Les «tradwives» vivent comme en 1950 pour «se protéger de Satan»
Elles prônent un mode de vie qu'ont combattu les féministes réclamant l'égalité ou le droit à l'avortement au cours des dernières décennies. Les «tradwives», qui se revendiquent femmes au foyer à l'ancienne, ont pris d'assaut les réseaux sociaux pour exhiber leurs robes rétro, leur cuisine rutilante ou leurs mises en beauté vintage et pour dispenser leurs conseils aux amateurs d'un mode de vie rétro. Des vidéos qui cumulent des millions de vues.
Deux hashtags, défendant leurs valeurs conservatrices, cartonnent aux Etats-Unis: #tradwife (femme traditionnelle) et #stayathomegirlfriend (copine qui reste à la maison). Mais la tendance essaime aussi à travers le reste du monde.
Les vidéos de ces tradwives, qui cumulent des millions de vues, font l'apologie des traditions, de la nécessité pour la femme de s'occuper de la maison, de la cuisine, du ménage, d'elles-mêmes, d'un monde où «Dieu a créé deux genres pour répondre à différents objectifs». Car derrière une étiquette un peu désuète se cache aussi un discours moralisateur et rétrograde.
A quoi ressemble la vie d'une tradwife?
Outre leur rejet de l'égalité homme-femme et d'un monde à plusieurs genres, ces tradwives, qui ne travaillent pas, prônent le fait d'épouser un homme bon et protecteur, car...
Un compte bancaire que monsieur remplit, mais qui appartient au final au foyer. «Mais c'est lui qui a le dernier mot, car il est le provider et la femme est la housemaker.» Des rôles bien définis où l'homme, à la maison, n'a pas à lever le petit doigt «sauf s'il s'agit de soulever quelque chose de lourd».
«Comment être une tradwife»:
La tradwife doit donc savoir cuisiner, tenir son foyer, faire le ménage, être une bonne hôtesse pour recevoir, mais aussi avoir une activité juste pour soi. Les exemples donnés par les tradwives entretiennent les clichés sexistes: selon Estee C. Williams, l'une des tradwives les plus suivies sur les réseaux sociaux, une bonne femme au foyer peut faire de la couture, de la peinture... ou du sport, mais cette dernière déclare d'aller au fitness que si son mari est présent «pour éviter certaines situations». Et pas la peine de s'embarrasser avec des études, car il n'y a «pas besoin d'un diplôme pour se sentir accomplie en tant que femme», dixit cette influenceuse de 26 ans.
Un dernier conseil? Il faut entretenir sa beauté, car «les hommes sont très portés sur le visuel». Pour y parvenir, il faut faire de l'exercice, manger sainement, avoir une routine beauté simple, se maquiller tous les jours et s'habiller de telle sorte à flatter «son corps et son genre». Autrement dit, selon la jeune femme, les robes, jupes et petites blouses sont plus appropriées.
A ce propos, Estee C. Williams assure privilégier les vêtements, coiffures et mises en beauté que son mari préfère, «car son bonheur est primordial, lui qui travaille toute la journée». Elle déclare aussi ne pas sortir à la nuit tombée et envoie sa géolocalisation à son époux dès qu'elle quitte la maison pour aller faire des courses.
Bible, diktats et Trump
Pour être une bonne tradwife, il ne suffit pas d'être une épouse charmante (mais discrète), de savoir quel produit utiliser pour nettoyer une moquette tachée ou d'adorer faire du point de croix. Il faut aussi suivre les préceptes de la Bible, et surtout sans essayer de les remettre dans un contexte plus contemporain.
Exemple? Selon cette influenceuse tradwife, s'il faut se soumettre à son mari, c'est tout simplement parce que c'est ce qui est prêché dans la Bible. Pour autant, Estee C. Williams rappelle que la femme n'a pas moins de valeur que l'homme, c'est simplement le cadre biblique qui est ainsi fait, et il n'est pas question d'être une «soumise».
@esteecwilliams Biblical submission does NOT mean the wife is of less value than the husband. Tradwives encourage Biblical submission because the Bible speaks of this and unfortunately people are twisting the actual meaning of this term. The umbrella of authority has Christ at the top followed by the husband, then the wife, and lastly children. This “umbrella” protects the family unit from satan. Submissive wives are protected and lead by their husband. #tradwife #traditionalwife #biblicalsubmission #christianwife #submissivewife #tradwifemovement #traditionalvalues #tradtok #biblicalfemininity ♬ BSB Reza Jackson Series - Reza Jackson
Par ailleurs, de nombreuses femmes qui ont adopté ce mode de vie façon années 1950 revendiquent aussi le fait de ne pas avoir d'amis du sexe opposé. Une femme doit se contenter de son mari. Certains hommes mariés adeptes de ces valeurs conservatrices prônent le même discours, car «on ne peut pas tenir une marmite bouillante sur ses genoux sans se brûler».
Des tradwives qui critiquent aussi, pêle-mêle, l'avortement, la pornographie, la pilule, le fait d'avoir plusieurs partenaires ou d'avoir des relations sexuelles avant le mariage. Selon elles, il faut «protéger la féminité comme Dieu l'a créée».
@gwenthemilkmaid Looking back, I can’t believe how clueless I was. I really was BLIND. I had no idea just how much my lifestyle was destroying my happiness and my soul. I was running from one dopamine hit to the next, never truly feeling satisfied. Because the hole in your heart cannot be filled by anything else but God. And living the way He tells us to brings so much joy and peace. His law is not to make life miserable, but rather to protect us. It makes sense that the Creator who made you would also know the best way for you to live 🤷♀️ So this message is for all the young girls out there. Our culture is lying to you. Promiscuity, p*rn, premarital s*x, ab*rtions... None of these things will bring you true happiness the way God will. And no matter what’s happened in your life, it is never too late. God loves you and so do I 🥰
♬ hendriksvibes - hendriksvibes
La libération de ce type de contenu sur les réseaux sociaux coïnciderait avec la première campagne présidentielle de Donald Trump, en 2016. A cette époque, en marge de son slogan «Make America Great Again», un autre avait vu le jour: «Make Traditional Housewives Great Again».
Pour certaines de ces tradwives, le monde fonctionne dans le mauvais sens:
Propos issus de cette vidéo 👇🏽
@zimcolorado The values I hold ✨ Words in this reel were written by @emilyallison40 (instagram handle) . . . #homemaker #homemakerlife #tradwife #tradfamily #valuesmatter #godlyvalues #homemakerlifestyle #homemakertiktok #tradwifetok #traditionalvalues ♬ original sound - Rachel Joy
Des inquiétudes en France
Chez nos voisins français, ces vidéos ne sont pas vues d'un très bon œil par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), qui a sonné l'alarme. Selon l'institution, dans un rapport récemment publié (où l'on peut voir des vidéos d'Estee C. Williams prises comme exemples) ce mouvement ramène la société en arrière avec des idées pas franchement égalitaires, et mettant en péril des années de combat féministe.
Mais loin des prises de position et des inquiétudes en France, les contenus de ces tradwives prônant un mode de vie rétro continuent de cartonner sur TikTok.
Des raisonnements tels que «pourquoi les femmes ont-elles besoin de prouver qu'elles peuvent faire la même chose que les hommes, alors que ces derniers n'ont jamais prétendu le contraire» ou encore «pourquoi Dieu aurait-il créé l'homme et la femme différents l'un de l'autre si ce n'est pour assumer des tâches différentes» trouvent un écho auprès de certains internautes.