Le passeport norvégien troqué contre celui du Brésil et voilà que Lucas Pinheiro Braathen, la rockstar du circuit masculin de ski alpin, revient slalomer entre les portes.
Si la Fédération internationale de ski (FIS) a besoin d'un athlète comme le spécialiste des disciplines techniques pour son image, ses concurrents sont un poil moins enchantés.
Lucas Braathen, Brésilien par sa mère, est une chance unique pour le pays épris de football. Un «transfert» qui n'aurait pu avoir lieu sans l'apport financier de nombreux partenaires et spécialement de Red Bull. La firme autrichienne a investi sur sa pépite norvégo-brésilienne pour la remettre dans le portillon de départ.
Pierre angulaire d'une cellule privée, l'ancien détenteur du globe de slalom est épaulé par l'ex-coach physique de Marco Odermatt, Kurt Kohtbauer, et par un ancien entraîneur de Marcel Hirscher et de la fédération autrichienne, Michael Pircher. A ce staff se greffent également Christian Hoel pour superviser le duo et le serviceman Tor Schjetne.
Tout ce petit monde va s'occuper du skieur pour le mettre dans les meilleures conditions. Et si le bonhomme a du talent à revendre, que ses courbes propres et puissantes vont (re)faire des dégâts, il faudra lui dicter une nouvelle marche à suivre.
Un facteur que Matteo Joris, le chef des slalomeurs suisses, bien que persuadé que Braathen va carburer, relève: «Il va revenir fort, c'est sûr, mais il évolue désormais dans une autre situation».
Si le skieur de 24 ans n'a jamais cessé de s'entraîner – il a skié tout l'hiver, confirme Joris –, le fait d'évoluer dans une équipe permet de garder une réelle dynamique. Se retrouver seul à avaler des piquets et enchaîner les manches, c'est parfois éreintant et difficile à gérer, surtout si les planètes ne s'alignent pas. Le spleen devient un boulet qui peut être traîné un long moment...
«Quand tu rates une course, mais ton collègue d'équipe réussit de bonnes performances, ça te permet de garder une dynamique positive», expose le Valdotain.
Cet entraînement en solo et non plus en équipe, c'est une nouveauté pour Braathen, avec un drapeau tatoué sur le coeur. C'est une tendance qui fonctionne, par exemple pour un coureur comme Henrik Kristoffersen. Le Norvégien, lui, ne doit toutefois pas supporter seul les attentes de tout un pays. Un athlète que le néo-Brésilien critiquait en 2020 pour avoir choisi «l'équipe Kristoffersen». Plutôt cocasse.
Le dilemme fédération ou structure privée a toujours existé dans le monde du ski alpin. Et a toujours suscité des débats. Lara Gut-Behrami, par exemple, vantait en 2014 les bienfaits des cellules privées, arguant que «90% portent leurs fruits et que seulement 10% échouent».
Mais l'absence d'un groupe (et des bienfaits qui vont avec) pourrait peser sur Braathen. Ne pas être au côté de son meilleur ami Atle Lie McGrath, par exemple, peut s'avérer compliqué. Les deux athlètes nés en 2000, les «jumeaux norvégiens» comme ils sont surnommés, affirmaient dans un article de la NZZ que sans l’autre, ils n’auraient pas atteint les sommets aussi rapidement.
Ensemble, les deux prodiges ont effectivement réussi à atteindre un niveau de ski affolant.
Mais voilà: Braathen est un adepte de l'anticonformisme. Et cet état d'esprit pourrait bien lui permettre de faire taire ceux qui pensent que, seul, il n'arrivera à rien. Il est perçu comme un skieur individualiste qui peine à s'intégrer à un collectif. S'insérer dans un système est une exigence en plus pour le technicien. C'était d'autant plus le cas dans l'équipe de Norvège, connue pour son fort esprit collectif.
Cette nouvelle saison sous les couleurs du Brésil, c'est donc un saut dans l'inconnu où il lui faudra avancer seul, avec cette menace de broyer du noir si les résultats ne suivent pas. Mais le bonhomme est réputé pour être une bête de course, un gagneur; sa vocation première.
Les différents skieurs interrogés par nos soins sont sûrs de son très haut niveau et de ses futurs succès sur le circuit de Coupe du monde. Les observateurs voient même en Braathen le rival le plus coriace de Marco Odermatt pour cette nouvelle saison 2024/2025, qui débutera le dimanche 27 octobre, sur le glacier du Rettenbach à Sölden.