La VAR tue le foot suisse
Lorsqu’en conférence de rédaction, une journée quelconque de Super League s’impose comme l’un des principaux sujets du jour, c’est qu’il s’est passé quelque chose d’inhabituel. C’était le cas jeudi, au lendemain de la victoire 6-2 de Grasshopper, avant-dernier du championnat, sur la pelouse des Young Boys.
Une collègue de la rédaction était présente au match et a partagé après coup la colère des supporters locaux. Des sifflets assourdissants, selon ses propres termes. Rien de très étonnant après autant de buts encaissés. Mais le cœur du problème n’était pas le résultat. Les fans ne sifflaient pas leur entraîneur Gerardo Seoane. Ni Loris Benito ou Chris Bedia. Ni aucun autre joueur bernois.
J’ai ressenti la même chose. De mon côté, j’ai suivi la rencontre avec deux collègues dans un bar sportif. Nous voulions voir des matchs. Du football. Mais nous n’avons vu que quelques occasions et une poignée de dribbles. A la place, il y avait des arbitres portant la main à l’oreille. Des hommes en noir dessinant un rectangle avec leurs deux index. Des directeurs de jeu enchaînant avec un bras levé ou tendu. Désormais, tout le monde sait ce que cela signifie: VAR, VAR, VAR.
A Berne, la VAR et les arbitres se sont imposés de la manière la plus envahissante possible. Le moment le plus agaçant est survenu à la 83e minute, lorsque l’arbitre Alessandro Dudic a écouté pendant près de quatre minutes son assistance avant d’aller consulter les images et de confirmer une décision qu’il avait déjà prise. Pas de penalty pour YB. Car s’il y avait bien une main adverse, celle-ci était précédée d'une position de hors-jeu. Cinq minutes de tergiversations pour déterminer s’il pouvait y avoir une erreur manifeste.
Des fans privés d’information
Main? Hors-jeu? En tant que téléspectateur, je savais au moins de quoi il s’agissait. En Bundesliga ou en Serie A, l'arbitre explique sa décision aux spectateurs après l'intervention de la VAR. En Suisse, en revanche, les supporters présents au stade se retrouvent dans un silence total. Ils n’ont aucune information.
Et c’est là que réside le principal problème de la VAR: elle n’agit plus du tout selon l’esprit de ses inventeurs. Pendant que je regardais à l’écran des images fixes et des lignes de hors-jeu calibrées, je me suis souvenu d’une journée média que j’avais suivie il y a près de dix ans au siège de la FIFA. Le célèbre ancien arbitre Massimo Busacca y expliquait pourquoi la VAR avait été inventée et comment elle devait devenir une bénédiction pour le football:
Selon l’idée de la FIFA, la VAR devait intervenir uniquement si elle était certaine, dans les 30 secondes suivant l’action, qu’une erreur d’arbitrage avait été commise. Entre ces 30 secondes évoquées lors de la journée média en 2016 et ces interminables minutes d'attente, mercredi à Berne, il y a un monde. Je n'ose même pas imaginer ce que cela donnera à la prochaine Coupe du monde, quand la VAR ne se limitera plus aux buts, penaltys et cartons rouges, mais interviendra probablement aussi pour les deuxièmes cartons jaunes et les corners. Une règle à laquelle le championnat de Suisse pourrait bien lui aussi se conformer prochainement...
