Pour un artiste, voir son œuvre saccagée doit fendre le cœur. D'autant plus quand elle est porteuse d'un message fort. C'est la douloureuse expérience qu'a vécue la dessinatrice italienne Laika ce mardi.
Lundi à Rome, elle dévoilait sa toute nouvelle fresque, peinte sur un mur près du siège du Comité olympique national italien (CONI). Le dessin est un hommage aux volleyeuses transalpines, qui ont été sacrées championnes olympiques pour la première fois, à Paris, dimanche. Et plus spécifiquement à l'une des stars de l'équipe, Paola Egonu. C'est d'ailleurs elle qui est représentée. Avec, en-dessous, le mot «Italianita» («italianité», en français).
Un choix tout sauf anodin: Paola Egonu (25 ans) est une personne de couleur, qui a souffert à plusieurs reprises de racisme en Italie. En présentant son œuvre sur Instagram, Laika – qui se définit comme une activiste antifasciste – a été très explicite:
Il aura fallu moins de 24 heures avant que cette fresque ne soit vandalisée. Dans la nuit de lundi à mardi, une (plusieurs?) personne(s) ont repeint la couleur de peau de la volleyeuse en rose et ont effacé les inscriptions antiracistes sur le ballon, où il était notamment écrit «Stop au racisme et à la haine».
Cet acte de vandalisme, raciste, écœure de nombreux politiciens italiens, qui ont exprimé publiquement leur dégoût. C'est le cas du ministre des affaires étrangères, Antonio Tajani (membre de Forza Italia, parti de droite). Il a écrit sur X:
Le maire de Rome, Roberto Gualtieri (Parti démocrate, classé au centre-gauche) a, lui aussi, des mots forts sur ce même réseau social:
Le choix de Laika de représenter une athlète italienne de couleur et les réactions virulentes des politiciens suite au saccage de la fresque reflètent la situation en Italie, où les questions d'ethnicité et d'identité sont sensibles. Paola Egonu en a fait les frais plusieurs fois.
«On me demande sans cesse si je suis Italienne», déplorait en 2022 la joueuse, née en Italie et qui a obtenu le passeport à ses 15 ans. «Fatiguée» de cette situation, elle a même songé à arrêter de porter le maillot de la Squadra Azzurra, comme le rappelle Franceinfo.
En 2023, un militaire – le général Roberto Vannacci (55 ans) – écrivait un livre (qui a cartonné au niveau des ventes) dans lequel il disait de la volleyeuse que «même si elle a la nationalité italienne, ses traits (physiques) ne représentent pas l’italianité».
Désormais député européen, sur la liste du parti d’extrême-droite la Ligue du Nord, il a réitéré ses propos après le sacre des volleyeuses transalpines aux JO, fait savoir Euronews. Le journaliste Bruno Vespa a, lui, décrit ces dernières comme «bonnes, noires, Italiennes. Un exemple d'intégration gagnante». Il a aussi souligné que Paola Egonu s'était intégrée avec réussite en tant qu'étrangère...
Pour rappel, les comportements racistes se sont multipliés dans les stades de football de la Botte ces dernières années. La première sélection de Mario Balotelli en 2010 – premier joueur noir à porter le maillot de la Nazionale – avait aussi créé un débat.
Depuis mardi, un passant, muni d'un feutre noir, a repeint la peau de Paola Egonu. Il a aussi écrit «Thank you Laika» sur le mur. Mais cette tentative de redonner à cette œuvre son caractère original ne refermera pas la plaie ouverte par le racisme en Italie.
Un pays qui pourrait vivre un prochain mois charnière: le Parlement rediscutera en septembre de la possibilité d'octroyer la citoyenneté sur la base du droit du sol (jus soli) plutôt que sur le droit du sang, comme c'est actuellement le cas.