Lionel Messi a souvent fait pleurer les défenseurs adverses. C'est à son tour maintenant, mais pas pour les mêmes raisons: les larmes qui coulent sur les joues de l'Argentin depuis un mois ne traduisent pas l'impuissance, mais la force des liens que le joueur a su créer au cours de sa vie de footballeur.
Il reste que deux fois en quatre semaines, le nouveau joueur du Paris Saint-Germain (PSG) a montré un visage qu'on ne lui connaissait pas jusque-là. La première fois c'était le 8 août, lors de ses adieux au FC Barcelone, son club de cœur et de toujours.
La seconde c'était la nuit dernière, en présentant le trophée de la Copa America au public argentin après son triplé contre la Bolivie (qui lui a permis de devenir le nouveau meilleur buteur sud-américain en sélection avec 79 réalisations).
Ces attitudes sont surprenantes de la part d'un joueur qui a longtemps eu la réputation d'être insensible, voire austère. Toute la question est désormais de savoir si le footballeur de 34 ans a changé, ou si l'on s'est toujours trompé sur son cas.
Florent Torchut pense que la vérité se situe entre les deux. Correspondant permanent à Barcelone et proche du clan Messi, le journaliste de L'Equipe admet que l'Argentin n'a pas la larme facile (au contraire de Neymar par exemple), et que sa personnalité plutôt froide est celle des grands compétiteurs qui, très vite, digèrent les coups durs pour se projeter vers de nouveaux défis.
Pour autant, «Messi a vécu les deux moments les plus forts de sa carrière en quelques semaines d'intervalle», si bien qu'il n'est pas étonnant de le voir submergé par les émotions.
Florent Torchut rappelle que Messi n'avait jamais imaginé quitter la Catalogne. «Son entourage m'a dit qu'il avait été en état de choc, ce qui explique sa tristesse lors de la conférence de presse.» Le technicien valdo-espagnol Pablo Iglesias, qui possède des liens étroits avec le club catalan, décèle autre chose: «Comme tous les grands joueurs, Messi est un killer à sang-froid. Mais c'est aussi un père de famille (il a trois enfants) qui ne voulait pas faire revivre le même déracinement que lui-même avait vécu en quittant Rosario à l'adolescence».
La légende raconte que lorsque le jeune Messi (treize ans) a pris l'avion pour quitter sa ville natale en direction de Buenos Aires, il a pleuré durant tout le vol. Entre la capitale argentine et Barcelone, il était tellement épuisé qu'il a sombré dans le sommeil.
L'histoire est différente avec la sélection argentine, mais les larmes tout autant sincères. Florent Torchut raconte:
La sélection nationale a toujours exacerbé la sensibilité de Lionel Messi. Le joueur prenait simplement soin de ne pas dévoiler ses émotions au public. Comme en finale de la Copa America 2015, perdue aux tirs au but face au Chili. Ce soir-là, son coéquipier Lucas Biglia décrit un numéro 10 en grande souffrance: «Je n'avais encore jamais vu Messi comme ça. Il était dévasté, pleurant de façon inconsolable. C'était un moment très dur».
Si les spectateurs ne le découvrent jamais autrement que confiant et déterminé, c'est parce que «Lionel Messi possède une capacité supérieure à la moyenne pour digérer les difficultés», songe Florent Torchut. «L'exemple de son départ en France est révélateur: en deux jours, soit entre le 8 et le 10 août, il est passé d'un état de profonde tristesse à une volonté affichée de remporter une 5e Ligue des champions».
Le changement était si rapide que certains supporters catalans ont pensé que la star n'avait eu que des larmes de crocodile pour le Barça. «Mais c'est faux», reprend le journaliste. «Messi est un éternel optimiste. Il verra toujours le côté positif des choses. Il est aussi comme ça sur le terrain: quand il rate quelque chose, il ne rumine pas. Il est dangereux sur l'action d'après».
Certains défenseurs adverses l'aimeraient un peu plus sensible. Mais Lionel Messi réserve ses émotions à ceux qu'il souhaite auprès de lui, plutôt que contre.