On adore la Super League
Rythme lent, contrôles approximatifs, absence de stars et rayonnement international proche du néant: personne ne conteste que la qualité de jeu de la Super League n’atteint pas des sommets. La Bundesliga ou la Premier League ne sont qu’à un clic de télécommande, et il est parfois tentant de zapper.
Mais il faudrait simplement cesser de comparer éternellement notre championnat avec celui du Top 5 européen. Car en football, la qualité technique n’est de loin pas l’essentiel. Les clubs font partie de l’industrie du divertissement et, de ce point de vue, la Super League tient toutes ses promesses.
On le constate semaine après semaine. À la trêve hivernale, c’est le promu FC Thoune — à qui peu accordaient du crédit l’été dernier — qui mène le classement. Dans le même temps, l’équipe la mieux dotée financièrement (YB) s’est inclinée à domicile (2-6) face à l’avant-dernier, puis a enchaîné par une nouvelle déroute (0-3)
Le classement:
La vérité, c'est que cette saison tout le monde peut battre tout le monde. Un luxe qu’on croyait perdu. Combien de temps avons-nous déploré la domination écrasante d’un club phare — d’abord le FC Bâle, puis YB? Aujourd’hui, l’imprévisibilité règne et crée un équilibre rafraîchissant, à l’opposé de la Bundesliga, où le Bayern Munich avance à pas de géant vers un nouveau titre.
Le légendaire sélectionneur allemand Sepp Herberger avait raison quand il disait que les gens vont au stade parce qu’ils ne savent pas comment le match va se terminer. Cette saison, la Super League attire en moyenne quelque 12'600 spectateurs par rencontre — environ 300 de plus que l’an passé, qui était pourtant une saison record en termes de fréquentation.
Faute de stars, de jeunes joueurs se voient offrir leur chance. Une nécessité économique, certes. Mais lorsque, comme à Lucerne, de nombreux talents issus du cru sont alignés, cela crée un lien fort avec le public — un capital précieux lorsque les résultats faiblissent.
Lucerne et GC présentent les effectifs les plus jeunes de la ligue. Ailleurs aussi, les espoirs jouent un rôle central: la Super League s’affirme comme un véritable réservoir de talents. À Saint-Gall, le défenseur Cyrill May, 18 ans, a longtemps été titulaire. À Zurich, Cheveyo Tsawa (18 ans) s’est imposé au milieu central. À Berne, le très jeune Olivier Mambwa, 16 ans, a déjà connu plusieurs apparitions. Et à Lausanne, Peter Zeidler a récemment rappelé que ce sont les jeunes qui incarnent l'avenir du Lausanne-Sport, ceci après avoir offert du temps de jeu à Andrew Lachhab (17 ans).
Ce travail de formation est une manne pour l’équipe nationale. En Super League, les talents suisses acquièrent des minutes face à des adultes — une expérience parfois plus formatrice que des entraînements et matches en U19 à l’étranger. Pour les clubs, former puis vendre des joueurs avec bénéfice est devenu un modèle économique. Certains, comme le FC Bâle, recrutent des talents venus d’ailleurs; d’autres, comme Lucerne, misent sur le terroir. Tant que chacun peut battre chacun, le suspense est garanti. Et en football, le suspense vaut bien plus que la perfection technique ou tactique.
