Le 12 mars 2017, le FC Lugano est fessé 5-2 à Thoune en Super League. Sur le banc tessinois, Paolo Tramezzani ne goûte pas du tout à la prestation de ses joueurs. A tel point qu'il les obligera le lendemain à aller visiter une entreprise de peinture luganaise à six heures du matin, pour voir les ouvriers travailler et se rendre compte de ce qu'est «la vraie vie». L'Italien n'hésitera pas non plus à mettre son capitaine, fâché après cette initiative, sur le banc lors du match suivant.
L'anecdote en dit beaucoup sur Paolo Tramezzani. L'Italien place le travail sur un piédestal et sait se faire respecter. «Certains entraîneurs ne veulent pas froisser les vedettes d'une équipe, mais avec lui, il n'y a pas de privilèges», applaudit Quentin Maceiras. «S'il le faut, il tape du poing sur la table avec tout le monde.» Le latéral portait le maillot du FC Sion lors des deux premiers passages du technicien transalpin à Tourbillon (en 2017 et 2020). Désormais joueur de Young Boys, c'est donc dans la peau d'un adversaire qu'il assiste au redressement de l'équipe valaisanne depuis deux matchs.
Car oui, elle va bien mieux depuis le retour de Tramezzani. D'abord au niveau comptable: elle est allée battre Servette dimanche (2-1). Mais c'est surtout son changement d'attitude qui frappe. Les Valaisans ont semblé beaucoup plus motivés et rigoureux que lors de leurs dernières sorties avec Marco Walker sur le banc. Pour rappel, le coach soleurois avait fini par être viré après une ultime claque 6-2 à Zurich le 3 octobre.
A coup sûr, Walker ne porte pas à lui tout seul la responsabilité du naufrage sédunois le mois dernier. Mais force est de constater que Tramezzani a su réveiller l'orgueil de ses protégés. D'abord grâce à sa personnalité.
Antoine Rey a aussi été marqué par le body language de l'Italien quand il jouait à Lugano. «C'est une bête physiquement, se souvient l'ancien milieu vaudois. Je n'ai jamais connu un entraîneur capable de transmettre de l'énergie aux joueurs pareillement, c'est comme s'il est sur le terrain. Il arrivait à me faire sentir impliqué à 200% même si j'étais remplaçant.»
Même constat chez Christian Constantin, qui apprécie forcément les qualités humaines et les très bonnes aptitudes de communication de son nouvel entraîneur. «Paolo est très vivant derrière sa ligne de touche et arrive à rentrer dans la tête et le coeur des joueurs, image le président. Même si je n'aime pas beaucoup cette expression, il se les met dans la poche.»
Et pour y arriver, rien de tel que des moments de complicité et de rigolade avec eux. Il y en a eu pas mal lors du camp d'entraînement d'hiver du FC Lugano en Espagne, en 2017. «Chaque jour, quand on rentrait de l'entraînement, on se jetait tous les uns les autres dans la piscine remplie d'eau glaciale et ça partait en cacahuète, rigole Antoine Rey. On mouillait tout le hall d'entrée, les employés de l'hôtel devaient nous détester.»
L'ancien attaquant du FC Sion Marco Schneuwly, désormais retraité, a lui aussi en mémoire des souvenirs marrants avec Tramezzani:
L'Italien, formé à l'Inter Milan, a de beaux restes techniques. Tactiquement, il est aussi au point. «Il sait organiser une équipe, sent comment et quand faire des changements», se réjouit Christian Constantin. Le président sédunois ne tarit pas d'éloge sur les compétences et le professionnalisme de son employé, connu pour arriver au bureau à 7h00 et ne pas le quitter avant 20h00. «Un fou de travail, rembobine Antoine Rey. Il filmait tous les entraînements, puis les debriefait collectivement et individuellement». Quentin Maceiras renchérit:
Christian Constantin en est certain, Paolo Tramezzani a toutes les qualités d'un bon entraîneur. Mais il décèle quand même une faille chez le Transalpin. «Paolo est quelqu'un de sensible, qui prend les choses très à cœur, alors il a tendance à trop s'énerver pour des futilités en dehors du terrain, regrette-t-il. C'est ce qui nous avait empêché de trouver un compromis pour prolonger son contrat en été 2020, il ne comprenait pas ma prudence financière pendant la crise du Covid-19.»
L'Italien a admis dans Le Matin Dimanche du 17 octobre dernier qu'il avait commis une erreur à ce moment. D'ailleurs, à en croire le président du FC Sion, son coach fait des progrès dans la gestion de ses émotions. Il en veut pour preuve une scène à la Porte d'Octodure la semaine dernière:
Ce fort tempérament, c'est ce qui avait poussé une fois Paolo Tramezzani, lors de son premier passage à Sion, à lancer un ordinateur par terre de rage, en pleine analyse vidéo des erreurs du match de la veille. C'est aussi ce qui explique les courts passages du Mister dans chaque club où il a passé (record personnel: 31 matchs sur le banc de l'Apoel Nicosie). «Il veut mourir avec ses idées, alors dès qu'il n'est pas d'accord, il préfère partir», prévient Quentin Maceiras.
Mais ce fort tempérament, c'est surtout ce dont a justement besoin le FC Sion maintenant.