Chaque année, ce sont entre 321 et 474 tonnes d'or artisanal qui sont produites en Afrique sans être déclarées, selon Swissaid, qui a mené l'enquête entre 2021 et 2024. Cela équivaut à entre 23,7 et 35 milliards de dollars au prix de l'or le 1er mai dernier ainsi qu'à 75% de la production totale d'or africain extraite de manière artisanale.
Cette étude porte sur l'ensemble des 54 pays du continent africain et sur les principaux pays de destination de l'or exporté depuis celui-ci. Elle couvre une période de onze ans, à savoir de 2012 à 2022.
Ainsi, l'ONG a pu constater que ces dernières années, en raison du prix de l'or en hausse et des difficultés économiques des pays africains, une véritable «ruée vers l'or» s'est produite. Ce phénomène a engendré «un développement précipité et peu contrôlé de mines artisanales, aux conditions de travail désastreuses», relève l'enquête. Dès lors, le phénomène de contrebande de l'or y est devenu «préoccupant».
La contrebande d'or la plus importante concerne le Mali, le Ghana et le Zimbabwe.
La majorité de l'or africain, soit 80% de la production industrielle et artisanale, prend le chemin de Dubaï, aux Emirats arabes unis (EAU), de la Suisse ou de l'Inde. En 2022, 66,5% (soit 405 tonnes) de l'or importé aux EAU en provenance d'Afrique a été exporté en contrebande. En Suisse, l'or importé directement d'Afrique était «majoritairement industriel», selon l'étude.
«Véritable plaque tournante du précieux métal, les Emirats arabes unis ont importé 2569 tonnes d'or africain entre 2021 et 2022 qui n'ont pas été déclarées à l'exportation dans les pays africains», ce qui équivaut à un montant de 115,3 milliards de dollars, précise Swissaid.
Après son passage par Dubaï, l'or est exporté dans différent pays, dont la Suisse, deuxième plus gros importateur après les Emirats. Entre 2012 et 2022, cette dernière a ainsi importé plus de 1670 tonnes d'or en provenance des Emirats arabes unis.
«Depuis de nombreuses années, de l'or de contrebande potentiellement lié à des conflits ou des violations de droits de l'homme atterrit donc en Suisse, en toute légalité», déclare à AWP son responsable matières premières et coauteur de l'étude, Marc Ummel. Il dénonce que le pays soit à la traîne en matière de législation sur les métaux précieux. A ses yeux, la loi sur les douanes qui doit être débattue au Parlement cet automne devrait être «l'occasion de renforcer le cadre légal et améliorer la traçabilité des matières premières».
«La Suisse subit de plus en plus de pressions de certains Etats européens afin qu'elle s'aligne sur les standards de l'OCDE», explique le spécialiste.
(sda/awp/ats)