influenceuse tradwife
@esteecwilliams Biblical submission does NOT mean the wife is of less value than the husband. Tradwives encourage Biblical submission because the Bible speaks of this and unfortunately people are twisting the actual meaning of this term. The umbrella of authority has Christ at the top followed by the husband, then the wife, and lastly children. This “umbrella” protects the family unit from satan. Submissive wives are protected and lead by their husband. #tradwife #traditionalwife #biblicalsubmission #christianwife #submissivewife #tradwifemovement #traditionalvalues #tradtok #biblicalfemininity ♬ BSB Reza Jackson Series - Reza Jackson

Par ailleurs, de nombreuses femmes qui ont adopté ce mode de vie façon années 1950 revendiquent aussi le fait de ne pas avoir d'amis du sexe opposé. Une femme doit se contenter de son mari. Certains hommes mariés adeptes de ces valeurs conservatrices prônent le même discours, car «on ne peut pas tenir une marmite bouillante sur ses genoux sans se brûler».

Des tradwives qui critiquent aussi, pêle-mêle, l'avortement, la pornographie, la pilule, le fait d'avoir plusieurs partenaires ou d'avoir des relations sexuelles avant le mariage. Selon elles, il faut «protéger la féminité comme Dieu l'a créée».

@gwenthemilkmaid

Looking back, I can’t believe how clueless I was. I really was BLIND. I had no idea just how much my lifestyle was destroying my happiness and my soul. I was running from one dopamine hit to the next, never truly feeling satisfied. Because the hole in your heart cannot be filled by anything else but God. And living the way He tells us to brings so much joy and peace. His law is not to make life miserable, but rather to protect us. It makes sense that the Creator who made you would also know the best way for you to live 🤷‍♀️ So this message is for all the young girls out there. Our culture is lying to you. Promiscuity, p*rn, premarital s*x, ab*rtions... None of these things will bring you true happiness the way God will. And no matter what’s happened in your life, it is never too late. God loves you and so do I 🥰

♬ hendriksvibes - hendriksvibes

La libération de ce type de contenu sur les réseaux sociaux coïnciderait avec la première campagne présidentielle de Donald Trump, en 2016. A cette époque, en marge de son slogan «Make America Great Again», un autre avait vu le jour: «Make Traditional Housewives Great Again».

Pour certaines de ces tradwives, le monde fonctionne dans le mauvais sens:

«Ce que notre culture dit aux femmes: qu'il est honorable de tout sacrifier pour un travail, mais que c'est injuste de tout sacrifier pour sa famille [...]. Qu'il est juste de laisser le système éduquer nos enfants, nourrir notre famille, nous maintenir en vie, plutôt que d'avoir les compétences de faire tout ceci soi-même...»
Rachel Joy, influenceuse tradwife.

Propos issus de cette vidéo 👇🏽

Des inquiétudes en France

Chez nos voisins français, ces vidéos ne sont pas vues d'un très bon œil par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), qui a sonné l'alarme. Selon l'institution, dans un rapport récemment publié (où l'on peut voir des vidéos d'Estee C. Williams prises comme exemples) ce mouvement ramène la société en arrière avec des idées pas franchement égalitaires, et mettant en péril des années de combat féministe.

Ce phénomène est particulièrement inquiétant, car il marque, au moins dans les mentalités, une réassignation des femmes à la sphère strictement domestique, qui va à contre-courant des enjeux des luttes féministes et des politiques publiques pour l'émancipation des femmes, notamment depuis les années 1950. Le retour de ces injonctions conservatrices s’observe bien sur les réseaux sociaux notamment à travers le succès des tendances #tradwife et #stayathomegirlfriend [...]. A ce titre, plus de la moitié de la population trouve encore normal ou positif qu’une femme cuisine tous les jours pour toute la famille.»
Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes dans un récent rapport.

Mais loin des prises de position et des inquiétudes en France, les contenus de ces tradwives prônant un mode de vie rétro continuent de cartonner sur TikTok.

Des raisonnements tels que «pourquoi les femmes ont-elles besoin de prouver qu'elles peuvent faire la même chose que les hommes, alors que ces derniers n'ont jamais prétendu le contraire» ou encore «pourquoi Dieu aurait-il créé l'homme et la femme différents l'un de l'autre si ce n'est pour assumer des tâches différentes» trouvent un écho auprès de certains internautes.

Destination tendance? Cette vidéo va vous dissuader d'aller à Bali:

Vidéo: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Pourquoi la Méditerranée a connu une extinction de masse
Seulement une espèce endémique sur dix a survécu à la crise de salinité, il y a 5,5 millions d'années.

Seule une espèce sur dix endémique de la Méditerranée a survécu à la salinité engendrée par la perte de liaison avec l'Atlantique il y a 5,5 millions d'années. Une équipe de recherche internationale avec la participation du Muséum d'histoire naturelle de Bâle a quantifié pour la première fois cette perte d'espèces.

L’article