«Riola!», crie la jeune fille dans les tribunes du Letzigrund. Elle tend son smartphone à Riola Xhemaili. La joueuse de l'équipe de Suisse s'en empare et fait un selfie. Elle répète l'opération plusieurs fois, d'autres enfants crient. Elle sourit aux caméras, puis signe des maillots. Une fillette pleure de joie lorsqu'elle peut parler brièvement à Xhemaili.
Les joueuses de l'équipe nationale sont depuis longtemps des stars pour ces enfants. Cela s'est ressenti après la défaite 4-0 contre l'Angleterre: l'époque où la Nati féminine n'intéressait pas grand monde est révolue. Ce jour-là, plus de 10 000 personnes ont assisté à un match international féminin pour la première fois en Suisse. Dans les tribunes, des personnes ont porté des maillots floqués aux noms de Xhemaili, Wälti, Bachmann ou Maritz.
Alors que ces joueuses suscitent des vocations parmi les jeunes Suissesses, certaines jouent au quotidien dans les plus grands clubs du monde. Au Paris Saint-Germain, au FC Barcelone, à Arsenal.
Mais ceux qui, en voyant ces adresses prestigieuses, pensent que nos footballeuses sont royalement payées se trompent lourdement. Lia Wälti, milieu offensive à Arsenal et capitaine de la Nati, a donné plus de détails sur sa situation financière.
Cette déclaration situe les échelles salariales dans le football féminin. Au sein de l'équipe nationale, Wälti fait partie des meilleures rémunérations. Seules Ramona Bachmann au Paris Saint-Germain et Ana Maria Crnogorcevic à Barcelone gagnent probablement davantage. Les autres, même engagées dans les grands championnats européens, vivotent. Certes, elles sont toutes professionnelles, mais beaucoup ne gagnent qu'entre 2000 et 3000 francs par mois.
Pour les Suissesses évoluant à l'étranger, la question est de savoir comment elles subviennent à leurs besoins. Pour s'en sortir, beaucoup vivent en colocation avec d'autres joueuses. Elles sont à mille lieues de la vie luxueuse des stars masculines.
Quelques exemples concrets: Filip Kostic, le meilleur salaire de l'Eintracht Francfort, gagne environ 100 fois plus que Géraldine Reuteler. L'internationale est employée par le même club, l'Eintracht, et son quotidien est comparable. Lors de son entretien d'embauche, elle a avoué clairement qu'elle ne s'attendait pas à un salaire similaire, car les hommes génèrent encore plus de profits avec la billetterie, les droits TV et les contrats de sponsoring. C'est seulement la différence grossière de 100 fois plus qu'elle trouve dérangeante: «Nous faisons le même travail pour le même employeur».
Rachel Rinast du FC Cologne a obtenu son diplôme d'enseignante d'allemand et remarque: «Si je joue en Bundesliga avec Cologne, je gagne autant qu'une stagiaire qui n'est pas encore tout à fait enseignante». Son salaire en Bundesliga suffit tout juste pour vivre, elle ne peut rien mettre de côté. Pour les joueuses de l'équipe nationale, il est donc nécessaire de préparer l'après-carrière.
Les joueuses gagnent encore moins bien leur vie en Suisse, où il n'existe qu'une poignée de professionnelles. Chez le champion du FC Zurich, dont six membres participent à l'Euro sous le maillot helvétique, aucune ne pratique ce sport à plein temps. Meriame Terchoun: «Je trouve que nous ne gagnons pas assez. Cela doit changer». Dans sa section masculine, le FC Zurich a suffisamment d'argent pour verser de très bons salaires.
Grâce au titre de champion et à la victoire en Coupe, les joueuses du FCZ ont cumulé environ 6000 francs en une année, primes incluses. C'est pourquoi elles doivent toutes avoir un travail à côté. Sans parler du coût de la vie plus élevé dans notre pays qu'en Espagne ou en Allemagne.
Dans le football féminin, l'un des plus grands clubs est le FC Barcelone. L'équipe féminine, avec laquelle Crnogorcevic est sous contrat, a joué deux fois au Camp Nou devant plus de 90 000 personnes.
🔴 RECORD !
— Instant Foot ⚽️ (@lnstantFoot) April 22, 2022
Le Camp Nou établit à nouveau ce soir le record de spectateurs pour un match de foot féminin !
91648 spectateurs se trouvaient à Barcelone pour assister à la gifle du Barça en demi-finale aller de la #UWCL contre Wolfsburg (5-1). #BarcaWolfsburg pic.twitter.com/NgF9liilZp
Pourtant, le finaliste de la Ligue des champions paie nettement moins les femmes que les hommes. Selon des estimations, la superstar Alexia Putellas toucherait environ 30 000 francs par mois. En comparaison, Gerard Piqué touche environ 2,3 millions de francs. De plus, malgré les difficultés financières, l'équipe masculine continue d'acheter des joueurs à prix d'or.
La comparaison avec le football masculin n'est qu'accessoire. Les joueuses ne demandent pas des salaires égaux, mais se demandent pourquoi la différence est si grande. Chez les hommes, l'argent est mal placé, chez les femmes, chaque franc fait l'objet de discussions.
Coumba Sow, qui joue au Paris FC, en est une bonne illustration. Parallèlement au football, elle souhaite poursuivre ses études par correspondance afin d'être prête pour son après-carrière. Coût mensuel: 300 francs. C'est trop pour Sow. La comparaison avec son cousin Djibril, joueur de l'équipe suisse masculine et de l'Eintracht Francfort, est particulièrement extravagante. «Je n'accepterais jamais d'argent de sa part. Mais la comparaison au sein de la famille est dure», dit Coumba Sow.
Si le football féminin connaît actuellement un boom, l'Euro en Angleterre va encore accroître cet élan populaire. Les joueuses de la Nati deviennent de plus en plus connues, mais cela ne se reflète pas encore dans leurs salaires. (aargauerzeitung.ch)