Record de vols de drones signalés en Suisse: voici ce que prépare l'armée
L’Allemagne a réagi aux récents vols de drones au-dessus de la ville de Kiel et de l’aéroport de Munich. Berlin a décidé que la police fédérale serait désormais habilitée à abattre des drones et qu’une unité spéciale de lutte anti-drones serait créée. Pour cela, la loi sur la police fédérale doit être modifiée.
Parallèlement, le gouvernement veut clarifier dans quelles circonstances l’armée allemande pourra prêter main-forte sur le territoire, notamment pour protéger des infrastructures critiques comme les aéroports ou les raffineries.
Et la Suisse?
Côté civil, aucune urgence particulière n’est signalée. L'Office fédéral de l’aviation civile (Ofac) indique ne constater «aucun dérangement comparable à ceux observés dans l’Union européenne (UE) et en Allemagne», selon son porte-parole Christian Schubert.
L’Ofac considère néanmoins la menace que représentent les drones pour l’aviation civile comme «réelle et existante». Mais en Suisse, un seul incident avéré a eu lieu jusqu’ici: en 2018, un drone est entré en collision avec un hélicoptère au Tessin.
Depuis le début de l’année, 68 observations de drones ont été signalées dans le ciel suisse, environ la moitié à proximité d’aéroports régionaux ou nationaux, donc dans des zones contrôlées. Un chiffre record, comme le montre le rapport de sécurité 2024 de l’Ofac: 33 cas en 2021, 54 en 2022, et 56 en 2023 et 2024.
L’Office précise n’avoir «aucun indice» que ces vols soient liés à des activités «malveillantes, criminelles ou terroristes». «La grande majorité des incidents concernent des drones de loisir», explique le porte-parole de l'Ofac. «Ils s’expliquent par une méconnaissance des règles de vol ou de la législation.»
Ces règles, pourtant, sont claires. La Suisse a adopté, en 2022, la réglementation européenne sur les drones: comme dans l’UE, des restrictions s’appliquent autour des aéroports. D’autres interdictions reposent sur le droit suisse ou cantonal, par exemple au-dessus des prisons, des zones de protection de la faune ou des infrastructures sensibles.
Peu de données
La protection des infrastructures critiques relève de l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP), mandaté par le Conseil fédéral. Mais l’OFPP ne dispose d'aucune statistique sur les survols interdits, et n’intervient pas directement. La responsabilité première incombe aux exploitants eux-mêmes. Si leurs moyens ne suffisent pas, la police peut intervenir, et en dernier recours, l’armée peut soutenir les autorités civiles.
Depuis 2019, l’OFPP a «à plusieurs reprises sensibilisé les exploitants à la problématique des drones et aux contre-mesures possibles», souligne son porte-parole Olivier Frédéric Schorro. Ceux-ci sont également informés «régulièrement» des nouvelles technologies de défense.
Pour l’heure, les animaux sauvages représentent un risque bien plus important pour l’aviation civile que les drones. En 2024, l’Ofac a enregistré 388 collisions entre avions et animaux, principalement des oiseaux, mais aussi des lièvres et des renards. A l’aéroport de Zurich, certaines espèces rares vivant sur le site exigent une vigilance particulière, selon Christian Schubert: la gestion du risque lié à la faune reste une priorité.
Survols de bases militaires
La donne change dès qu’il s’agit d’installations militaires. L’armée suisse reste discrète, mais reconnaît être concernée. Le ministre de la Défense, Martin Pfister, a admis que des survols ont bien eu lieu, tandis que le chef de l’armée, Thomas Süssli, a confirmé une hausse des observations de drones autour de la base aérienne de Meiringen (BE).
Dans une interpellation déposée en mars 2025, le conseiller national Lukas Reimann (UDC) se montre plus alarmiste:
Des «sites militaires strictement confidentiels» auraient même été survolés, selon lui.
Que dit le gouvernement Suisse?
Dans sa réponse du 14 mai, le Conseil fédéral assure que «la situation n’est ni sous-estimée ni banalisée». Il anticipe que la neutralisation active des micro- et mini-drones hostiles prendra «une importance accrue» à l’avenir. Quatre mois plus tard, les faits lui donnent raison.
L’armée a depuis réagi: elle a confié à Armasuisse, l’Office fédéral de l’armement, la commande d’un système de défense antidrones. «Honnêtement, j’aimerais le recevoir cette année plutôt que l’an prochain», a déclaré Thomas Süssli.
De son côté, l’Ofac se dit également prêt à agir. Si des incidents similaires à ceux observés dans l’UE surviennent en Suisse, assure son porte-parole Christian Schubert, «nous devrons alors réévaluer la situation en matière de sécurité».
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder