Deux jours à peine après le début des JO 2024, le sport équestre est déjà dans la sauce. Après le scandale de la championne olympique Charlotte Dujardin, suspendue par la Fédération Equestre Internationale (FEI) suite à la publication d'une vidéo compromettante où on la voit fouetter un cheval 24 fois en une minute à peine, c'est au tour de l'Italien Emiliano Portale de faire honte à toute une communauté.
En effet, ce dernier a été éliminé après sa reprise de dressage parce que la bouche de Future, son cheval, présentait du sang.
Et comme si ça ne suffisait pas, le cavalier brésilien Carlos Parro a également reçu un avertissement de la FEI après que l'organisation Peta s'est plainte «qu'il créait un inconfort inutile à son cheval Safira», rapporte notamment The Independent. Autrement dit, l'axe tête-encolure du cheval l'empêchait de respirer normalement. Dans ce cas, il s'agit d'hyperflexion, ou plus exactement de rollkur. La pratique est d'ailleurs interdite en Suisse depuis le 1er janvier 2014.
Inutile de vous dire à quel point je suis déçue, attristée mais surtout révoltée. Le pire dans tout ça, c'est que ces récents incidents impliquant Charlotte Dujardin et Emiliano Portale mettent en lumière une réalité troublante: la maltraitance et l'abus dans le sport équestre banalisés, dissimulés par une culture de silence et de complicité.
La vidéo de Charlotte Dujardin, icône de l'équitation britannique, n'est qu'une illustration crue de la maltraitance qui sévit encore trop souvent dans notre sport. La sanction qui vise Dujardin, quelqu'un d'aussi respecté et admiré, est un rappel brutal que personne n'est au-dessus des règles du respect animal.
L'affaire Emiliano Portale soulève elle aussi une question: que se passe-t-il quand le rideau tombe et que les caméras ne filment pas? Si le cavalier n'a aucune gêne à exposer ses pratiques douteuses au point que le cheval finisse la bouche en sang, à la télévision aux Jeux olympiques, difficile de ne pas imaginer le pire.
Il est clair que ces actes de cruauté ne sont pas isolés. Ils arrivent tant chez les professionnels, que les amateurs. Combien de fois devrons-nous fermer les yeux sur ces abus avant de reconnaître que notre silence nous rend complices? Ne serait-il pas temps de punir, une fois pour toutes, ces bourreaux?
Pourquoi ces abus continuent-ils de prospérer? Pourquoi cette loi du silence? Pourquoi empêcher la dénonciation des abus? Mais surtout, pourquoi est-elle si ancrée?
A ceci s'ajoute une peur renforcée par les pressions sociales et économiques exercées par ceux qui ont tout intérêt à maintenir le silence. Les incidents de maltraitance sont souvent dissimulés, minimisés ou même justifiés au nom de la performance et de la tradition. Et les fédérations équestres, censées protéger les animaux, sont malheureusement parfois complices de ce silence en ne prenant pas de mesures suffisantes. Les cavaliers qui osent dénoncer ces pratiques se retrouvent souvent ostracisés ou menacés, ce qui dissuade d'autres de suivre leur exemple.
Est-ce dont ça, l'équitation? La réponse est non. Pour le plus grand malheur des plus sensibles d'entre nous, le cheval est devenu la première victime de cette culture de l'omerta, mais aussi et surtout de la bêtise humaine. Les chevaux, bien qu'étant au cœur de ce sport, sont souvent traités comme des outils de compétition plutôt que comme des partenaires sensibles.
Il est impératif que cela change. L'équidé doit retrouver sa place de partenaire et les fédérations sportives ont le devoir d'adopter des politiques strictes et transparentes pour garantir leur bien-être. Les sanctions doivent être sévères et dissuasives, et les lanceurs d'alerte protégés et soutenus.
Les fédérations sportives ont un rôle crucial à jouer pour briser cette omerta. La politique de tolérance zéro envers la maltraitance doit être instaurée et la FEI, notamment, doit pouvoir garantir que des sanctions soient appliquées de manière transparente et rigoureuse. Sans ça, rien ne changera. En fait, il est tout simplement l'heure de taper du poing sur la table. Il est désormais devenu essentiel de promouvoir une culture de l'éthique et du respect dans le monde équestre.
Oui, je suis en colère. En colère contre ceux qui abusent des chevaux, contre ceux qui ferment les yeux, et en colère contre un système qui permet à ces atrocités de se produire. Nos chevaux méritent mieux. Ils nous donnent tout, et nous devons leur rendre la pareille avec respect et bienveillance. L'omerta dans l'équitation doit cesser, pour le bien de nos chevaux et pour l'honneur de notre sport. Ne restons pas silencieux. Pour chaque cheval qui a souffert en silence, pour chaque témoin réduit au silence par la peur, il est de notre devoir de parler haut et fort. Ensemble, nous pouvons et devons changer les choses. Assez de silence. Assez d'excuses. Il est temps de changer.
Une chose est sûre, l'avenir du sport équestre est plus que jamais compté. Après Saint Boy et Annika Schleu au pentathlon moderne en 2021, tous les yeux seront rivés sur les cavaliers participants à cette nouvelle édition. Et quelque chose me dit que nous ne sommes pas à l'abri de nouveaux scandales.